Nicolas Sarkozy, phénix de 2011

Publié le 31 août 2011 par Cahier

La politique est un métier. Gravir les marches du pouvoir une quête au long cours. Avancer se fait au travers d’épreuves, d’obstacles et finalement de dépassements, de victoires sur les autres. Sur soi-même. Quel président, depuis Charles de Gaulle n’a pas eu à affronter la fameuse traversée du désert ? Quel responsable politique n’a pas essuyé un revers personnel lors d’une bataille électorale ou à la faveur d’un remaniement défavorable.

La formule du philosophe Nietzsche qui prétend que « ce qui ne vous tue pas, vous rend plus fort » s’applique donc particulièrement bien à l’arène politique et à ses gladiateurs. Dans le même esprit, Clausewitz a toujours mis en avant la « richesse des défaites », « source infinie d’inspiration pour les vainqueurs de demain ».  

Malgré la nouvelle règle du jeu quinquennal et l’accélération du temps politique, le mandat du Président de la République a fait successivement apparaitre des « trous d’air » puis des rebonds, illustrations d’une relation complexe entre les Français et celui qui les représente.

Parti de loin… et de très bas il y a un an, le Président Sarkozy semble, petit à petit, revenir dans une course qu’il affectionne tant. Si on ajoute à cela le fait qu’à six mois d’une présidentielle la dynamique est un meilleur indicateur que le niveau d’intention de vote mesuré, alors nous sommes bel bien à un tournant de cette campagne.  

 

Retard à l’allumage

L’hiver 2010-2011 restera sans doute comme le moment le plus tendu du quinquennat. Au cours de ces quatre mois, la côte de popularité du Président a oscillé entre 29 et 32% d’opinions favorables selon le baromètre Ifop/JDD, achevant ainsi un divorce sans précédent entre Nicolas Sarkozy et les Français. Au même moment, son Premier Ministre creusait un réel écart du point de vue de la popularité : 51% d’opinions favorables en décembre 2010 soit 20 points de différence. C’est au cours de ces premiers mois de l’année 2011 et renforcé par certaines enquêtes, alors même que l’on commençait à évoquer le rendez-vous de 2012, que certains proches du Premier Ministre ont commencé à se réunir et à imaginer une candidature du Premier Ministre.  

Le début d’année 2011 c’est aussi le moment où Nicolas Sarkozy, bête blessée, voit s’approcher d’autres concurrents à droite : Jean-Louis Borloo qui annonce en avril la création d’une Alliance républicaine, écologiste et sociale  tandis que Dominique de Villepin, relaxé dans l’affaire Clearstream un an plus tôt, débute un travail de fond qui l’amènera à fonder République Solidaire au mois de juin.

Au-delà de sa propre famille politique, Nicolas Sarkozy observe également la montée en puissance de la nouvelle présidente du Front National. Alors que celle-ci profite du Congrès de Tours pour rassembler ses sympathisants, sa candidature progresse fortement pour atteindre 24% d’intentions de vote ; un score suffisant pour la qualifier pour le second tour de l’élection. Profitant d’un parti plus homogène et mobilisé, l’héritière du fondateur est parvenue à remettre en question la stratégie du Président qui, depuis le discours de Grenoble, ne semble plus parvenir à quitter ce terreau favorable au FN.

Enfin, la sortie de l’hiver 2011 a été particulièrement difficile car elle s’est faite sur un tapis de roses ; les roses du Parti Socialiste et de Dominique Strauss-Kahn, Président d’un FMI bouillonnant et champion toutes catégories des sondages. Populaire dans son camp et au-delà, il était même parvenu à truster la première place du classement Ifop/Paris Match au mois de février, devant Jacques Chirac et Nicolas Hulot. Selon Ipsos, DSK était crédité de 33% d’intentions de vote alors que Sarkozy ne récoltait que 18%, soit 1 point de moins que Marine Le Pen. Dans le même registre, les candidatures de Martine Aubry et de François Hollande indiquaient elles aussi une victoire de la gauche : 62% des Français la pronostiquant selon l’Ifop.  

Les premiers mois de l’année 2011 faisaient donc apparaitre Nicolas Sarkozy au plus bas dans les sondages. Plus grave, cette position pour le moins inconfortable a contribué à susciter des envies de la part de ses concurrents. Telle était la situation, à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle.  

Le cataclysme DSK

Dans un pays ou l’on parle souvent de monarque républicain ; tant les pouvoirs du chef de l’Etat sont importants, l’élection qui décide de l’hôte du palais de l’Elysée est un scrutin à part. Bien que l’équipe, le programme et la campagne jouent un rôle déterminant, l’élection présidentielle c’est surtout la rencontre entre un homme et un peuple.

Depuis son départ pour le FMI, les média n’ont eu de cesse de parler du rendez-vous entre Dominique Strauss-Kahn et les Français en 2012 ; comme s’il fallait un peu de distance pour apprécier son potentiel et sa capacité à diriger le pays. Ironie du sort, c’est sans doute la semaine où il devait rendre publique sa candidature que le DSK-gate a éclaté. Un scénario comme seuls les Américains savent en faire ; mêlant politique, sexe, pouvoir, complot et médias. Ce 14 mai la campagne présidentielle française qui commençait à se structurer a été ébranlée ; et les multiples stratégies électorales contraintes d’être revues.

