Je mourrai pas gibier est à l'origine un roman de Guillaume Guéraud paru aux éditions du Rouergue, dans la collection "DoAdo noir", en janvier 2006. Parce que sa lecture a été un choc pour lui, Alfred a décidé de l'adapter en BD.
Le personnage principal est un jeune de Mortagne, une ville de mille habitants et des poussières dont les seuls sources d'emploi sont la scierie et les vignes. Une rivalité oppose les travailleurs des deux entreprises.
Pour échapper à tout ça, le narrateur est parti étudier en CAP mécanique et ne revient que le weekend chez ses parents, où il aime partager des moments avec Terence, l'idiot du village, dont les autres se moquent. Jusqu'à ce jour terrible...
Je mourrai pas gibier est un roman qui avait fait couler beaucoup d'encre lors de sa sortie dans une collection pour adolescents aux éditions du Rouergue. La fameuse dialectique de dire l'indicible en jeunesse. Et je comprends bien pourquoi. Cette BD s'ouvre sur un bain de sang au milieu duquel trône le narrateur qui se présente dès lors comme le meurtrier. Huit victimes, dont un enfant, tuées à la pelle, au marteau et au fusil. Devant une folie meurtrière comme celle-ci, une seule question : pourquoi ?
L'intrigue en elle-même est violente - la folie meurtrière qui s'empare d'un adolescent - mais est amenée d'une telle manière que le lecteur est happé par ces vies brisées et cette fatalité intrinsèque à ce village. Comme si rien n'existait autour de Mortagne, microcosme étouffant et malsain, que cette querelle ancestrale et les bagarres qui en découlent. Comme si aucune échappatoire ne s'offrait au personnage, sinon celle de s'orienter vers une autre branche professionnelle. Comme si la vie se jouait de ces personnages minuscules aux destins dérisoires.
Même l'univers graphique d'Alfred épouse la violence du texte. Il ne s'agit pas ici de litres d'hémoglobine, non, mais d'un trait et de couleurs qui semblent porter en eux la tragédie. Alfred a pris le parti, lors de scènes de violence, de les dénuer de couleurs. Comme si le temps s'arrêtait. Comme si la violence était comme la colère, blanche. Comme si la haine n'avait pas besoin de couleurs pour s'exprimer. Ce choix graphique offre un choc visuel lors de la lecture qui semble faire écho au poids des mots choisis par Guéraud pour décrire la scène.
Bref, vous l'aurez compris : Je mourrai pas gibier est une BD dont on ne ressort pas indemne, violente, mais d'une intelligence telle que je ne peux que vous la conseiller. Lecture mémorable en perspective.
"Je suis né chasseur ! Je mourrai pas gibier !" (p.12)
"A Mortagne, on n'a pas vraiment les moyens de réfléchir, en fait. On a bien un cerveau,mais rien d'autre à mettre dedans que du raisin, des planches, de la sueur et du plomb.C'est comme ça.Pour le reste, on n'a pas les armes qu'il faut pour changer les choses." (p.55)
L'avis de Noukette, Val, Canel, Mo', Yaneck et l'Ogresse sur cet album.
Alfred, le scénariste et dessinateur de cette adaptation en BD, se livre dans ce billet à une interview passionnante sur son travail d'adaptation.
Et, petit plus, vous pouvez feuilleter la BD sur le site de Delcourt.
Et voici ma vingtième participation
à la BD du mercredi de Mango.
Et ma onzième participation
au Top BD des blogueurs de Yaneck
(note : 18/20)
Et l'heure du bilan BD du mois d'août, qui découle du Top BD, a sonné.
En voici les 10 premiers.
Pour la suite, rendez-vous chez Yaneck.
1- (=) Persépolis, Marjanne Satrapi, L'Association 19.29
2- (N) Gaza 1956, Joe Sacco, Futuropolis 19.17
3- (=) Tout seul, Christophe Chabouté, Vents d'Ouest 18.83
4- (+) Maus, Art Spiegelmann, Flammarion 18.79
5- (- ) Le journal de mon père, Jiro Taniguchi, Casterman 18.75
6- (=) Elmer, Gerry Alanguilan, Ca et là 18.68
7- (=) Garance, Gauthier, Labourot, Lerolle, Delcourt 18.67
8- (=) Universal War One, Denis Bajram, Soleil 18.59
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6.
9- (=) Le Grand pouvoir du Chninkel, J. Van Hamme, G. Rosinski, Casterman 18.5
10- (=) V pour Vendetta, Alan Moore, David Lloyd, Delcourt 18.44
... (pour lire la suite)