Cette année, cette journée studieuse a eu lieu dans les salons de la brasserie "Le Magma", place de la Victoire.
A présent, nous sommes en vue des élections municipales de 2014 et il devenait urgent et important de dresser un état des lieux de la situation socio-économique de Clermont-Ferrand et d'ouvrir les pistes de l'avenir de notre ville.
Le nombre de participants et la qualité des intervenants ont bien montré l'enjeu de cette journée.
Ainsi sont intervenus le Professeur Chinier-Riboulon, Professeur de Géographie, Université Blaise Pascal, Directeur du Centre d'études et de recherches appliquées
au massif central, auteur de plusieurs ouvrages et travaux sur la géographie économique de l'aire urbaine Clermontoise.
- Maître Bertrand Martin-Laisné, Maire-Adjoint de Chamalières, membre du syndicat du Grand Clermont, a participé aux travaux du Schéma de Cohérence Territorial du
Grand Clermont.
- Le Directeur Régional d’un grand constructeur.
- Mr Fabrice Jury, Juriste en droit public des affaires, en charge actuellement d'une action de consulting sur la mise en place d'un partenariat public-privé dans
le cadre de l'aménagement numérique du Grand Clermont et de l'Auvergne.
- Mr Frédéric Aguilera, Maire-Adjoint de Vichy, métropolisation, rapprochement Clermont-Vichy.
A l'issue de cette université d'été, Jean Pierre Brenas Président de l'Association Clermont-Avant-Tout a fait une synthèse de l'état des lieux de notre ville (et de notre région) et dressé les grandes lignes de ce qui devrait être les priorités des choix à venir.
1) Triple nécessité pour le politique
- Nécessité de s’ouvrir aux acteurs et aux forces vives locales : universitaires, cadres, géographes, architectes, urbanistes, juristes, milieux économiques…
- Nécessité d’observer ce qui se passe ailleurs, dans les métropoles Françaises et Européennes qui réussissent
- Nécessité de connaître l’histoire de sa ville, la manière dont elle s’est construite, les facteurs qui l’ont modelée (entrepreneurs innovants, traditionnelle discrétion des Clermontois, les impératifs naturels).
2) Se convaincre que l’Etat Providence, c’est fini.
Les villes, à l’échelle nationale et Européenne sont en concurrence.
Les meilleures gagnent.
Les meilleures sont celles qui à l’image de l’entreprise, innovent, créent, prennent des risques. Ainsi que le chiffre d’affaires d’une entreprise ne se décrète pas, la démographie d’une ville
ne se décide pas. Elle est la conséquence d’une politique volontariste, qui attire les investisseurs (publics ou privés).
Les villes qui refusent d’entrer dans la compétition, celles qui restent figées sur l’ancien modèle, ne stagnent pas mais régressent et se font absorber. Elles deviennent alors
dépendantes de métropoles plus importantes. Elles ne peuvent répondre aux attentes de leurs habitants pour chaque étape de la vie (études universitaires, services médicaux de pointe, secteur
professionnels absents…).
3) Les faiblesses de l’aire urbaine Clermontoise sont identifiées.
Elles se manifestent très concrètement par différents signes qui illustrent le recul de la ville et la positionne aujourd’hui à la croisée des chemins.
=> La démographie s’est figée. Elle ne repart qu’à dose homéopathique et à un rythme nettement inférieur à la moyenne des métropoles Françaises. Dans un contexte régional
médiocre, l’Auvergne a perdu 12 336 habitants entre 1990 et 1998 et en a gagné 22 500 entre 1999 et 2005.
Les taux de natalité sont faibles, le solde naturel est négatif, le nombre de décès étant supérieur à celui des naissances.
La fécondité est la plus faible du pays.
La population est plus âgée que la moyenne et vieillit de surcroît plus rapidement.
Le solde migratoire est très faiblement positif, mais ce sont surtout des populations jeunes qui s’en vont et plus âgées qui arrivent.
Clermont-Ferrand, ville centre, a culminé à 170 000 habitants dans les années 1970 pour subir ensuite dans les années 1980 une hémorragie démographique la ramenant à 137 140 habitants en 1999.
Aujourd’hui Clermont-Ferrand dépasse de peu 140 000 habitants.
=> Perte de centres de commandement, dans la majorité des cas au profit de Rhône-Alpes.
