La dégradation de la notation de la dette n’est qu’un avertissement sans frais. En Belgique comme ailleurs, le besoin de réformes libérales est pressant.
Par Ludovic Delory, journaliste économique à RTL Belgique
La crise actuelle est une crise de la dette. Le signal urgent donné par les agences de notation signifie que les États ne peuvent plus se permettre de vivre à crédit. Avec des déficits en hausse croissante et des dettes cumulées quasiment égales ou supérieures à l’ensemble des richesses produites en un an, la plupart des États ont franchi la ligne rouge. C’est ce qu’a rappelé Standard & Poor’s en dégradant symboliquement, comme elle l’avait annoncé, la note des États-Unis.
Ceci n’est qu’un avertissement sans frais. En réalité, on peut se demander quel État mérite encore son triple A, et les gloussements de fierté en provenance de Londres ou de Paris risquent de se transformer sous peu en rictus. Si l’on appliquait les règles comptables classiques, les USA et la France seraient notés respectivement CCC et B-. La dégradation pend toujours au nez des locomotives économiques européennes, malgré les discours apaisants qui contrastent, paradoxalement, avec les réunions d’urgence et les retours précipités de vacances.
Même si les agences de notation, qui n’avaient pas venu venir la crise des subprimes, peuvent être sujettes à la critique, les blâmer ne servirait à rien dans l’immédiat. D’ailleurs, qui a entendu Washington broncher lorsque ces mêmes agences dégradaient les PIGS européens ? Partout le même constat s’impose : en Belgique comme ailleurs, le besoin de réformes se fait de plus en plus pressant. Et, n’en déplaise aux défenseurs de la dépense publique, il faudra bien un jour ou l’autre s’attaquer au train de vie de l’État.
Car une seule question doit encore se poser à l’heure actuelle : les États sont-ils encore en mesure d’emprunter ad aeternam pour financer leurs politiques démesurées ? Si l’on analyse en détail les origines de la crise, on se rend compte que les politiques interventionnistes et les plans de relance ont davantage aggravé la situation qu’ils ne l’ont arrangée. En garantissant une reprise des dettes, les gouvernements et les banques centrales ont ouvert la boîte de Pandore. En 2008, les “too big to fail” se refaisaient une santé sur le dos des Américains ruinés par les subprimes. Aujourd’hui, les États sauvés de la banqueroute continuent leur petit jeu, sous un maquillage d’austérité. Les acteurs du marché (au premier rang desquels les grosses banques) se sont accommodés de ce laxisme généralisé, en profitant des plans de relance sortis de la poche du président des États-Unis pour distribuer les bonus. La hausse du chômage et la destruction des emplois privés au profit des emplois publics ont été présentés comme des dégâts collatéraux. Finalement, les centaines de milliards de dollars injectés dans l’économie américaine auront servi à une chose : rappeler que les États-Unis ne méritaient pas leur triple A. Entre couper l’eau (stopper la dette) et ralentir le flux du robinet (relever le plafond de la dette), il y a une nuance qui n’aura échappé à personne.
En Europe, la situation n’est guère plus florissante. La BCE en est arrivé au stade où elle ne peut que racheter les dettes pourries des États en difficulté. Cela ressemble à un sauve-qui-peut, alors que l’Allemagne a déjà fait savoir qu’elle ne se lancera pas dans un second plan d’aide. L’Italie ou l’Espagne sont “trop grandes pour être sauvées”, estime Berlin. Combien de temps durera le répit ?
Quand on dépense plus qu’on ne gagne, il faut trouver de l’argent. Dans le cas d’un État, les créanciers peuvent être les contribuables, les marchés ou d’autres États. Or, la marge de manœuvre de nos politiciens est aujourd’hui très maigre. Augmenter encore les taxes risquerait de porter le coup fatal à la maigre croissance. Recourir à l’emprunt et accroître la dette, c’est courir le risque de se voir refuser l’accès au marché. Fabriquer de l’argent ex nihilo (planche à billets), cela finit toujours par générer de l’inflation. Reste alors une dernière solution : dépenser moins. Un État qui ne s’endette pas à outrance n’aura rien à craindre des spéculateurs.
Quand l’argent (des autres) vient à manquer, le bon gestionnaire politique doit pouvoir reconnaître qu’il est essentiel de sabrer dans les dépenses et de retrouver l’équilibre au plus vite.
Sur ce dernier point, permettez-moi d’être pessimiste.