En effet, un premier sondage Harris Interactive réalisé quelques jours après l’arrestation de Strauss-Kahn mettait déjà en lumière la cassure aux yeux des Français : avec 14 points perdus auprès des sympathisants socialistes, DSK venait de perdre son statut de favori des primaires au profit de François Hollande, ancien Premier Secrétaire du PS : 49% et 27% à Martine Aubry.

Sur le plan des intentions de vote, une enquête CSA témoignait du traumatisme de cette affaire et indiquait que Nicolas Sarkozy serait le principal bénéficiaire de l’affaire : 29% contre 16% pour Hollande et pour Le Pen. Pourtant, les nombreuses enquêtes conduites au début de l’été n’ont pas témoigné de regain d’opinions favorables ou de popularité pour le chef de l’Etat. En effet les sondages faisaient état d’un écart stable avec Hollande et Aubry, que cela soit dans l’enquête de TNS Sofres (mai 2011) ou dans celle d’Ipsos (juin 2011).

Si les enquêtes n’ont pas souligné un transfert en faveur du président, cet épisode a démontré, une fois n’est pas coutume, qu’une élection ne se faisait pas à l’écart de l’actualité et que les incidents de parcours faisaient bien partie du jeu démocratique.

Le compte à rebours est lancé

S’il est trop tôt pour savoir si l’affaire Strauss-Kahn a été un cadeau empoisonné pour le candidat Sarkozy, elle a cependant eu un effet positif à droite. En effet, la chute du favori des sondages a redonné un peu de baume au cœur des sympathisants UMP au moment même où la « campagne d’été » était sur le point de débuter. A ce titre, l’enquête réalisée par l’institut BVA à la fin du mois de juin témoignait d’un « mieux » chez Sarkozy (+6 pts d’opinions favorables) entre avril et juin.

Avec un peu de recul, l’épisode du Sofitel a cependant apporté à Nicolas Sarkozy un solide bouclier « anti-bling-bling ». En effet, l’affaire de la Porsche puis l’inculpation de DSK ont clairement diminué le potentiel d’attaques sur ce terrain là. Ce point est en réalité particulièrement important pour Nicolas Sarkozy qui, depuis 2006 devait gérer une fronde qui visait avant tout son style comme le démontre les enquêtes BVA (2009) et CSA (2010).

La séquence mai-août a constitué un premier tournant fort pour celui qui devrait porter les couleurs de l’UMP au printemps prochain. Au cours de cette période plusieurs choix ont été faits, la majeure partie d’entre eux relevant d’une maîtrise retrouvée de sa communication. En un mot, Nicolas Sarkozy s’est présidentialisé :

  • Une prise de distance quant à la gouvernance :

Le maintien d’un Fillon plus populaire que lui et désormais en première ligne pour annoncer les mesures qui fâchent et les efforts à consentir pour sortir de la crise.

La nomination de Claude Guéant Place Beauvau comme premier flic de France. Un moyen de se détacher des questions sur lesquelles la droite populaire et le FN l’avait fragilisé au printemps.

  • Un retour au « pilhanisme » :

Une communication plus maîtrisée que jamais. Des prises de paroles choisies avec attention et une absence d’écarts. Enfin, une excellente gestion de la grossesse de Carla Bruni. Sur ce plan, le parallélisme entre sa situation et celle d’un DSK se passait sans doute de commentaire quelque soit l’issue de l’affaire aux Etats-Unis et en France.

  • Un Président de crise :

Le premier semestre 2011 a également fourni au Président le contexte idéal avant une élection. Les révolutions démocratiques de l’autre côté de la Méditerranée, les suites de la bataille contre le terrorisme (libération des otages, capture de Ben Laden) et la crise économique sont autant d’épreuves au cours desquelles Nicolas Sarkozy a pu agir. Si sa gestion de la crise de la dette est moins appréciée que ses prises de positions en 2008 quand il s’était montré dur envers les banques lors du scandale Lehmann, il s’est battu pour que la voix de la France pèse toujours en Europe et dans le Monde.

Un récent sondage CSA fait état du retour de Nicolas Sarkozy dans la course à l’Elysée : 26% soit 1 point de moins que Hollande et au même niveau que Aubry. Les candidats à l’Elysée sont donc sur la ligne de départ, prêts à en découdre.

En six mois les scenarii pour l’élection présidentielle ont changé déjà à de nombreuses reprises. DSK a disparu, Marine Le Pen a reculé, la Gauche de la Gauche et les Verts demeurent légèrement en retrait et le Centre se cherche encore et toujours un porte-étendard.

Nicolas Sarkozy s’est remis en selle, même si le phénix n’a pas encore repris sa marche en avant dans les sondages. 2012 nous dira si le phénix pourra redevenir le coq gaulois victorieux.