La semaine avait bizarrement commencé. Dimanche, la situation en Libye avait brutalement évolué. La rébellion, aidée par l'OTAN, est entrée dans Tripoli. Des chaînes d'information nous annonçaient la chute du régime. Puis, 24 heures plus tard, on comprit que les combats avaient toujours lieu.Lundi, Sarkozy exhortait un colonel Kadhafi introuvable à cesser le combat. Le dictateur préféra la guérilla urbaine. En France, la retenue n'était plus de mise. Sarkozy avait enfin gagné sa guerre ! Même au Parti socialiste, certains ténors se sont engouffrés dans l'hommage. Ceux-là même qui s'inquiétaient de l'avenir de la Tunisie et de l'Egypte libérées ont célébré bien prématurément la « libération » du pays. On peut, et on doit se réjouir qu'un dictateur aussi « durable », corrompu et sanglant que le colonel Kadhafi tombe enfin. On peut, et on doit, rester lucide sur les difficultés de la situation. L'expérience irakienne devrait servir de leçon.
Les mêmes médias auraient pu aussi déployer la même énergie et le même enthousiasme à relayer ou approfondir l'enquête de Mediapart sur les relations d'un passé si proche entre l'équipe Sarkozy et l'ancien gouvernement libyen,grâce au concours de l'intermédiaire Ziad Takieddine. Mardi, le site a révélé comment la DGSE avait été mise à contribution pour protéger Takieddine de la curiosité des juges enquêtant sur d'éventuelles rétrocommissions sur des ventes de sous-marins.
Quelques ministres ont à nouveau fait parler d'eux. Le ministre du Travail et de la Santé Xavier Bertrand, qui a davantage peur de la canicule qui frappe le Sud du pays que du chômage qui frappe le pays, s'est rendu « sur le terrain ». Mercredi, il a quand même prévenu que les chiffres du chômage en juillet seraient « mauvais ». Effectivement, ils le furent: 34.000 sans emploi supplémentaire, le pire score depuis 11 ans !
Son collègue Eric Besson a promis que l'internet illimité ne sera pas supprimé, des FAI ayant laissé entendre qu'ils pourraient revenir à une facturation à la durée. Il a surtout confirmé qu'il planche sur un changement des normes techniques de diffusion pour les futures chaînes « bonus » de la TNT. Il s'agit d'éviter la création d'une chaîne gratuite par Canal+ (ce qui déplaît à ses concurrents), sans avoir à changer la loi ou à lui rembourser un quelconque dommage.
Mardi, François Fillon recevait les partenaires sociaux. La rencontre était officielle mais rapide. Le premier ministre voulait les prévenir de quelques pistes de réflexion gouvernementale pour réduire encore davantage les déficits. Un dernier totem sarkozyen est en passe de tomber. L'arbre était pourri à la racine. Après le bouclier fiscal, la défiscalisation des intérêts d'emprunt, voici la défiscalisation des heures supplémentaires qui est menacée. La crise est trop grave, et cette niche est trop grosse et trop inutile. Avec quatre ans de retard, certains journalistes mesurent enfin l'ampleur du gâchis: 22 milliards d'euros de recettes perdues pour le fisc et la sécurité sociale ! Et pour quels résultats ? Aucun, si ce n'est un formidable effet d'aubaine.
Mercredi, le Monarque a fait sa rentrée... pour quelques heures. L'exercice était délicat. Malgré un mois d'août tout entier placé sous le signe de la crise financière, Sarkozy ne voulait surtout pas endosser trop visiblement les prochaines mesures de rigueur concoctées pour rassurer les marchés. Quand il faut annoncer des mauvaises nouvelles, Sarkozy laisse toujours l'affaire à d'autres. Courageux... mais pas téméraire ! Il ne veut pas qu'on lui ressorte, au plus fort de la campagne présidentielle dans 5 ou mois, quelques déclarations d'austérité trop précises.
L'ordre du jour du conseil des ministres ne mentionnait donc même pas le plan de rigueur. Tout juste Sarkozy s'est-il permis une leçon de texte pour ses ministres, expliquant que la crise « n'est pas une crise de l'euro, mais une crise de l'endettement.» A l'heure du repas, l'agenda vide du Monarque cachait en fait un déjeuner avec Nicolas Hulot.
A 17h45, Sarkozy se montrait avec le premier ministre du Conseil National de Transition libyen, pour tenir quelques propos sans intérêt et volontiers provoquants sur la guerre en cours à Tripoli. Quasiment au même moment, François Fillon détaillait enfin les grandes lignes du fameux plan de rigueur, promis le 10 août dernier, au plus fort de la spéculation contre la dette souveraine du pays. On fut déçu. Dans son argumentaire, Fillon répéta un grossier mensonge, que l'aggravation de nos déficits et endettement actuels serait due à la crise. Dans son dossier de presse, le mensonge était plus explicite encore: selon Fillon, le déficit budgétaire « devait passer sous la barre des 2% en 2009 » mais « la crise l’a porté à 7,5 % du PIB cette année-là ». C'est archi-faux. En juin 2007, Nicolas Sarkozy s'était précipité à Bruxelles quémander un délai supplémentaire d'un an (2013 au lieu de 2012) pour ramener le déficit budgétaire du pays sous la barre des 3% du PIB. Et maintenant, Fillon nous annonce qu'on aurait pu atteindre les 2% dès 2009 ! Belle réécriture de l'histoire !
