Le parti socialiste français (PS) tient actuellement, à La Rochelle, son université d’été. Pour la compréhension des Canadiens, des universités d’été sont organisées en France par les organisations politiques, économiques, professionnelles ou autres pour faire le point avec leurs membres et discuter de l’évolution des choses et des actes à prendre pour l’avenir.
L’université d’été du PS est importante puisqu’elle se situe dans le cadre de la campagne primaire pour le choix du candidat (e) du parti à l’élection présidentielle française de 2012. Le vote du premier tour aura lieu le 9 octobre prochain et sera suivi d’un deuxième sur les deux finalistes, une semaine plus tard. Ce qui est différent et intéressant cette année, c’est que les électeurs ne sont pas limités aux membres du PS comme à la primaire de 2007, mais à tous les Français qui se veulent de gauche, quelque soit leur parti, et qui acceptent de signer une déclaration à cet effet et déposent une cotisation d’un euro.
Parmi les six candidats, les favoris sont François Hollande, ex-premier secrétaire du PS, Martine Aubry la plus récente 1ière secrétaire générale du parti et Ségolène Royal, la candidate de 2007 contre Nicolas Sarkozy. Actuellement, les sondages placent Hollande 10 points en avant d’Aubry et Ségolène traîne en arrière. Deux autres jeunes candidats, les députés Arnaud Montebourg et Manuel Valis ne sont pas dans la course mais font un bon travail de défrichage qui pourra leur être utile dans l’avenir.
Alors qu’en 2007, ils étaient 250 000 électeurs, on prédit cette année que ce chiffre peut s’approcher du million, si les gens de gauche deviennent enthousiasmés par ce scrutin. À mon avis, le résultat de cette bataille est actuellement imprévisible et on ne peut trop se fier aux sondages actuels puisque tous les électeurs possibles ne sont pas clairement identifiés. Un exemple récent vient de le démontrer lorsque Eva Joly est devenue la candidate présidentielle des Écolos alors que son adversaire la vedette environnementaliste mondiale Nicolas Hulot était donné très largement vainqueur par les sondeurs.
Rien n’est réglé au PS et c’est ce qui rend la course fascinante.
François Hollande est parti de loin. Il s’est engagé dans cette lutte contre DSK avant que celui-ci entre au 2806 du Sofitel. Face à ce dernier, peu d’analystes prenaient Hollande au sérieux, mais, petit à petit, on ressentit qu’il grimpait dans l’opinion publique au point que DSK disqualifié, il est devenu le favori.
Martine Aubry, qui avait conclu un pacte de non agression mutuelle avec DSK, a sauté dans l’arène après les mésaventures de ce dernier. Elle a tardé à s’engager, ce qui ne l’a pas aidée, mais sa présence à l’université d’été est, à ce jour, très positive pour sa candidature.
Depuis sa défaite de 2007, Ségolène Royal n’a cessé de faire campagne, se disant convaincue qu’elle sera choisie pour redevenir le porte étendard du PS en 2012.
À jour, je crois qu’Hollande gagne la bataille des idées. Il est bien renseigné, connaît à fond les politiques de la droite et les résultats de leurs implantations. Il sait expliquer, critiquer et proposer. Ses discours sont galvanisants, bien structurés et remplis de statistiques pour étayer ses arguments. Il veut un contrat des générations pour l’emploi des jeunes. Il blâme sévèrement Sarkozy. Il met beaucoup d’accent sur la question d’« égalité » des Français. Il veut refondre la société française. Jusqu’où ? Il promet beaucoup. Est-ce réaliste dans le climat difficile qui augure à cause de l’économie des prochaines années ?
Martine Aubry a été à la base de la préparation du programme politique du PS pour 2012. Cependant, à l’entendre, on a l’impression que cela se limite à proposer de déconstruire ce que le président Sarkozy a fait. Entre autres, elle veut revenir à la loi des 35 heures, qu’elle a fait voter, en abolissant les mesures de Sarkozy pour la corriger. Elle veut revenir à l’âge de la pension à 60 ans de Mitterrand (il l’avait baissée de 65 à 60 ans d’un coup), alors que Sarkozy l’a fixée à 62 ans. Les observateurs neutres estiment que ce furent les deux plus grandes erreurs politiques depuis De Gaulle. La politicienne Aubry promet maintenant de revenir en arrière. Pourtant, elle qualifie son projet de « transformation sociale, économique et écologique ». Dans les deux cas, Sarkozy a agi pour tenir compte de la réalité économique. D’ailleurs les agences de notation ont récemment confirmé le maintien de la haute note de la France à cause justement des actions positives du président et de son gouvernement dans ces cas particuliers.
Ségolène Royal est transformée. J’écoute et je lis ses discours comme ceux des autres, mais il me semble qu’elle frappe le clou sur la tête beaucoup plus souvent que ses adversaires. Elle démontre qu’elle est aguerrie depuis son expérience de 2007 où elle a obtenu 18 millions de votes, malgré le peu d’appui reçu de son parti dirigé alors par Hollande. Par contre, elle n’a pas actuellement la cote des Français. Ceux que je rencontre sont presqu’unanimes à m’affirmer qu’elle n’a pas de chance. Ils n’écoutent même plus ce qu’elle dit. Pourtant, je trouve que ses propos récents sont de plus en plus empreints de bon sens. Devenue une excellent oratrice et une femme avec une force de caractère remarquable, elle s’exprime avec fermeté, constance, précision et réalisme. Le PS organise quatre « débat des candidats » durant les prochains mois. Ils seront télévisés en direct et j’ai l’impression que c’est à ce moment-là que Ségolène sera remarquée à nouveau par les Français et les Françaises.
Chaque candidat a affirmé vouloir éviter les attaques personnelles. À mon avis, cela est essentiel pour le futur du parti et pour le candidat qui voudra rallier ses adversaires à sa candidature pour le deuxième tour, s’il se rend là. C’est sur le fond des idées que le débat doit se faire. Mais, Martine Aubry, nerveuse, croyant les sondages qui la placent loin derrière Hollande, a décidé d’attaquer les qualités de leadership de ce dernier en lui reprochant de lui avoir légué un PS en mauvaise santé. « Tout le monde regardait le parti avec pitié en 2008 » dit-elle du moment où elle a remplacé François Hollande à la tête du PS, « alors qu’aujourd’hui, il est réuni ». Elle oublie de dire, entre autres, qu’il y avait beaucoup plus de membres du temps d’Hollande.
Cette course au PS s’annonce dure, serrée et captivante. On ne peut prédire à ce moment-ci qui gagnera. À suivre.
Claude Dupras