Magazine Chanson française

Les yeux de Marie-Josée Vilar dans les mots d'Ulrich Corvisier

Publié le 30 août 2011 par Melmont

...C'est toujours avec joie que j'accueille sur mon blog les visions, témoignages d'autres artistes sur les artistes...en l'occurence ici du chanteur talentueux Ulrich Corvisier sur une chanteuse fascinante - hélas rare- Marie-Josée Vilar...je vous laisse découvrir les mots d'Ulrich, ainsi que le lien du site officiel de la chanteuse...
Luc Melmont

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Oui, c’est vrai, ce n’est pas une nouveauté, puisque l’album « vies privées » de Marie Josée Vilar est sorti en 2001, il y a donc dix ans. Et pour autant, ce superbe opus est sorti de manière tellement confidentielle qu’il me parait juste que l’on en reparle aujourd’hui.

D’abord, on est intrigué par la pochette : qui donc ose s’approprier le hall d’entrée des Roches Noires de Trouville, théâtre des héroïnes de Duras : Lol.V. Stein, Anne-Marie Stretter ou Nathalie Granger, et où planent les ombres de Delphine Seyrig, de Jeanne Moreau ou de Catherine Sellers ?

Et, de fait, c’est en toute légitimité que Marie Josée Vilar a choisi ce lieu comme couverture de cet album dédié aux femmes, de la « beurette » de  La meuf  qui ouvre l’album « sur le parking tu décapsules/Ta bière dans la lueur des phares/Insolente meuf noctambule/T’as toujours de drôles de rencarts/T’es belle belle/Aux pieds des tours de Babel » au travesti Jean-Roger « Jean-Roger masse ses chevilles/Avec de la crème camphrée/Ses jambes sans talons aiguilles/N’auraient pas la même beauté ».

Entretemps on est sollicité dans le quotidien de la vie de couple que Marie Josée Vilar transcende par l’ellipse bien sentie des paroles de certaines de ses chansons, servies par des mélodies moderato cantabile, sobres et élégantes, à la ligne de chant épurée, comme  Perversion ordinaireLa poire ou le Personnellement moi je, qui disent en peu de mots la difficulté quotidienne à être, et surtout à être par-delà son être social, mots dans lesquels on entend sourdement le grondement de tonnerre de la femme de devoirs qui aspire à être une femme de désirs.

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Femme de devoirs ou de désirs, la lutte est engagée avec Marie Josée Vilar, qui de L’’absence, errance  mélancolique sur la Rive Gauche et sur les déserts affectifs qu’elle convoque, aux  Poules d’eau, ode ouvertement féministe à la gloire de toutes les résistantes du genre, nous promène de sa voix suave, au timbre juste ce qu’il faut de voilé, qui évoque les vents et les pluies d’automne, jusqu’à ce bouleversant  Je m’en vais, une des rares chansons de cet album écrite à la première personne du singulier, aveu implicite de l’expérience du suicide, qui nous désarme, par sa simplicité  « Je m’en vais/Aussi loin que c’est pas possible/Que plus loin ce soit possible/Je m’en vais… ». L’issue d’une vie enserrée dans une identité trop étroite est elle donc la mort ?...

Alors oui, il est naturel que Marie Josée Vilar ait choisi ce lieu hautement symbolique qu’est le hall des Roches Noires pour illustrer un album qui, bien que très pudique, en dit long sur son auteur-compositeur-interprète et sur son engagement dans la cause des femmes, qui, telles les héroïnes de Duras, se donnent sans jamais s’abandonner, insaisissables et oublieuses de qui les ont prises, autant de figures exsangues de la passion dont Marie-Josée Vilar sait revêtir de beauté le la blancheur du linge maculé.

Ulrich Corvisier

http://www.mariejoseevilar.com/

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