Paul Fouassier m'a proposé de m'envoyer un "échantillon" de sa production afin que je puisse la déguster, la commenter et lui proposer des accords mets et vins pertinents. Curieux de nature (surtout lorsqu'il s'agit de vin), j'ai accepté son offre.
Grande fut ma surprise lorsque je reçus les colis. Il y avait deux exemplaires de chaque cuvée. Autant dire que j'avais de quoi les étudier avec attention. J'ai décidé de procéder deux deux façons différentes. Une bouteille sera bue individuellement afin de l'examiner sur toutes ses coutures, et surtout à des températures et des moment différents. L'autre bue collectivement avec ses soeurettes afin d'avoir une vision panoramique de la chose, que ma photo ci-dessus illustre plutôt bien ;o)
Pour le version "collective", je me voyais mal ouvrir les douze bouteilles rien que pour ma pomme. Aussi ai-je invité huit amis amateurs de vins afin qu'ils les découvrent et les commentent. Afin qu'ils puissent comprendre les différences entre chaque cuvée, j'ai préparé avec l'aide du producteur une carte géologique situant les différentes parcelles :
Et afin de mieux comprendre la carte ... une coupe géologique :
Ils ont eu aussi droit aux photos des différents types de sols
Calcaire de Bourges Calcaire de Buzançais
Marnes de Saint-Doulchard Formation argileuse à silex
Et ils avaient consigne de ramener un plat ou un fromage susceptible de se marier avec un Sancerre. On verrait sur place avec quel vin l'associer.
Le jour J est arrivé : tout le monde est arrivé les mains biens chargées. C'est peu de dire que nous ne sommes pas morts de faim. Et il en est resté pas mal pour les jours suivants.
Nous avons commencé par les deux rouges en "apéro", sans aucun accompagnement. Sur le premier, quelques rondelles de saucissons eurent été parfaites. Sur le deuxième, j'aurais bien vu des joues de boeuf confites au vin rouge...
Etourneau 2006 (vignes de 15 à 45 ans) : robe translucide et évoluée (légèrement tuilée). Nez sur le noyau, le cuir et la terre humide. Bouche ronde, souple, gourmande, avec un côté frais et croquant. La finale un peu ferme rappelle le terroir d'argile d'origine.
Empreinte 2006 (vignes de plus de 45 ans) : robe plus jeune (grenat) et beaucoup plus dense. Le nez est sur de notes de fruits presque confits, d'épices (barrique) et de sous-bois (fougère). Bouche ample, mûre, charnue, avec des tannins veloutés et un bel équilibre général (+ fraîcheur) Finale vigoureuse et mâchue.
Petite pause fraîcheur avec un sorbet & écume d'huîtres à la pomme verte et au concombre
Puis nous sommes passé aux 10 Sancerre(s) blancs de la maison Fouassier...
Les Grands Groux 2010 : nez sur la pomme bien mûre et des notes miellées, une touche citronnée et de pierre chaude. Bouche ronde, fraîche, puis presque tannique, avec une acidité se renforçant, devenant citrique. Finale rafraîchissante, savoureuse, très calcaire (on croque dedans), prégnante, avec une amertume assez prononcée évoquant l'écorce de pomelo. Long et goûtu.
Plat conseillé : salade de crevettes au pamplemousse, chèvre demi-sec
Les Grands Champs 2010 : nez gourmand évoquant une pâtisserie au citron, avec un côté un peu beurré. Bouche plus ample, aérienne, avec une acidité beaucoup plus diffuse, avec une matière douce et délicate. Belle mâche en finale.
Plat conseillé : sole meunière, cabillaud en croûte citronnée, chèvre entre frais et demi-sec
Sur le Fort 2010 : nez plus exotique, sur des notes de mangue, de miel et d'épices. Bouche, ample, presque moelleuse, équilibrée sur le fil du rasoir par un léger perlant qui apporte du peps à l'ensemble. Finale plus en souplesse que les vins précédents, plus épicée, aussi.
Plat conseillé : crevettes thaï, thon mi-cuit à la patate douce
Les Vallons 2010 : nez fin, classieux, sur la poire bien mûre, une pointe de mangue et de pierre chaude. Bouche ronde, mûre, avec du gras et de la chair, mais aussi une fraîcheur bien marquée. Bel équilibre, donc. Finale sur une noble astringence.
Plat conseillé : cassolette de fruits de mers, tajine de volaille
Clos Paradis 2010 : nez sur la poire, le miel, la fleur d'acacia, la pierre humide, une petite touche de pomelo. Avec l'aération, la pierre et le zeste d'agrume prennent le dessus. Bouche ronde, ample, aérienne, tendue par une fine acidité légèrement perlante qui allonge le vin. Belle sensation de pureté. Finale persistante entre la mâche de la craie et l'amertume du zeste d'agrume, le tout très soft, raffiné. Un miracle d'équilibre.
Plat conseillé : un tartare de Saint-Jacques aux zestes d'agrumes, rôti de lotte
Les Chasseignes 2010 : nez assez discret, hésitant entre le fruit mûr et la caillasse. Bouche droite, élancée, avec une matière mûre, impétueuse, et une finale savoureuse, fraîche et intense. Probablement le vin de la série qui me rappelle le plus un beau Chablis.
Accord : chèvre sec, homard grillé
Les Chailloux 2010 : nez vif, sur la pomme Granny et la pulpe de citron, + des notes quasi anisées. Attaque vive, suivie d'une bouche ronde et fraîche – léger perlant - avec une belle tension et une accroche salivante. Fin savoureuse, avec juste ce qu'il faut d'astringence, traçant sur le citrique.
Plat conseillé : huîtres du Cap Ferret, fish & chips, cabillaud / purée citron
Les Romains 2010 : nez plus vif, sur des notes plus minérales. Plus d'ampleur et de vivacité, avec une matière dense et charnue. Finale tonique et astringente
Plat conseillé : huîtres de Belon, chèvre sec
Le Clos de Bannon 2010 : nez beaucoup plus riche, sur des notes de pomme et poire mûres, de zeste d'agrume et d'épices. Bouche ample, alliant le gras à la fraîcheur, d'une grande intensité aromatique et émotionnelle. Finale dense, riche, très persistante. Un très beau vin !
Plat conseillé : poisson de rivière crémé, risotto aux Saint-Jacques, Chaource
Mélodie de Gustave Fouassier 2007 : nez sur l'orange confite, la vanille et les épices. Bouche sphérique à la matière opulente, équilibrée et tendue par une superbe acidité. L'ensemble est long complexe et terriblement gourmand. Seul petit défaut (il en faut un) : la finale un chouïa trop boisée à mon goût...
Plat conseillé : gambas géantes laquées aux agrumes, ris de veau à l'orange...
Vous constaterez que les accords sont très variés, car les vins le sont aussi. Autant dire que lorsqu'il vous est conseillé d'accompagner un plat avec "un Sancerre", ça ne veut pas dire grand chose. Encore faut-il savoir de quel Sancerre l'on parle...
En dessert : un quatre-quart au Yuzu
Pour conclure la dégustation et accompagner le cake, j'ai servi un Sancerre Edmond 1997 d'Alphonse Mellot. Pour tout dire, il a pas mal déconcerté mes invités par ses notes de fruits secs, d'agrumes confits et de cire. Une bouche riche et expressive, marquée par des notes d'évolution et l'orange confite (ce qui faisait un beau mariage avec le Yuzu qui est une sorte de mandarine japonaise).
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