Les banquiers et les émeutiers ont quelque chose en commun, mais ce n’est pas ce que les experts pensent.
Par Nicole Gelinas
Un article paru dans le City Journal, le 18.08.2011
Ces conservateurs semblent avoir mis le doigt sur quelque chose. Ce n’est pas tant que les pillards et les banquiers soient semblables par leur avidité et leur absence d’empathie ou que les pillards soient jaloux de la richesse des banquiers. Le fait est que depuis deux décennies le gouvernement britannique a adopté la même approche vis-à-vis des financiers et des défavorisés en les traitant comme des groupes que l’on devrait protéger contre les forces de la discipline. Les banquiers et les pilleurs ont répondu de manière prévisible à ce dorlotage.
Commençons par les banquiers. Londres, comme New York, est une capitale de la finance mondiale. Depuis les années 1980, les grandes entreprises financières londoniennes et américaines ont bénéficié de la volonté des gouvernements occidentaux de les protéger contre les forces du marché. Comme l’a écrit Philip Augar, un vétéran du monde bancaire anglais, dans Reckless : The Rise and Fall of the City : « l’intuition que la banque centrale américaine renflouerait les marchés dès que nécessaire » a contribué à diriger l’argent des investisseurs (pas seulement à New York mais aussi à Londres) vers le secteur financier plutôt que dans d’autres industries. Après tout, cette activité extrêmement profitable était infaillible. Les investisseurs et les dirigeants des grandes banques savaient qu’ils n’étaient soumis à aucune discipline. Ce n’est pas une surprise s’ils n’ont pas fait grand chose pour se discipliner eux-mêmes. Pour alourdir l’addition, les banques ont envoyé l’argent que les investisseurs leur avaient confié dans un trou noir de titres constitués de prêts qui ne seront jamais remboursés. Ainsi depuis 2008, le soutien sans faille de l’État à la finance n’a fait que se renforcer. Le gouvernement britannique détient toujours deux des plus grandes banques du pays : la Lloyds et la Royal Bank of Scotland. La morale de l’histoire est simple: si vous protégez les financiers imprudents, vous en aurez encore plus.
Une morale similaire s’applique aux pilleurs : si vous ne punissez pas les mauvais comportements, ils se développeront. Le gouvernement a clairement fait savoir qu’il ne croyait pas dans des peines de prison longues en dehors des cas de meurtre. Dans le London Times, Harriet Sergeant, auteur de Wasted : The Betrayal of White Working Class and Black Caribbean Boys, a décrit ce qu’un garçon lui avait raconté : « Nous avons dealé de la drogue en classe. Ils savaient ce que nous faisions mais ils n’ont rien fait. » Les tabloïds britanniques de cette semaine ont rapporté un autre cas de refus de l’État de punir les criminels : un juge a réduit la peine de prison d’un trafiquant de drogue parce qu’une année de peine aurait permis aux autorités de l’immigration de lancer une procédure d’expulsion de Grande-Bretagne contre cet homme qui l’a déjà été par deux fois.
Ainsi, les pillards, comme les banquiers, constituèrent une infime minorité de gens qui devinrent d’habiles exploiteurs des politiques gouvernementales. Ce sont des individus qui ont reconnu les signaux envoyés par le gouvernement et y ont répondu de manière rationnelle. Ce n’est pas une surprise que les pillards ont pensé qu’ils pouvaient s’en tirer en participant aux joies de la razzia. Contrairement aux banquiers, ils ont eu tort. La Grande-Bretagne commence à réagir fermement à leurs actes. Mais la meilleure manière de gouverner les gens et les marchés reste d’envoyer des signaux cohérents, de long terme, et pas de soudaines démonstrations de force. Si les Britanniques respectueux des lois ne sont pas satisfaits des résultats de la planification financière centrale et de l’ingénierie sociale, ils doivent demander à leur gouvernement d’arrêter d’envoyer de mauvaises incitations.
(*) Nicole Gelinas est chroniqueuse au City Journal.
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Article original paru en anglais dans le City Journal.
Traduction avec l’aimable autorisation du journal : Xav pour Contrepoints.