Vous paierez bientôt vos impôts avec votre carte d’identité. Heureux ?
L’État français est une ruche pleine d’abeilles industrieuses fort occupées à leurs petites affaires. Quand, d’un côté, certains font absolument tout pour que le statu quo perdure, en refusant obstinément de tailler dans les dépenses, de l’autre, les habiles hyménoptères entreprennent de tenir à jour les registres des petites fleurs qu’elles vont butiner aussi régulièrement que possible…
Oui, je sais, la métaphore apicole, particulièrement bucolique, colle mal à l’image qu’on peut se faire de nos chères élites qui s’emploient tous les jours à consolider le budget par petites touches picturales subtiles ou tondre ras les contribuables qui passent à portée.
Ou alors, il faut imaginer les abeilles, en formation serrée, descendre en piqué sur de malheureuses marguerites comme jadis les Stukas de la Luftwaffe, les pomper de tout leur nectar en quelques microsecondes vives et impitoyables et repartir aussi sec, laissant les pauvres fleurs dépenaillées et les pétales arrachées.
Et dans cette version plus musclée de la métaphore, il faudrait ajouter des bataillons d’insectes rampant aux tiges de chacune de ces fleurs pour y apposer un numéro de série.
C’est effectivement la dernière nouveauté du gouvernement : ficher gentiment et dans la plus grande discrétion l’ensemble des Français. Comme vous avez pu le lire hier, la discrétion, c’est très important puisqu’elle permet de continuer à profiter des fromages de la République sans que personne ne s’en inquiète.
(À ce propos, n'oubliez pas, aux prochaines élections, que le Hollande est l'autre pays des fromages.)
Eh bien pour le fichage de toute la population, c’est la même chose.
On apprend en effet dans cet article-ci que les parlementaires ont récemment voté la mise en place d’une carte d’identité nationale biométrique permettant de centraliser plusieurs informations dans un médium facile à trimbaler et surtout, facile à interroger à distance : il s’agit de la mise en place de deux puces RFID dans les cartes d’identités.
En gros, le passage de la carte dans un portique permet un échange rapide et sans contact d’informations comme le nom et les prénoms, le sexe, la date de naissance, le lieu de naissance et, très crypté et très sécurisé si si je vous rassure, l’empreinte roulée des huit doigts de la main.
Oui, roulée, l’empreinte. Comme au commissariat lorsqu’on va vous emmener derrière les barreaux. Ce n’est pas fortuit.
J’insiste évidemment sur la sécurisation et le cryptage et les protections et les lois pointues et dissuasives et tout et tout qui entourent bien sûr ces informations : n’importe qui ne pourra pas lire les puces d’identité RFID, hein. Pas de ça en France, môssieu. C’est du solide.
On se rappellera que la carte bancaire devait être inviolable. Serge Humpich, seul, dans son coin, avait prouvé qu’il n’en était rien…
On se rappellera aussi toutes les affaires plus ou moins récentes où des fichiers de contribuables (anglais, allemands) s’étaient retrouvés dans la nature, au grand dam des autorités concernées qui avaient pourtant assuré, elles aussi, du sérieux des protections mises en place par l’État pour garantir que, justement, de telles fuites n’auraient jamais lieu…
On aura donc toute confiance dans la solution que l’État va mettre en place avec ce progrès évident dans le compte du cheptel.
Le relais de cette information pourtant assez importante par la presse aura été très discret. On trouve encore quelques articles ici et là, mais à la faveur de la crise et des vacances de Juillet, tout le monde s’est empressé de n’en pas dire grand-chose.
Plus on y pense, et plus les frasques de DSK, les émeutes londoniennes, les mouvements boursiers, la fumeuse règle d’or de Sarkozy, apparaissent pratiques pour continuer à faire trotter le lièvre que tous les Français tentent de rattraper, le soir vers 20H, coachés par Claire Chazal.
C’est dommage puisque finalement, la nouvelle carte en question s’intègrera dans un ensemble plus grand où chaque citoyen sera littéralement pisté dans tout ce qu’il fait.
Au fait, j’ai parlé plus haut de « deux puces ». Eh oui, les parlementaires, sans bondir de leurs bancs molletonnés, ont parfaitement admis que cette nouvelle carte d’identité puisse contenir une puce pour des options de paiement.
Après tout, c’est une question de présentation et de marketing, non ? Il suffit que le gouvernement fasse simplement les « bons partenariats » avec l’industrie bancaire et on peut être assuré que l’ensemble de l’opération se déroulera dans les meilleures conditions.
En plus, ça tombe bien : ce gouvernement a déjà pris langue à de multiples reprises avec le monde bancaire et financier sans demander l’avis du contribuable, et n’aura donc aucun mal à continuer sur sa lancée, d’autant que quel que soit le niveau de l’échec, des fuites ou des catastrophes, ce sera avec l’argent ponctionné qu’il le fera ; aucun risque, donc.
Au passage, on s’étonne de la discrétion déjà mentionnée plus haut : une carte d’identité nationale qui contient une « puce de service » pouvant « éventuellement » servir aux paiements (et permet donc de relier, de fait, les dépenses de consommateur de M. Toulemonde avec sa fiche d’impôt pour en déceler d’éventuelles incohérences), voilà qui aurait dû être un véritable cheval de bataille de nos petits Libres Penseurs qui s’épanchent pourtant régulièrement dans leurs papelards humides.
Mais non. Personne n’a rouspété.
Si l’on s’en tient à l’absence totale de réaction de … tout le monde, tout ceci est normal : le bétail français va maintenant être estampillé, et le petit moutontribuable pourra « gambader » en étant toujours sûr qu’il y aura l’État derrière pour s’occuper de lui, au début avec la tondeuse, ensuite avec le couteau.
Mignon, non ?
Notez que ce mouvement de la République vers le fichage complet, pervasif et total (voire totalitaire) de ses troupes n’est pas un petit pas unique vers un estampillage global, mais bien un mouvement d’ensemble des belles sociales-démocraties qui veulent bien évidemment le bien de tous et de chacun, éventuellement contre le gré des ronchons libéraux qui sont bêtement farouchement contre.
On ne s’étonnera pas de trouver, dans la belle Amérique d’Obama l’exacte réplique de ce qui s’est voté chez nous, à quelques différences culturelles près: l’acte HR 3590 récemment signé par le président permet ainsi la mise en place d’un registre national afin d’effectuer un suivi des patients.
Et à terme — i.e. dans quelques années au maximum — s’il le faut (bisous), ces patients peuvent recevoir, implantée sous leur peau, une puce RFID Verichip permettant de transporter toujours avec eux (bisous), les informations bien protégées (bisous) concernant leur dossier médical (bisous).
Rien de gênant, non ?
Bizarrement, certains trouvent aussi que les largesses de la loi correspondante permettent de stocker, finalement, n’importe quel renseignement sur tous les individus.
Parfaitement rassurant.
Et dire que les libéraux s’opposent à tout type de fichage par les gens de l’État ! Mais qu’ils sont bêtes, ces libéraux ! Ils n’aiment pas le gouvernement et l’État (qui fait tout bien, voyons) et ne comprennent pas pourquoi ce dernier veut les numéroter, comme les cochons et ses abattis !
C’est d’un pusillanime !
Tout le monde sait bien que pour qu’une bonne démocratie fonctionne, absolument tout le monde a besoin de savoir absolument ce que fait absolument tout le monde. Non ?
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