Un film sur les écrans depuis juin déjà, mais qu’il est encore temps et largement conseillé de voir, parce qu’il a plus que mérité son Ours d’or (Berlinale 2011) et qu’il est très finement pensé. Voyage à Téhéran…
En guise de prologue, une scène très simple : un homme et une femme, chez le juge, qui veulent se séparer. Elle, Simin, veut quitter l’Iran tandis que lui, Nader, ne peut laisser à Téhéran son père souffrant d’Azheimer. Simin finalement partie chez sa mère, Nader embauche une femme pour garder son vieux père. Dès lors, dans le petit appartement au sol molletonné de tapis persans et aux murs recouverts de livres, deux pans de la société iranienne se croisent… et se déchirent : Nader qui fait réciter son français à sa fille Termeh avant qu’elle ne se rende au collège et que lui-même ne prenne son volant, laissant l’appartement aux mains de Razieh, femme au corps entièrement voilé, crevée par les trajets en bus et toujours accompagnée de sa toute petite fille qu’elle ne peut faire garder.
D’un côté une famille bourgeoise, cultivée et éclatée, de l’autre, une famille religieuse, peu aisée, et dont la mère ne peut pas dire à son mari conservateur et psychologiquement instable qu’elle travaille chez un homme.
Alors, sur le tableau de départ si épuré, s’amoncellent des myriades de fines touches : l’intrigue s’étoffe presque insidieusement tandis que les personnages prennent peu à peu de la chair (comme la discrète et perspicace Termeh) et se plantent à merveille... si bien qu’au deux tiers du film, le spectateur se trouve face à un problème à multiples facettes : conjugal et familial, social, religieuse judiciaire, économique, psychologique, le tout sur fond de luttes de classes et des genres.
Pour parler de son film, Asghar Farhadi raconte une histoire d’éléphant : un tel animal est enfermé dans une pièce obscure et pleine de monde. Chacun est invité à toucher cette grosse masse et à estimer ce qu’elle est. Certains s’imaginent, touchant la patte, avoir affaire à la colonne d’un temple, d’autres à cause de l’oreille, à une feuille d’arbre tropical, etc. La foule s’accordera à dire qu’il s’agit d’un éléphant une fois la lumière allumée. Le film de Asghar Farhadi est ainsi, d'abord insaisissable, car on ne peut en tirer, d’où qu’on le regarde, nulle satisfaisante conclusion (comme cette affaire de l'intrigue portée devant le tribunal religieux…) puis, au final, lumineux, car génial, et parce que le fin réalisateur, sans n'avoir donné aucune réponse, est retombé sur ses pieds alors que le spectateur reste, lui, seul avec ses interrogations...
Une séparation, réalisé par Asghar Farhadi, sorti en juin 2011, avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini.