Les Petits, donc, puisqu’il faut en parler : un adjectif vaguement substantivé, qui désigne ici, on le saura quand on l’aura lu, exactement la même chose que ce qu’on en comprend au premier abord : des moutards génériques, entrevus, dont on sait tout au plus qu’ils sont nombreux et laineux (précision utile apportée par l’auteur elle-même). Si Christine Angot ne s’est pas donné la peine de les évoquer par un titre un peu moins plat, c’est sans doute qu’au fond, ils n’ont aucune importance. Ils sont absents du livre comme ils sont absents de la vie de Billy, ce qui aurait pu, sans doute, fournir un reflet intéressant de la seconde dans le premier.
L’effet n’y est pas, toutefois, parce qu’il est oblitéré par une autre ingéniosité de scribouillard qui consiste à cacher la narratrice durant toute la première partie pour la faire apparaître subitement au détour d’une page et à la première personne. Toute la glorieuse partialité, tout le défaut de nuances de la première partie s’explique alors sans se corriger: Les Petits reste un livre en noir et blanc, avec une méchante et un gentil. Le mystère de la double et inconciliable vérité du couple est expédié par-dessous la jambe: la vérité de Billy est celle qu’on lit, celle d’Hélène est celle que gobe une administration dont le lecteur est invité à constater l’ineptie – autant dire qu’elle est, tout bêtement, fausse. Bravo pour la subtilité.
Reste qu’au-delà de la platitude du style, du ratage narratif et de l’arrogance que trahit ce titre misérable, Les Petits parle, tout de même, d’un sujet à vous arracher le cœur: la violence faite à un père auquel on enlève ses enfants. On en veut d’autant plus à Christine Angot que cette histoire quotidienne et scandaleuse aurait mérité plus de finesse et plus de soin.
Les Petits, Christine Angot, 2011