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28 - A double tour (3ème partie)

Publié le 21 février 2008 par Theophile

Ambulance     - Jean-Marc ! Tu es là ? ! (Silence.) Jean-Marc... Jean-Marc ! Ouvre-moi ! Tu m'entends ?! Jean-Marc ! Ouvre ! Jean-Marc !

En toquant plusieurs fois de suite à la porte, et de plus en plus fort, ma mère commence à paniquer. Elle actionne la poignée de la porte plusieurs fois consécutives. Pour tenter de la forcer. Mais rien n'y fait. Aucun son, aucune parole venant de la salle de bain, où "l'autre" est visiblement enfermé.
Elle prend alors le couteau et l'introduit dans la serrure.

    - Jean-Marc, réponds !
Assez rapidement, elle parvient à l'aide du couteau à tourner le verrou. Deux tours sont nécessaires. Deux tours de couteau, et la porte de la salle de bain s'ouvre.

    - Tu restes là, Théo. N'entre pas !
Elle entre dans la salle de bain. Je ne l'écoute pas, de peur qu'il se passe quelque chose. Quand nous entrons, nous voyons la salle de bain plongée dans une épaisse buée. La chaleur qui y règne est insupportable. Dans la baignoire remplie d'eau fumante, "l'autre" est allongé, nu, comme endormi.  Plusieurs plaquettes de comprimés sont disposées autour de la baignoire, sur l'évier, quelques cachets sont sur le sol, et certains flottent encore à la surface de l'eau.

    - Jean-Marc, réponds ! qu'est-ce que tu as pris ? Qu'est-ce que tu as avalé ?

Ma mère porte plusieurs gifles sur le visage de ce corps endormi.

     - Ouvre la fenêtre, Théo ! Et dis à ta soeur d'appeler les urgences !

Je m'exécute. Après avoir ouvert la fenêtre de la salle de bain afin que la buée s'évapore et que la température baisse, je me précipite au rez-de-chaussée pour rejoindre ma soeur enfermée dans le bureau. Je frappe très vite sur la porte.

    - C'est moi !

Les deux tours de clé sont fulgurants

    - Qu'est-ce qui se passe ?
    - Appelle les secours !

Ma soeur se jette sur le téléphone.

    - Théo, qu'est-ce qui se passe ?
    - Il est dans la baignoire. Endormi. Il a pris des cachets.

Ma soeur raccroche aussitôt.

    - Mais qu'est-ce que... je n'appelle pas la police !... C'est le SAMU !

Elle reprend le combiné et compose le numéro des urgences.
Quand elle a raccroché, j'ai cru, l'espace d'une seconde, qu'elle ne voulait appeler personne.

Je cours rejoindre ma mère à l'étage pour voir l'état de la situation. Quand j'arrive, je regrette de ne pas voir ma mère continuer à lui donner des gifles. Elle est en train de lui passer un gant de toilette imbibé d'eau fraîche sur le visage.

    - Ils arrivent ?
    - Oui, maman.

Cinq minutes plus tard, l'ambulance est sur place. Les gyrophares éclairent toutes les habitations aux alentours. Les lumières à l'intérieur des maisons s'allument une par une. Certains sont sur le seuil de leur porte, emmitouflés dans leur robe de chambre.
Je reste au rez-de-chaussée avec ma soeur pendant que ma mère amène les ambulanciers, suivis des pompiers qui arrivent eux aussi vers la salle de bain, à l'étage. Beaucoup de monde d'un seul coup envahit la maison.
Un pompier reste avec nous.

    - Ca va les enfants ?
    - Oui.
    - Oui, ça va.
    - Ne t'inquiète pas mon p'tit gars. On est là. Ton papa, va être sorti d'affaire.
    - Je ne m'inquiète pas.

Le pompier ne s'attendait pas à cette réponse. Il s'adresse alors à ma soeur.

    - C'est toi qui a appelé ?
    - Oui.
    - Raconte-moi ce qui s'est passé...

Ma soeur raconte grossièrement ce qu'il s'est passé. Elle ne raconte pas la scène de violence. Le pompier alors regarde un peu autour de lui, l'air de rien, puis se dirige vers un de ses confrères. Ils discutent, dans la cuisine, à voix basse. Et nous regarde de temps en temps. Je pense qu'ils nous ont trouvé un peu trop calmes.
Quelques minutes plus tard, beaucoup de bruit dans l'escalier. Les ambulanciers et pompiers descendent avec ma mère.
Sans "l'autre".
Il y en a deux qui ricanent. Un autre est décontracté. Un quatrième parle avec ma mère.
"L'autre" est resté à l'étage. Ils l'ont sorti du bain. Séché et mit dans le lit.

     - C'est bien la première fois que ça m'arrive.
     - Je suis désolée, monsieur...
     - Il a de l'humour votre mari ! Il vous joue des tours ! Faudra lui dire que s'il veut vraiment s'en aller, ce n'est pas avec des vitamines que ça se fait.
     - Mais je ne comprends pas. La plaquette de somnifères est pourtant vide...
     - Ah oui... Si vous voulez les récupérer, il y en a dans la poubelle. Quant aux autres, ils se sont dissouts dans l'eau.
     - Je suis désolée, vraiment.
     - Il y a combien de temps que cela dure ?
     - Depuis 15 ans...
     - Vous avez déjà porté plainte ?
     - Une fois, oui...
     - Faites ce qu'il faut.
     - Oui...
     - S'il ne veut pas consulter, comme vous me le dites, partez... Partez avant qu'il ne soit trop tard.



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