Après quelques semaines de pause, me voilà de retour avec ce nouveau billet consacré à un roman, publié en France en janvier dernier : Primal, du britannique Robin Baker.Robin Baker n'est pas à proprement parler un romancier. Il est d'abord un scientifique, spécialiste de l'évolution et de la biologie sexuelle, connu dans la communauté scientifique pour ses articles et travaux de recherches sur le comportement et les instincts sexuels des humains et des grands singes.L'originalité du livre réside dans le fait que l'auteur devient le personnage-clef fictif, s'inspirant de ses propres recherches pour élaborer un roman singulier qui tente de répondre à la question suivante : que peut devenir un groupe d'humains retenus sur une île déserte, sans abri, sans aide extérieure et bientôt sans vêtements, suite à un incendie du campement ? JC Lattès, 431 pages En juin 2006, un groupe de neuf jeunes étudiants accompagnés de cinq employés de l'Orwellian University de Manchester partent pour une expédition d'un mois sur une île déserte paradisiaque en plein coeur du Pacifique sud. L'opération est dirigée par le Professeur Raul Lopez-Turner, un explorateur et primatologue de renommée mondiale. Ce projet, préparé de longue date, lui tient particulièrement à coeur. A la fin de la mission scientifique, alors que tous attendent leur retour en Angleterre, on perd leur trace, aucune nouvelle des quatorze voyageurs. L'enquête conclut rapidement à un naufrage sans survivants. Plus d'un an après les faits, un paquebot recueille deux des étudiants, dérivant sur un bateau de fortune, hagards et nus, à plus de deux mille kilomètres de l'île sur laquelle ils auraient dû se trouver. Dans le cadre de son enquête, Robin Baker est choisi pour cosigner le livre qui racontera la version officielle de l'histoire, mais en son for intérieur, il est persuadé que la vérité est bien différente de celle présentée par les survivants et que ces derniers veulent cacher coûte que coûte pour des raisons vraisemblablement peu avouables. Afin de se forger sa propre conviction, Robin fera rapidement la connaissance de Ysan, la seule rescapée, susceptible de lui en raconter davantage. Grâce à ses quelques témoignages et à quelques preuves matérielles, l'auteur décèle des failles et des malaises et, de ces contradictions, prend véritablement conscience des difficultés rencontrés par les étudiants, livrés à eux-même. Il découvre avec effroi ce qui s'est réellement passé sur l'île...Mon avis : en se posant en tant qu'écrivain, l'auteur nous propose un roman étrange mais finalement convaincant.Le livre se construit de la manière suivante : la première partie donne le point de vue de la rescapée Ysan, étudiante primatologue laquelle aura une aventure avec le Professeur Lopez-Turner. Agréable à la lecture, cette partie dépeint parfaitement les relations entre les protagonistes en insistant sur le trait de caractère de chacun. La seconde partie, moins intéressante, dissèque les déclarations des survivants pour traquer toutes les allégations posées. L'auteur reprend sa fonction d'universitaire, avance ses théories et construit sa thèse.Essai de vulgarisation ou sorte d'expérience scientifique, l'histoire, aussi riche en suspense qu'en rebondissements, est dérangeante et effrayante car tout à fait crédible. Si le lecteur veut évidemment savoir ce qui est advenu aux différents personnages, le sujet de Primal est d'abord le comportement humain et en particulier le comportement sexuel. De ce combat pour la survie aux instincts démesurés, tous les rapports humains vont être chamboulés car, sans encadrement, sans autorité, sans lois, dans ces conditions particulières, imaginées par l'auteur (certaines scènes très "anatomiques" sont assez crues et peuvent heurter les âmes sensibles), l'individu n'est plus régi par la plupart des interdits sociaux qui caractérisent une civilisation.Un roman qui ne laisse pas indifférent et qui nous pousse à réfléchir. Je vous invite à le lire.