Comme la couleur des terrils où, quelques pas plus loin, je vois une tentative d’envol dans une vidéo qui a pour titre T’as de beaux vieux, tu sais. C’est cette vidéo qui m’a arrêté. Bertille Bak y met en scène les habitants d’une cité minière du Pas de Calais, Barlin, d’anciens mineurs à qui elle propose de participer à une œuvre collective. S’en suit une discussion sur l’intérêt de faire de l’art, discussion en « chti » sous-titrée. Les sous-titres ont un style soutenu, comme on dit, alors que les propos qu’on entend disent les choses bien plus simplement : ce décalage révèle à quel point l’art contemporain se paie de mots, et que ses discours prêtent à sourire. Et les « beaux vieux » ne ressassent pas un passé désormais perdu, mais jouent avec leur quotidien, jouent à courir après des bottes, à défiler en majorettes… La fin du film, avec humour, et séquence par séquence, dénonce la situation vécue dans cette cité : à un défilé revendicatif et ludique succède l’histoire de l’endormissement des poules qui sera suivie par le plumage collectif. Comme si les habitants eux-mêmes avaient trouvé, par l’action artistique, une façon d’affirmer la conscience qu’ils ont de leur vécu, et de résister aux manœuvres qui envisagent les mutations sociales sans tenir compte d’eux.
Ensuite, c’est New York (cartographie des antennes paraboliques), c’est la Thaïlande, et, devant la vitre, ces travaux de tapisserie réalisés à plusieurs mains et dont les canevas représentent des tableaux anciens, parmi lesquels j’ai surtout remarqué le Radeau de la Méduse. Ses radeaux en bouteilles, de l’autre côté du mur, ont sans doute orienté mon regard.
Avec insistance et légèreté, Bertille Bak questionne les traces, le travail, les migrations, le monde ouvrier et véhicule une parole à laquelle elle reste toujours attentive.