Jusqu’ici, l’agglomération Clermontoise ne rendait véritablement des comptes qu’à la capitale, ce qui la plaçait à un second rang en France. Progressivement et insidieusement, nombre de sièges
sociaux (centres décisionnels publics ou privés) glissent sur Lyon (finance, banque, assurance, recherche, publicité, conseils et stratégie…)
Clermont-Ferrand est victime de la métropolisation de Lyon et risque de rétrograder à un 3ème rang national et au 4ème ou 5ème rang Européen.
=> Retards et reculs dans le secteur tertiaire
Par son PIB au niveau national, l’Auvergne occupe une peu glorieuse 19ème place.
Clermont-Ferrand a perdu certains pouvoirs de commandement dans le commerce de gros (comme par exemple les Economats du Centre rachetés par Auchan).
Le commerce de détail du centre ville connaît des difficultés.
Clermont-Ferrand manque de services privés de haut niveau (gestion, marketing, banques, assurances, finances). Les deux banques locales Chalus et Nuger n’ont pas multiplié leurs
succursales hors de l’Auvergne. Beaucoup d’entreprises, mêmes parapubliques (comme France Télécom) dépendent de Lyon ou Paris.
Même si le secteur informatique est bien représenté, on regrette l’absence de grands groupes de services aux entreprises (opérationnels ou de conseils et d’assistance).
Il n’y a plus d’organisation Internationale depuis le départ pour Bordeaux du siège de « Pharmaciens sans frontière ».
Un seul consulat est présent : celui du Portugal.
Le retard par rapport aux métropoles de rang équivalent est flagrant dans le secteur « High tech ». En dehors du secteur pharmaceutique et de quelques positions, limitées,
dans celui de l’avionique et de sa maintenance, Clermont-Ferrand n’a pas de secteurs appartenant au monde du high tech. Elle n’est pas assez présente dans la chimie fine, les cosmétiques,
l’électronique, la mécatronique, le contrôle, la régulation, etc.
D’ailleurs Clermont-Ferrand manque de vitrine de son savoir faire et n’a pas de véritable technopôle comme Nancy-Brabois, Rennes-Atalante ou Limoges-Ester. La Part Dieu (Pascalis
pour les NTIC) n’est qu’une zone d’activité dédiée au commerce de l’informatique et le plateau des Cézeaux, un embryon très limité. Leurs connexions avec l’université sont trop modestement
affirmées. Il manque un lieu rassemblant recherche fondamentale publique, appliquée privée et production industrielle liée aux deux précédentes.
Dans le domaine des pôles d’excellence qui se doivent d’être Européens, Clermont-Ferrand manque de créneaux industriels véritablement porteurs. Les industries agroalimentaires
présentes (pôles viandes, céréales et les biotechnologies) peuvent se retrouver dans beaucoup d’autres régions. Seul le pôle avionique, compte tenu de la tradition industrielle locale, est
porteur. Le pôle pharmacie-chimie fine mériterait d’être relancé.
=> Effectifs étudiants en régression
Alors qu’il y a une vingtaine d’années, on attirait de façon significative à l’ouest au détriment du Limousin, un peu au sud face à Montpellier et surtout au Nord dans la majeure partie de la
Nièvre au détriment d’Orléans voire de Paris. Aujourd’hui l’aire de rayonnement s’est largement contractée. On compte désormais moins de 15% d’étudiants venant d’autres régions. L’explication
tient au renforcement de l’offre de formation dans les sites voisins parfois plus prestigieux et plus accessibles.
=> Recul des connections : réenclavement ferroviaire et aérien.
Le hub aérien, dans son ensemble, est tout simplement parti de Clermont-Ferrand pour Lyon St-Exupéry occasionnant une chute vertigineuse de la fréquentation de l’aéroport
d’Aulnat (1 Millions de passagers en 2002 à 350 000 aujourd’hui).
La SNCF ne croit plus en Clermont-Ferrand. Le tracé LGV qu’elle soutient (le plus à l’Est) en est la principale illustration.
Le rétrogradage – hautement méprisant – du terminus Clermont-Paris sur la gare de Bercy en est une autre.
L’état des infrastructures ferroviaires régionales se dégrade chaque jour d’avantage, occasionnant des retards réguliers et un accroissement des temps de parcours.
Enfin, Clermont-Ferrand, ferroviairement, se coupe progressivement de l’ouest et du sud du pays.
=> Clermont-Ferrand a un niveau d’équipements culturels des années 1970.
Pas de bibliothèque digne de ce nom.
Pas de musée possédant des collections de renommée nationale.
Pas de lieu identitaire pour la Comédie de Clermont-Ferrand (label scène nationale).
Un simple orchestre de chambre et non philarmonique.
