Citoyens !
J’ai une gêne de plus en plus forte à utiliser Twitter ces derniers jours. Une gêne que je n’avais pas ressenti au début (2007) et qui commence à m’agacer à outrance…notamment le mythe énoncé dans énormément de médias et auprès d’énormément de groupes d’activistes :
“TWITTER, C’EST LA CHANCE DE DONNER L’INFORMATION POUR TOUT LE MONDE, EN TEMPS REEL, PARTOUT ET TOUT LE TEMPS”
C’est à la fois vrai…pour une minorité de sujets (séisme, tremblements de terre, guerre médiatisée…) qui concentre une énorme partie d’attention médiatique. Et parfaitement faux pour une majorité de sujets. Surtout, ce n’est pas le nerf de la guerre pour Twitter.
Cornell University et Yahoo Researh rappelaient que “a small minority of users–around .05% of the site’s population–are generating half of all Twitter posts“. De là, 2 conclusions possibles :
- on est un croyant du “two-step flow” cher à Paul Lazarsfeld et on imagine que des “propulseurs” vont pousser les “tweets” d’information auprès de l’ensemble des niches…
- …ou bien on est un cynique et on pense que cette conjoncture n’arrive que très rarement. Car le business de Twitter, ce n’est pas l’information “noble”
A -Twitter est composé d’une majorité d’utilisateurs en petits “clusters” qui ne sont pas en premier lieu concerné par l’information
Linkfluence rappelait “que sur le web, les individus se rassemblent par affinités communes et prennent la parole sur les sujets qui les passionnent, échangeant et faisant communauté autour de ces thématiques. L’influence de même se distribue en fonction de ces sujets, un individu ou un site web n’est pas influent dans l’absolu, il l’est sur un sujet et son pouvoir de prescription ne se réalisera que lorsqu’il l’appliquera à son domaine d’expertise ou d’autorité”. En clair : si je tchatche en ligne, c’est d’abord pour nourrir un bavardage avec des gens comme moi (hypothèse bisounours : nous sommes tous des sociologues et donc nous allons tous porter la science vers l’avant. hypothèse rationnelle : on va parler de la fête de la veille avec son groupe de potes ou commenter en live une émission TV…). Ce qui veut donc dire qu’une majorité d’utilisateurs va suivre de grosses dizaines de personnes maximum, ceci afin de parvenir à garder la main et l’ergonomie pour converser. Un système de SMS amélioré en quelques sortes. Où l’actualité en soi n’est pas la préoccupation principale…
B – En contrepartie de quoi Twitter essaie d’injecter du 2-step flow via les comptes officiels et / ou suggérés et détruirait même la neutralité du réseau, donc l’offre d’informations
Ces logiques de clusters posent un problème à terme pour la valorisation réelle de Twitter : comment faire du business si les “clusters” ou petits groupes d’utilisateurs ne sont pas adressables “verticalement” ? C’est tout l’enjeu des comptes officiels : injecter des verticalités au milieu des groupes d’individus. Certaines fonctionnent plutôt bien (ex : industrie de l’entertainment, médias d’informations…) ; n’empêche qu’on retourne dans une logique d’oligopoles où on réinjecte les “bienheureux acteurs” y compris pure players dans l’expérience quotidienne des citoyens. Et qu’on se le dise : Twitter n’a pas vocation à l’impartialité ni à l’exhaustivité (c’est un business) ce qui pose fondamentalement un problème concernant la qualité de l’accès à l’information. En étant provocateur, Twitter est sans doute un des problèmes (ou symptômes) de la faiblesse du discours sur la neutralité du réseau. “Ce principe exclut ainsi toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau.” Twitter est de fait discriminant car introduit des logiques de CRM : écarter les mauvais payeurs. Écarter les mauvais consommateurs. Valoriser les bons clients et les bons consommateurs aka ceux qui un jour injecteront l’argent.
C- Les clusters n’aiment pas être violemment mis en rapport et réduisent donc le champ des possibles ainsi que les points de vue
C’est aussi un point de vue cynique : rares sont les brillants commentateurs du web qui polluent les newsletters digitales aimant le contact avec des communautés d’auditeurs de Skyrock. Rares sont les clusters pro-palestiniens qui conversent avec bonheur avec des communautés pro-israéliennes. On parle beaucoup de point Godwin : dans le cas de twitter, tout est mis en œuvre pour faire une forme de guerre “preemptive” contre ces clashs.
Twitter, serait-ce le mal ?
A mon sens, non. Simplement d’un point de vue de logique d’influence digitale, Twitter est juste un marais belliqueux, qui ne salit pas les mains mais qui peut pourrir les esprits pour qui sait contrôler ses codes. Un peu comme l’implantation de télégraphes pendant la guerre civile américaine, contrôler les facteurs de propulsion de l’information, c’est contrôler le premier la narration d’un sujet, où simplement parler d’un sujet lui-même. Et s’il n’est pas un marais belliqueux, il est simplement un endroit intéressant pour des passionnés d’échanger quelques bons mots, quelques bonnes ressources…entre autres endroits pour le faire. Il n’est donc pas un endroit où le traitement de l’information serait aidé, ou optimisé. Twitter est un business, un outil. Et seulement ça