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Rhissa Rhossey : Lettre ouverte aux miens

Publié le 30 août 2011 par Yasida

Express

photo l'Express


Mes frères du Mali du Niger,  de l'Algerie, de la Lybie
assalam alaykoum
que la paix soit sur vous
et vous autres mes frères de la diaspora.
Les temps sont durs, la réalité implacable, l'injustice et les mensonges flagrants.
Aujourd’hui nous sommes face à une évidence, la chute du colonel.
Cette chute que je prédisais déjà début mars
Et ce colonel, envers qui j'avais des mots durs et sur lesquels j'étais mal compris.
Certes, je vous comprends, mes frères kel tamasheq.
D'ailleurs qui mieux que moi saurait vous comprendre ?
Certes vous vous êtes identifiés à ce Guide, celui là-même que nous appelions tous affectueusement Amghar. Amghar le chef, ce mot sorti de la bouche de ceux qui n'ont jamais connu d'autre chef que Dieu est, faut-il l'avouer, un très grand mot.

Mais la roue de l'histoire tourne, elle tourne inéluctablement.
Le temps est une chose, une chose qui vient à bout de tout.
Le bédouin de Syrte est au bout de son temps.
Dans cette vie terrestre tout a un temps
Khaddafi a tenu le pouvoir d'une main de fer pendant 43 ans.
Moi qui écris ces lignes, je n'étais pas encore né.
Et la majorité des hommes et des femmes qui se battent aujourd’hui, pour un monde plus juste, n'étaient pas encore nés.
Entre temps, des nouvelles générations sont arrivées, ardentes, brûlantes de plus de libertés : liberté d'expression, liberté de choisir ses dirigeants.

Amghar en tout honneur aurait pu partir a temps, avec d'innombrables possibilités de sortie.
Mais fidèle à lui-même, au sang bédouin qui coule dans ses veines, à l'entêtement et à l'orgueil ancestral, Amghar a choisi l'affrontement.
Le choc frontal sans concession,
Le face-à-face implacable,
Ville par ville,
Rue par rue,

Quartier par quartier,
Maison par maison,
Corps à corps,

Oeil pour œil,
Dent pour dent,

Amghar, j'ai la chair de poule et un immense respect pour toi car la réalité qui me fait mal est celle-là : tu es certes en décalage avec la réalité mais toujours est-il que tu défendais ce que tu as construit : la Libye.
Oui, la Libye qui n'était absolument rien avant toi et qui depuis le 1er septembre 1969 est devenue la grande Jamahiriya, que le monde entier craint et jalouse.

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Or, ton bien le plus précieux est envahi, envahi par l'Occident, sans autre forme de procès.
L'OTAN est arrivé avec toute sa technologie de pointe avec l'objectif évident de faire partir Khaddafi avant le 1er septembre 2011, par tous les moyens, sous mandat de l'ONU, cette fameuse ONU qui couvre toutes les bavures, les gaffes et les bêtises de ces siècles.
Cette coalition de malheur s'acharne même, dans ses ambitions machiavéliques, à armer les rebelles, à les financer, à les légitimer et même à les recevoir officiellement
dans les grandes capitales.


C'est ce que l'Afrique entière a condamné, a refusé.

Ce refus est confirmé par le rejet de la reconnaissance du CNT par l'Union africaine la jugeant prématurée.

La question que je me pose aujourd’hui est celle-là : pour avoir raison d'un homme, faut-il détruire un peuple ?
Hier, quand l'Amérique en voulait à Saddam, elle a détruit l'Irak.
Encore aujourd’hui  l'Irak n'est pas sorti du chaos.
Aujourd’hui, la Libye est dans le même chapitre : combien d'années les vingt tribus de Libye mettront-elles pour s'entendre et se pardonner ?


Le printemps arabe n'a pas touché la Libye : pour qu'un printemps soit beau, il faut qu'il soit naturel. Un printemps au forceps donne des fleurs pâles et des fruits sans saveur.

Jeune Afrique

Jeune Afrique

Au cours de ces terribles combats, les Touareg ont payé un lourd tribut pour leur reconnaissance au Guide.
C'est certainement eux qui étaient déployés sur les sites stratégique, les bases sensibles, les casernes comme Bab el Azizia : cela s'appelle le bouclier humain. Saddam l'a fait en son temps avec des civils Occidentaux.
Cela est une constante dans la culture de ces nomades.
N'est-ce pas Mano qui disait :

" Sauver votre ami même si cela aboutit a votre perte. "


Cet engagement est beau émotionnellement, mais pas réaliste humainement.

Il n y avait pas le moindre suspens dès le déclenchement de ce conflit. Khaddafi allait tomber, d'une façon ou d'une autre.
Le soutien des puissances aux rebelles était spontané et les mensonges médiatiques quasi insoutenables . Le dernier en date, c'était la prise des trois fils du Guide dont le transfert de l'un est même à l'ordre du jour : le lendemain le concerné parade encore devant les journalistes.
L'un s'est enfui et l'autre est mort.

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France Info

Mes frères, Khaddafi est tombé.
Résignez-vous à cela.
Ceux parmi nous qui ont essayé de le défendre, l'ont fait jusqu'au bout.
Belle fidélité.
Essayons maintenant de construire l'avenir avec la même abnégation et la même constance.

Mes frères, un jour Ide Oumarou un écrivain de chez nous, a écrit ceci :


" Tout homme qui perd pied, est un homme perdu. "

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Kadhafi abandonné par sa cour


Et les premiers à le lui faire savoir seront certainement ceux qui l'ont servi avec servilité, adorer sans partage et peut- être exhorté sans réserve.

Cela apparemment ne nous colle pas :

Aujourd’hui, les uns et les autres s'empressent à reconnaitre le CNT mais que voulez-vous ? A défaut de la mère, on tète la grand-mère.
Mais il y a des victoires qui ont le goût amer de la défaite.


Soyons clairs : nous nous ne faisons pas l'apologie de Kaddafi, le dictateur mais nous condamnons fermement l'usage de la violence dans les règlements des problèmes de l'humanité.
Nous pensions que l'Irak servirait de leçon, mais rien.
Demain, à qui le tour ?
l'Algérie ou l'Iran ?
Mais l'Algérie connait la valeur de son indépendance : un million cinq cent mille morts.

Rhissa Rhossey

Tchirozérine, le 29/08/2011


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