Pas d’auditorium.
Un théâtre à l’arrêt depuis 4 ans et en travaux pour 3 ans.
Vichy qui possède un superbe opéra et offre chaque année une programmation de très bonne qualité attire de plus en plus de Clermontois.
4) Quelques pistes.
Clermont-Ferrand doit renouer avec l’attractivité. Elle doit redevenir la ville dans laquelle l’on a envie de venir vivre.
Il faut tourner le dos aux slogans du passé, dépassés : « ville à la campagne », « ville de taille humaine », « ville de monsieur tout le monde » et autres allusions aux
traditions culturelles, culinaires ou folkloriques locales.
Clermont-Ferrand doit réellement entrer dans le 21ème siècle et offrir le visage d’une ville qui gagne et qui attire les investisseurs.
Pour cela nous avons un impératif : changer de politique
Une nouvelle dynamique de croissance est possible.
Celle-ci passe par des initiatives fortes en matière d’activités économiques, d’accessibilité, d’urbanisme et de métropolisation.
=> En faveur de l’économie locale : attirer des entreprises, des cadres et des investisseurs.
- En créant une véritable technopôle et en développant de nouveaux pôles d’excellence en liaison avec la recherche publique et privée locale.
- En développant les EMS (emplois métropolitains supérieurs) dans le domaine des services aux entreprises et du high tech.
- En attirant prioritairement les emplois hautement qualifiés et les directions des secteurs de la finance, des assurances, des banques, de la publicité et du marketing.
- En réalisant un lobbying pour les universités afin d’attirer les étudiants.
=> Accessibilité : mettre fin à l’enclavement aérien et ferroviaire
Préparer l’arrivée du TGV au cœur de la métropole Clermont-Ferrand Vichy.
Rééquilibrer les quatre branches ferroviaires (nord, sud, est, ouest) par une amélioration des infrastructures.
Mettre en place une véritable inter modalité à l’intérieur et à l’extérieur de l’aire urbaine. Une deuxième ligne de tramway permettra de réaliser un pôle d’échange intermodal
digne d’une capitale régionale.
Relancer l’aéroport en lien avec une nouvelle politique économique et touristique (tourisme traditionnel, d’affaires et de congrès).
=> Urbanisme : Clermont-Ferrand doit avoir une véritable identité et spécificité urbaine
C’est sur cette base que l’on pourra construire une politique d’image.
Lancer un investissement remarquable.
Toutes les villes qui réussissent l’ont fait : Bilbao, Guggenheim, Montpellier, Antigone (architecte Ricardo Bofill), Dieppe et son nouveau port du XXIème siècle, Provins et la mise en
valeur de sa cité médiévale, Paris, Lyon, Toulouse… plus près de nous Le Puy avec la superbe réhabilitation du quartier de l’hôpital Général confié à l’architecte Wilmotte.
A Clermont-Ferrand, nous avons deux occasions uniques : la requalification du site de l’Hôtel Dieu et en liaison avec Michelin, la création d’un vaste centre dédié à l’automobile, aux
technologies et à la mobilité du futur sur le site des pistes d’essais de Cataroux.
Stopper la bétonisation de la ville qui la banalise et l’enlaidit.
=>Accélérer la métropolisation Clermont-Vichy.
Etablir une synergie avec Vichy qui sera en 2015 à 30 minutes de Clermont-Ferrand par l’autoroute Gannat-Vichy.
Vichy présente de bonnes opportunités dans trois secteurs : le pôle santé – nutrition - bien-être, le pôle culture et le pôle enseignement supérieur (études paramédicales :
kinésithérapie, optique).
Vis-à-vis de Lyon, il conviendra d’identifier et de développer les domaines dans lesquels la région Rhône-Alpes n’excelle pas afin de proposer une saine complémentarité. La devise sera ni dépendance, ni ignorance.
Ainsi renouerons-nous avec l’expansion démographique qui sera la résultante de cette politique nouvelle.
5) Quelle stratégie ?
Arrêter une doctrine.
La diffuser largement, faire prendre conscience à l’opinion de l’importance des enjeux.
Organiser un lobbying auprès de tous les acteurs, politiques, institutionnels, associatifs, relais d’opinions.
S’ouvrir à tous ceux – quelque soient leurs couleurs politiques – qui partagent notre vision.
Proposer aux Clermontois, en 2014, un projet qui inscrive la ville et donc l’agglomération dans une démarche de métropolisation gagnante. De cet enrichissement global, chacun de nous en retirera
du profit.