Les trois arrêtés qui viennent d'être publiés au Journal officiel sont les suivants :
1° Arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à déclaration au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement
Adresse : http://bit.ly/qROzn6
2° Arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement
Adresse : http://bit.ly/mSTvjI
3° Arrêté du 26 août 2011 relatif à la remise en état et à la constitution des garanties financières pour les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent
Adresse : http://bit.ly/qcV6Em
NB : les développements qui suivent ne comportent que certaines des trés nombreuses questions et observations que suscitent la lecture de ces arrêtés. De fort longs développements seraient nécessaires pour procéder à une analyse complète de ces nouvelles dispositions et à l'étude de leur incidence pour les projets, existants, en cours ou futurs.
Un dispositif juridique en cours de formation
Le dispositif juridique constitutif du nouveau cadre juridique applicable à la production d'énergie éolienne est, désormais, presque complet. On notera qu'il convient d'attendre la publication au Bulletin officiel du Ministère de l'écologie des annexes de l'arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations soumises à déclaration. Par ailleurs, les arrêtés publiés ce matin appellent sans doute d'autres textes - circulaires, instructions etc... - pour combler les zones d'ombre et imprécisions qui subsistent.
Une période de transition complexe
L'arrêté relatif aux prescriptions générales applicables aux installations soumises à autorisation comporte des dispositions afférentes au conditions d'entrée en vigueur de la nouvelle règlementation :
"Le présent arrêté est applicable aux installations soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées.
L'ensemble des dispositions du présent arrêté s'appliquent aux installations pour lesquelles une demande d'autorisation est déposée à compter du lendemain de la publication du présent arrêté ainsi qu'aux extensions ou modifications d'installations existantes régulièrement mises en service nécessitant le dépôt d'une nouvelle demande d'autorisation en application de l'article R. 512-33 du code de l'environnement au-delà de cette même date. Ces installations sont dénommées « nouvelles installations » dans la suite du présent arrêté.
Pour les installations ayant fait l'objet d'une mise en service industrielle avant le 13 juillet 2011, celles ayant obtenu un permis de construire avant cette même date ainsi que celles pour lesquelles l'arrêté d'ouverture d'enquête publique a été pris avant cette même date, dénommées « installations existantes » dans la suite du présent arrêté :
― les dispositions des articles de la section 4, de l'article 22 et des articles de la section 6 sont applicables au 1er janvier 2012 ;
― les dispositions des articles des sections 2, 3 et 5 (à l'exception de l'article 22) ne sont pas applicables aux installations existantes."
Il convient donc de distinguer les cas de figure suivants en fonction de de deux dates : le 13 juillet 2011 et le
1° La demande de permis de construire est déposée à compter du 28 août 2011 : toutes les dispositions du nouvel arrêté s'appliquent
2° Une demande de modification ou d'extension d'une installation existante est déposée à compter du 28 août 2011 : toutes les dispositions du nouvel arrêté s'appliquent
3° Une installation a été mise en service avant le 13 juillet 2011 / une installation a fait l'objet d'un permis de construire délivré avant le 13 juillet 2011 / une installation a fait l'objet d' un arrêté d'ouverture d'enquête publique avant le 13 juillet 2011 : certaines dispositions de l'arrêté sont applicables, d'autre pas :
"― les dispositions des articles de la section 4, de l'article 22 et des articles de la section 6 sont applicables au 1er janvier 2012 ;
― les dispositions des articles des sections 2, 3 et 5 (à l'exception de l'article 22) ne sont pas applicables aux installations existantes."
Pour résumer, s'agissant du cas le plus fréquent : pour les projets n'ayant pas fait l'objet d'un avis d'ouverture d'enquête publique avant le 13 juillet 2011 : une demande d'autorisation d'exploiter au titre de la police des ICPE doit être déposée ce qui revient à reprendre la procédure à son départ.
Autorisation ICPE et autorisations radars : des procédures distinctes
L'arrêté fixant les prescriptions générales applicables aux installations soumises à autorisation comporte une liste des distances d'éloignement qui doivent être respectées entre les radars - civils et militaires - et les aérogénérateurs.
Non seulement ces distances d'éloignement représentent des contraintes trés importantes, mais, en outre la rédaction de cet article 4 est d'une rare complexité.
En effet, de manière particulièrement étrange, l'arrêté institue ici une procédure, non pas d'avis, mais d'accord "écrit". Sauf - hypothèse peu probable - si les auteurs de ce décret n'ont pas entendu faire de différence entre la procédure d'avis habituelle et une procédure d'accord écrit, cela signifie trés concrètement qu'avant même de déposer une demande d'autorisation ICPE en Préfecture, le pétitionnaire devra, si son projet est situé en deça des distances d'éloignement susvisées, obtenir l'"accord écrit" de plusieurs autorités :
"les aérogénérateurs sont implantés dans le respect des distances minimales d'éloignement indiquées ci-dessous sauf si l'exploitant dispose de l'accord écrit du ministère en charge de l'aviation civile, de l'établissement public chargé des missions de l'Etat en matière de sécurité météorologique des personnes et des biens ou de l'autorité portuaire en charge de l'exploitation du radar".
