Elle avait tant ri avec une amie, elles étaient jeunes, et regardaient cette femme enturbannée, qui marchait un peu tête basse dans la rue. Elles étaient insouciantes et moqueuses, mais quelques années après, non plus adolescente, mais jeune femme, elle avait choisi de devenir infirmière, et elle savait quelle vocation choisir. Elle avait pris le soin de le justifier lors de ses premières propositions de stage, dans une lettre manuscrite déposée en main propre auprès de son futur supérieur. Elle l'avait bluffé par sa franchise et par ce souvenir qui revenait plus souvent.
Elle avait été droite et directe avec lui, elle avait donné une version détachée des évènements, pour ne pas en faire une ultime revanche, une quête qui parfois pourrisse l'envie profonde d'aider d'un soignant, car il revit sa propre vie chaque jour. Elle avait expliqué, pris cette distance entre des ressentiments, des doutes et des situations partagées pour se consacrer à un don durant sa carrière, à un approche plus douce, plus humble de son savoir face à la douleur, physique mais aussi psychologique. Car elle savait.
Trois ou quatre ans après cette rigolade, sur une terrasse de café en regardant la rue, elle avait commençé à avoir mal au coeur, à avoir des fatigues impossibles pour sa jeunesse. Une vitalité qui foutait le camp, et une boule en elle, des boules qu'un jour le médecin ressentit du bout des doigts. Deux jours après elle les voyait sur la mammographie, en essayant de comprendre la tête du médecin, un type droit, habitué à donner des bonnes nouvelles mais aussi les mauvaises. De demoiselle, en devenait soudainement, injustement femme, dans la douleur de la brûlure de ces petites formes, ces choses informes qui étaient dans sa fierté de jeune femme, ses seins. Elle était là, debout, sans force, sans personne pour la soutenir. Elle avait partager ensuite avec sa mère, sa famille, quelques amies. Elle avait suivi le traitement, les effets secondaires des étapes douloureuses, les moments d'extrême fatigue, de doute total, de reproche envers soi-même, pourquoi moi ? Elle avait porté avec désarroi le turban, avait senti la vocation et son sourire était revenu. Jeune, moins jeune, elle serait là, vivante.
Alors aujourd'hui elle était infirmière et psychologue en devenir, car elle insitait sur les moments de préparation avant la chimio, à ces moments de vide sans fond, à l'espoir de la suite. Elle était la "seconde dame nature" d'après une patiente maintenant heureuse. Elle accompagnait l'esprit plus que le corps dans les étapes de lutte contre les métastases, les boules bénignes et malignes mais surtout le statut de femme. Elle proposait des soins beauté le plus vite, des moments de maquillage, de sourires entre malades et soignants. De la reconstruction mammaire, et avant des turbans colorés, de la lingerie, des effets de dentelle, comme une seconde peau pour rassurer le dessus, avec des dessous. Elle parlait, elle consolait, elle savait.
Mannequin : Débora Müller
Photographe : Andrew Yee
Styliste : Damian Foxe
NYLONEMENT