Le fidèle Fillon a aussi explicité les fameuses mesures. Certaines étaient risibles et consternantes, d'autres mesquines, opportunistes, insuffisantes ou incohérentes. Ainsi, l'augmentation de la taxation des boissons sucrées, des alcools fors et du tabac laisse entendre que l'on tolèrerait davantage l'obésité ou le cancer si nos comptes publics n'étaient pas si dégradés. Quel message ! Pire, si cette taxation accrue produit les effets espérés de renflouer les caisses de l'Etat, cela signifiera que les Français auront davantage consommé de produits cancérigènes. Quelle ambition ! Des personnels des parcs à thèmes se sont émus du relèvement de la TVA sur les billets d'entrée de 5,5% à 19,6%. L'effort demandé aux contribuables les plus fortunés est ridicule: une contribution temporaire de 3% des revenus supérieurs à 500.000 euros par an et par part sera demandée l'an prochain. Et la taxation des revenus du patrimoine sera modestement réévaluée de 1,2 point. On est bien loin du grand soir fiscal qu'exigerait la gravité de la situation. Côté dépenses, 500 millions de crédits sont gelés. La seule annonce d'importance fut la reconnaissance officielle que la croissance ne serait pas au rendez-vous des prévisions initiales. Même pour 2012, Sarkozy n'espère plus que 1,75% de PIB supplémentaire. La dégradation du scenario gouvernemental est terrible.
Même à droite, des voix se sont élevées pour critiquer l'insuffisance du plan Sarkozy/Fillon. Sarkozy n'a plus qu'à s'accrocher à sa règle d'or, celle-là même qu'il n'a jamais respectée.
Au passage, Fillon a enterré la réforme de la dépendance, le grand chantier de Sarkozy pour sa dernière année de mandat: « Traiter ce dossier dans le contexte économique et financier que nous connaissons aujourd'hui, dans l'urgence, ne serait pas responsable ».
Il valait mieux, finalement, que le Monarque ne fusse pas là pour commenter ces successions de trahisons.
Mercredi soir, le Monarque a dîné avec ... Jean-François Copé et Brice Hortefeux, juste avant de partir à l'autre bout du monde. La rencontre est curieuse. En pleine crise financière et combats en Libye, il préfère consacrer ses dernières heures à Paris avant un déplacement de 4 jours à parler ... petite soupe politicienne. Le contexte n'a pas fondamentalement changé. L'embellie sondagière, toute relative, de juillet dernier, a été enterrée fin août. A New-York, Dominique Strauss-Kahn était libéré de toute accusation, le juge ayant accédé à la demande d'abandon de charges proposée la veille par le procureur. DSK allait-il revenir polluer la campagne présidentielle ?
Jeudi, Sarkozy s'est fait prendre en photo avec le dictateur chinois Hu Jintao. Ce rendez-vous, ajouté au périple au début du mois d'août, n'a aucun autre objectif que de montrer que la crise est mondiale et que Sarkozy n'y est pour rien. Il refusa de qualifier de rigueur le plan annoncé par son premier des ministres la veille, une « cachotterie puérile, hypocrite ou alors condescendante, mais en tout cas parfaitement inutile » commenta le rédacteur en chef du Point. Vendredi, le Monarque parvenait enfin en Nouvelle Calédonie avec sa flottille d'appareils élyséens. On ne saura que plus tard, après le scrutin de 2012, combien cette escapade électorale nous a coûté. Les longs voyages ont ceci d'intéressants qu'ils permettent de faire des confidences « off » aux journalistes accompagnants. Vendredi, on apprenait ainsi que Nicolas Sarkozy compte se rendre en Libye dès que le colonel Kadhafi sera arrêté. Rappelez-vous, en avril dernier, après quelques semaines de combat, on nous avait déjà promis la venue de Sarkozy à Benghazi.
En Calédonie, Nicolas Sarkozy fut photographié et filmé devant des assistances joyeuses, « triées sur le volet » notait un journaliste de France Info, vendredi matin. Le Monarque dénonça la violence, « ici plus qu'ailleurs », qui avait agité l'archipel au début du mois. L'augmentation de l'insécurité inquiète. Comme prévu, il avait quelques promesses à faire - un renfort de 70 policiers, la création d’un Groupement d’intervention régional (GIR) et son accord de principe pour la construction d’une nouvelle prison. La sécurité, c'est sont ADN politique, n'est-ce pas ? En métropole, son bilan est encore très mauvais. A fin juillet, les violences aux personnes ont encore progressé.
Samedi, Nicolas Sarkozy inaugure les Jeux du Pacifique. Et ?
Ami sarkozyste, où te caches-tu ?