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L'Expo 58, qui s'est déroulée sur le plateau du Heysel (Bruxelles), a connu un succès éclatant. Elle enregistra 42 millions de visiteurs, dont 80 % de l'ensemble de la population belge. Avec pour thème central l'architecture nouvelle pour un monde nouveau, dont l'Atomium reste jusqu'à ce jour un symbole (après avoir fait l'objet d'une récente
rénovation), elle permit de découvrir les nombreuses tendances du paysage architectural des années 50 qui firent suite à la période de la reconstruction de l'après-guerre en se libérant de la tutelle des formes et des schémas traditionnels.À Bruxelles, et plus globalement en Belgique, est-il précisé dans cet ouvrage de mémoire, il y eut l'avant-58 et l'après-58. Les nouvelles audaces architecturales en démonstration à l'Expo, outre leur portée intrinsèque, étaient également révélatrices d'une évolution, d'un changement beaucoup plus profond, ouvrant toutes grandes les portes d'une autre mentalité et d'une ère nouvelle : celle de la consommation.
L'ouvrage-recueil a été pensé et réalisé dans le contexte du pays et, plus particulièrement encore, de la ville qui accueillirent l'Expo 58. Toutefois, il a assurément une portée "universelle" à l'instar des innovations architecturales auxquelles cette manifestation donna lieu et de l'entrée dans le siècle de la modernité qu'elle symbolisa.
Douze pavillons des 48 pays participants ont fait l'objet d'un développement spécifique : pavillon italien (rien de spectaculaire : il perpétue la tradition italienne, la présence humaine étant elle-même un spectacle), pavillon norvégien (place à la poésie), pavillon finlandais (entièrement en bois), pavillon japonais (un jardin où la nature et le travail de l'homme entrent en symbiose), pavillon turc (adoption du style international comme symbole de l'appartenance à la communauté des nations modernes), pavillon brésilien (un théâtre de la vie à ciel ouvert), pavillon du Saint-Siège (une première pour le Vatican), site britannique (très critiqué d'un point de vue esthétique), pavillon allemand (réserve et distinction), pavillon tchécoslovaque (compromis entre la propagande idéologique et les valeurs universelles), pavillon yougoslave (très remarqué : en forme de navette spatiale), pavillon polonais (abandon de l'art du réalisme socialiste pour une ouverture sur l'art occidental). En complément, le pavillon Philips de Xenakis et Le Corbusier est présenté comme « l'un des plus remarquables de l'Exposition universelle de Bruxelles » par son architecture futuriste et son audacieux concept d'exposition.
En amont et plus fondamentalement, les auteurs de ce volumineux ouvrage s'interrogent sur les apports réels de l'Expo 58 dans l'évolution de l'architecture comprise au sens le plus générique du terme. Et tout d'abord, y eut-il un "style Expo" ? Si ce fut le cas, quelle a été son rôle en termes d'expérimentation, de simple vitrine ou d'impact plus durable sur l'architecture d'après-guerre ?
La réponse à ces questions ne peut évidemment être simple et monolithique. En tout cas, l'interprétation vue du côté du pays organisateur est pour le moins éloquente : « Le large panorama de l'architecture moderne belge à l'Expo 58 est une illustration de la diversité, mais aussi de l'indétermination, voire de la banalité de ses manifestations d'après-guerre. »
Faut-il en conclure que l'Expo 58 est venue trop tôt en ces lendemains de guerre (les "Trente Glorieuses") où les impératifs de la (re)construction étaient définis d'un point de vue d'abord quantitatif ? Tel n'est pas le point de vue de Bernard Espion, Rika Devos et Michel Provost dans leur contribution au contenu de l'ouvrage : « Depuis le milieu du 19e siècle, les grandes expositions, universelles et autres, ont souvent fait appel à des techniques constructives de pointe. Avec leur thématique le plus souvent explicitement axée sur le progrès technologique et leur quête de grandes portées, de constructions temporaires et de bâtiments hors du commun, ces expositions offrent un climat particulièrement propice aux expérimentations en matière de tectonique et de construction. De nombreux "classiques" de l'histoire des expositions [...] marquent ainsi des évolutions importantes dans l'histoire de la construction. »
Il y a tout lieu de penser qu'un certain Atomium fait à juste titre partie de ces "classiques"...
"L'architecture moderne à l'Expo 58 : Pour un monde plus humain", ouvrage collectif, sous la direction de Rika Devos et Mil De Kooning, Fonds Mercator et Dexis Banque, 2006, 354 pages