Ainsi, si le site retenu pour un projet de parc éolien est situé en deça des distances d'éloignement fixées, l'exploitant devra recueillir plusieurs accords écrits de plusieurs autorités différentes. Celles-ci, aux termes de cet arrêté, se voient donc dévolues un pouvoir de police des ICPE, ce qui est surprenant. D'ordinaire, au titre de la police ICPE, ces autorités auraient été consultées pour "avis" dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'autorisaiton ICPE. L'avis ainsi émis ne lie pas le Préfet qui reste seule autorité de décision.
Malheureusement le régime mis en place pour l'instruction des demandes d'autorisations ICPE éoliennes semble comporter une nouvelle procédure préalable pour la problématique radars. Aucune délai maximal n'est imparti aux autorités ainsi consultée pour émettre ledit "accord écrit". Par ailleurs, de nombreuses questions restent sans réponse : que se passe-t-il en cas d'absence d'accord écrit ? Un accord tacite est-il alors possible ? Et que faire en cas de "désaccord écrit" ? Celui-ci est-il susceptible d'être contesté ? En justice ? Bref, la qualité juridique de cet arrêté est décidément trés aléatoire et confine parfois au charabia.
Last but not least : ce sont plusieurs procédures radars qui sont mises en place. En effet, il existe une procédure, qui vient d'être décrite, propre à l'autorisation d'implanter un aérogénérateur malgré une distance d'éloignement radar. Appellons la "procédure d'implantation radar". Cette procédure d'implantation sera déclinée selon qu'il s'agit d'un radar civil ou militaire ou les deux.
Une seconde procédure radar est identifiable : une procédure relative non pas à l'implantation mais à la configuration. Appelons la procédure de configuration radar". Il faut ici se reporter aux dispositions suivantes de l'article 4 précité :
"En outre, les perturbations générées par l'installation ne gênent pas de manière significative le fonctionnement des équipements militaires. A cette fin, l'exploitant implante les aérogénérateurs selon une configuration qui fait l'objet d'un accord écrit des services de la zone aérienne de défense compétente sur le secteur d'implantation de l'installation concernant le projet d'implantation de l'installation".
L'emploi des termes "en outre" et "à cette fin" semble démontrer que ces dispositions ne doivent pas être confondues avec celles relatives à l'accord d'écrit relatif à l'implantation. Ces dispositions semblent indiquer que, même si les distances d'éloignement sont respectées, il appartiendra au pétitionnaire devra demander "l'accord écrit" des autorités militaires compétentes pour prévenir une "gêne significative". Comme pour la procédure d'implantation, les détails de la procédure de configuration ne sont pas donnés par cet arrêté.
En conclusion, on soulignera que la légalité de ces dispositions relatives aux radars est sujette à caution. Aucune loi ne prévoit de telles conditions d'exercice de la police des ICPE. En réalité, cet arrêté crée de nouvelles procédures qui viendront allonger un peu plus encore le délai de création d'un parc éolien et mettre ainsi en péril la réalisation des objectifs de développement de la puissance installée en éolien terrestre : 19 000 MW d'ici à 2020. Un objectif déjà compromis de l'avis même de l'administration.
La prévention de l'effet stroboscopique
La réglementation ICPE relative aux éoliennes s'avère d'une particulière rigueur. Outre des dispositions sur les radars, le balisage, l'acoustique, la sécurité... l'arrêté relatif aux installations soumises à autorisation comporte un article afférent à l'effet stroboscopique. Tout se passe comme si une éolienne ne devait produire absolument aucun inconvénient, y compris un inconvénient supposé.
L'article 5 de cet arrêté dispose :
"Afin de limiter l'impact sanitaire lié aux effets stroboscopiques, lorsqu'un aérogénérateur est implanté à moins de 250 mètres d'un bâtiment à usage de bureaux, l'exploitant réalise une étude démontrant que l'ombre projetée de l'aérogénérateur n'impacte pas plus de trente heures par an et une demi-heure par jour le bâtiment."
Il est donc bien question d'un "impact sanitaire" et la réalité des inconvénients supposés l'effet stroboscopique n'est nullement discutée par les auteurs de l'arrêté. De manière assez étrange, cet effet n'est prévenu ici qu'en ce qui concerne les bâtiments à usage de bureaux. La même contrainte n'est pas reprise pour les écoles, les hopitaux, les bâtiments d'habitation etc... Le fondement scientifique de cette disposition juridique est assez imprécis lui aussi.
