Pour Aurélien Véron, président du Parti Libéral Démocrate, défendre une taxation plus élevée des riches, c’est oublier les vrais problèmes. Un article publié initialement par Le Monde.
Le magnat de la pub, également président de l’Association française des entreprises privées, nous propose un pacte en quatre points : couper dans la dépense publique, augmenter l’imposition des très riches, réduire et réformer les administrations publiques, enfin améliorer notre compétitivité. Autrement dit, il n’envisage cet effort des « riches » que dans le cadre d’une modernisation de l’État et de l’économie française. Son objectif principal consiste donc pour l’essentiel à doper la croissance sans laquelle la question de la dette promet de rester insoluble. Isoler l’appel à taxer les hauts revenus des trois autres mesures fortes revient à vider le plan de son contenu. C’est hélas l’interprétation retenue par la classe politique dans son ensemble, sourde aux appels à réformer le pays.
Augmenter de 5 ou 10 % la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu rapporterait 1 ou 2 milliards d’euros. Un tel choix condamnerait ses victimes à la double peine : rabot et suppression des niches fiscales d’un côté, forte augmentation du taux marginal de l’impôt d’autre part. Cet étau fiscal accélèrerait l’évolution des mentalités en cours : limiter la prise de risques et privilégier le moindre effort, ou s’exiler. Après tout, qui a encore envie de fournir des efforts importants lorsque les éventuels bénéfices qu’on en retire sont insuffisants compte tenu des risques de perte encourus ? Le même phénomène s’est produit avec l’ISF, cet impôt tant décrié par des économistes de gauche comme de droite. Son coût indirect atteint 8 milliards euros par an selon Christian Saint-Etienne, 16 milliards selon l’Institut Montaigne, bien plus que les 4,5 milliards de recettes fiscales dégagées en 2010. Voulons-nous prendre le risque de décourager un peu plus nos talents et familles d’entrepreneurs fortunés, voire d’accélérer le mouvement d’exode par un niveau de prélèvements jugé confiscatoire ?
Stigmatiser implicitement les riches à la veille des échéances électorales de 2012 est un calcul politicien à courte vue qui entretient des rancœurs malsaines. Ce manque singulier d’ambition cache mal l’absence de volonté de l’État de se remettre en question dans son organisation et dans ses missions. Or, nous n’assainirons pas nos comptes publics par la hausse de notre pression fiscale alors qu’elle figure déjà parmi les plus élevées et les plus dissuasives d’Europe. Après 20 années de déficit budgétaire moyen de 53 milliards d’euros, nous repasserons en excédent en libérant la croissance par des mesures structurelles et en réduisant la dépense publique. Ce n’est certes pas dans la culture de la droite, reine en matière de dérapages des déficits depuis 25 ans. Il n’est pas trop tard pour admettre l’inutilité de ces déficits et changer.
L’engagement de personnalités très fortunées à payer davantage d’impôts est bienvenu. Mais n’oublions pas qu’elles attendent de l’État un effort de réformes important pour débloquer nos perspectives de croissance, d’emploi et d’assainissement des finances publiques. L’augmentation de leurs contributions fiscales sans ces contreparties d’intérêt général aurait des effets désastreux sur notre économie et sur les comptes publics. Faisons attention, en outre, d’épargner les classes moyennes déjà pénalisées par la réduction et la disparition de niches fiscales. À ce titre, il est intéressant de rappeler que la pétition de Warren Buffet, à l’origine du mouvement que nous observons en France, vise à surtaxer les revenus supérieurs à… 1 million de dollars.
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