De temps en temps, on entend parler sur le net, et dans quelques revues spécialisées, de la mise en place de tarifications progressives pour l'eau, l'électricité, l'essence ou le gaz. Cette idée particulièrement intéressante n'a pourtant que peu d'échos dans les partis politiques et les médias traditionnels, (ce qui en dit long sur leurs carences en matière de veille sur l'innovation politique !). Nous voudrions, dans cet article, faire le point sur cette démarche, ces qualités et les freins qu'elle peut rencontrer.
De quoi s'agit-il? Pour l'un de ces consommables, de plus en plus chers, on demande une tarification progressive selon la consommation annuelle rapportée par habitant. Les premiers m3 ou kWatt sont payés à un taux très intéressant. Les consommations moyennes gardent des niveaux de tarifs moyens puis les surconsommations sont surpayées.
Cette démarche est demandée par ATD-Quart monde pour l'électricité qui trouve là un moyen de faire payer moins cher un bien devenu vital aux populations défavorisées. Elle est expérimentée, pour l'eau, par la communauté de communes de Moselle et Madon depuis l'été 2009. La commune de Libourne vient de mettre un petit prix pour les premiers m3 d'eau.
Dans cette commune, les 15 premiers m3 "vitaux" sont facturés 0,10 € HT/m3) puis "l'eau utile" est facturée 0,70 € (16 à 120m3), l'eau "de confort" (supérieur à 120m3) étant vendu au tarif de 0,75€.
La facturation progressive poursuit un triple objectif : d'abord réduire les factures des moins favorisés qui souffrent particulièrement en cette période de crise. Ensuite, en faisant payer plus cher les gros consommateurs, cette démarche participe à la lutte contre les inégalités puisque les plus aisés vont payer pour les plus pauvres. Enfin, cette tarification progressive va obliger le consommateur à regarder ses compteurs avec attention. En fait, elle peut faciliter la mise en place de la nécessaire sobriété, qu'exige la société durable (limitation de nos consommations d'eau et d'énergie).
Les avantages de cette méthode sont son faible coût et sa facilité de mise en place. Il suffit d'un personnel politique qui ait le courage politique de l'imposer! Elle peut facilement être mise en place quand il y a un compteur unique (eau, gaz de ville, électricité) mais elle le serait beaucoup plus difficilement pour les consommations ponctuelles (essence à la pompe, bouteille de gaz)
On imagine par contre les résistances énormes que cette démarche pourra rencontrer:
-celle des classes favorisées qui vont devoir surpayer leur consommation et compenser les faibles tarifs des petits consommateurs.
-celle des sociétés faisant commerce de ces flux (GDF Suez, Lyonnaise des Eaux pour prendre deux exemples). Elles n'ont pas forcément intérêt à voir la sobriété s'imposer car cela risque de diminuer leurs marges sur le long terme.
La méthode mériterait donc d'être peaufinée :
-il faudrait préférer une logique législative qui l'imposerait à des initiatives locales qui resteraient marginales. Mais quel parti aura le courage politique de le faire?
-il faut utiliser une méthode "douce" d'installation qui ne soit pas trop violente pour les différents acteurs. Installer des petits écarts de tarifs mais - par la loi- prévoir le creusement progressif de ces écarts.
en conclusion, deux remarques:
-on a souvent tendance à opposer écologie et politique de gauche. On voit bien ici que l'aide aux plus démunis peut être AUSSI une manière d'aller vers une politique de sobriété écologique.
-on a parfois du mépris pour les politiques réglementaires et la fiscalité accusées de favoriser les plus puissants. On voit bien ici que la facturation progressive est une politique volontariste au service des peuples et de la Planète.
Pour aller plus loin: Augmentation des tarifs d'énergies, comment en sortir?