Magazine Musique
Mes pizzas aux anchois, je t'avoue que j'ai beaucoup hésité avant de porter mon choix sur cette pop-pouffe. Non pas que l'identité sexuelle d'Amanda Lepore me pose problème, tu penses bien. Mais peut-elle vraiment être comparée et rangée dans la même catégorie que des dindes de l'acabit de Katy Perry ou Miley Cyrus ? Non, probablement. Mais alors, que fait-elle là ?
Eh bien, déjà, si l'on peut qualifier les Britney Spears et autres Ke$ha de pop-pouffes, on peut aussi pointer du doigt le fait qu'elles savent ce qu'elles font, qu'elles ont conscience de véhiculer une image pop et faussée de la féminité, entre lolita innocente et grosse catin sulfureuse : bref, dérives de la culture pop et du quart d'heure de gloire d'Andy Warhol (si on cherche un peu loin, quand même), elles ne sont pas victimes de leur image et de leur statut de pop-pouffes, elles l'ont cherché. Et s'il y en a bien une qui a cherché à devenir une pop-pouffe, une égérie de la superficialité blonde, une icône de la féminité siliconée, c'est bien Amanda Lepore. Est-ce à dire que la démarche est pitoyable ? Bien sûr que non. J'espère que, depuis maintenant trois ans que j'entretiens cette rubrique des pop-pouffes, tu as remarqué que j'essaye de montrer estime et respect pour ces filles : jamais je n'irais affirmer que leur démarche culturelle est dénuée de noblesse. Que serait-on sans ces entertaineuses musicales ? Qui influencerait les stylistes, les fashionistas, les groupes de rock, ou même les poseurs prétentieux ne jurant que par la musique indé, s'ils n'avaient pas des Britney Spears à conspuer ou mater à longueur d'année ? Comment meublerait-on les radios pop et la culture populaire actuelle sans ces poupées marketées pour le succès international ?
Ensuite, Amanda Lepore, dans cette vidéo, propose quelque chose qui oscille entre l'audacieux et le suicidaire : tenter de ressusciter la tendance, pourtant jetée avec l'eau du bain bling bling, du porno chic, tout en faisant des oeillades incendiaires au clip de Justify my love de Madonna, quelques mois après que Beth Ditto ne se soit livrée à une démarche très similaire... C'est trash sans être très original, en somme. Au pays de la culture LGBT, Amanda Lepore, icône transexuelle de la nuit new-yorkaise, semble donc soit à la ramasse, soit d'un décalage à toute épreuve. Personnellement, cela a plutôt tendance à m'amuser, et c'est assez naturellement, finalement, que sa place dans la catégorie des pop-pouffes s'impose à moi.
Egérie de David LaChapelle (photographe publicitaire et clippeur, connu du grand public pour son travail avec Christina Aguilera, Moby, Kelis, Britney Spears, Jennifer Lopez... et qui commença sa carrière de photographe auprès d'Andy Warhol), Amanda Lepore est aussi une artiste touche à tout, qui n'en est pas à son coup d'essai dans la chanson et a dépassé, depuis longtemps, le statut de curiosité. Véritable activiste LGBT, reine de la nuit, provocatrice, icône de la blondeur platine, poupée de plastique, mannequin pour des stylistes de renommée mondiale, mystérieuse l'air de rien concernant sa vie privée, on a facilement pu dire que Lady Gaga, à ses débuts notamment, avait puisé pas mal d'inspiration chez cette créature à la fois pop et furieusement biz'art. Une raison de plus pour la ranger chez les pop-pouffes, à un statut honorifique.
Si l'on ajoute à tout cela la collaboration de Cazwell, le rappeur US à qui l'on doit le single (mais surtout le clip) culte Ice Cream Truck, on tient l'un des objets clippés les plus queers de l'année. Et puis, du moment qu'il y a des mecs torses nus, hein...
Il fallait donc bien que je partage ça avec toi.