Nouvelles précisions relatives aux garanties financières et au régime de la remise en état
Le troisième arrêté publié ce matin au JO apporte des précisions importantes sur la cessation d'activité du parc éolien. A la suite du décret du 25 août 2011, il précise un peu plus encore la nature des opérations de démantèlement qui devront être réalisées au terme de l'exploitation du parc :
"Les opérations de démantèlement et de remise en état des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent prévues à l'article R. 553-6 du code de l'environnement comprennent :
1. Le démantèlement des installations de production d'électricité, y compris le « système de raccordement au réseau ».
2. L'excavation des fondations et le remplacement par des terres de caractéristiques comparables aux terres en place à proximité de l'installation :
― sur une profondeur minimale de 30 centimètres lorsque les terrains ne sont pas utilisés pour un usage agricole au titre du document d'urbanisme opposable et que la présence de roche massive ne permet pas une excavation plus importante ;
― sur une profondeur minimale de 2 mètres dans les terrains à usage forestier au titre du document d'urbanisme opposable ;
― sur une profondeur minimale de 1 mètre dans les autres cas.
3. La remise en état qui consiste en le décaissement des aires de grutage et des chemins d'accès sur une profondeur de 40 centimètres et le remplacement par des terres de caractéristiques comparables aux terres à proximité de l'installation, sauf si le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation souhaite leur maintien en l'état.
Les déchets de démolition et de démantèlement sont valorisés ou éliminés dans les filières dûment autorisées à cet effet."
On ne peut que regretter la relative imprécision des termes employés ici, qui n'est pas sans nuire à la sécurité juridique des opérations de démantèlement.
Il en va ainsi de l'expression "des terres de caractéristiques comparables aux terres à proximité de l'installation" n'a pas pour l'heure de définition. Or, le contenu et le périmètre précis de cette expression sont des éléments essentiels pour la réalisation de la remise en état du site. A défaut de circulaire sur ce point, il est donc probable que le contenu de cette expression clé pour la fin de vie du parc encourage une négociation au cas par cas entre l'administration, le propriétaire du terrain, l'exploitant et le Maire.
Il en va également de l'expression "chemin d'accés". S'agit-il des voies situées sur des parcelles dont l'exploitant a la maîtrise foncière ? S'agit-il de toutes les voies d'accés, ce compris des voies tout à fait extérieures au site lui même mais y menant ? La seconde hypothèse est sans doute la plus probable et elle démontre la rigueur particulière du régime imposé aux éoliennes en comparaison de ce qui est exigé pour les autres ICPE.
Enfin, l'expression "document d'urbanisme opposable" aurait également pu être mieux précisée. Plus exactement, l'arrêté aurait pu fixer la date de référence dont il faudra tenir compte et ce d'autant plus que le régime de la remise en état des parcs éoliens est dérogatoire et qu'il est donc délicat de procéder par analogie avec le régime ICPE de remise en état de "droit commun". Sur ce point, on notera que le caractère dérogatoire du régime de la remise en état des parcs éoliens démontre lui aussi le caractère peu opportun du classement ICPE des éoliennes.
Enfin, la dernière phrase de cet article est d'une importance cruciale car les opérations de sélection et d'évacuation des déchets sont susceptibles de générer du contentieux et des coûts importants qui pèseront sur le financement du projet : "Les déchets de démolition et de démantèlement sont valorisés ou éliminés dans les filières dûment autorisées à cet effet."
Plusieurs interprétations sont susceptibles d'être retenues. S'agissant des "filières", le texte précise qu'il s'agit manifestement des filières de "valorisation" ou "d'élimination" sans que l'on sache exactement si cette liste est limitative et exclut donc les filières de recyclage. Par ailleurs, le texte indique qu'il doit s'agir de filières "dûment autorisées à cet effet" : s'agit-il d'installations autorisées à recevoir des déchets en général ou d'installations bénéficiant d'une autorisation spécifique pour les déchets en provenance des parcs éoliens ? Enfin, la notion même de "déchets" est, comme on le sait, d'une définition délicate de telle sorte qu'une liste précise de ce qui est ou n'est pas un déchet serait utile.
Garanties financières : 50 000 euros par aérogénérateur
L'arrêté relatif à la constitution des garanties financières, qui devront être constituées en début d'exploitation, précise que le montant initial dépend de la multiplication d'un coût unitaire forfaitaire de 50 000 euros par le nombre d'aérogénérateurs installés. Ce coût correspond aux dépenses suivantes : démantèlement d'une unité, remise en état des terrains, élimination ou valorisation des déchets générés.
Ce montant devra être actualisé par l'exploitant, chaque année.
Un dispositif à considérer dans son ensemble.
Il convient d'avoir présent à l'esprit que le dispositif juridique applicable aux éoliennes ne se limite bien sûr pas aux dispositions des décrets et arrêtés publiés cette semaine. Les exploitants doivent se référer aux dispositions de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010, à toutes les dispositions de la police des ICPE, au code de l'urbanisme etc...
Plus que jamais, en plus d'une ingénierie "technique, les acteurs de la filière éolienne doivent développer une ingénierie "juridique".
Arnaud Gossement
Avocat associé - Docteur en droit