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L'odeur du figuier, Simonetta Greggio

Publié le 26 août 2011 par Kenza
L'odeur du figuier, Simonetta Greggio
" L'important, ce n'est pas où on va. L'important, c'est d'aller. De toute façon, nous allons tous vers la même chose."***Quatrième de couverture  Cinq histoires dont le point commun est une odeur de figuier sauvage, une senteur d'été, d'enfance, de nostalgie, un parfum de délicieuse mélancolie, comme une chanson qui ramènerait à une époque oubliée.   Et cette odeur, suspendue sur la vie des personnages, est là pour leur rappeler que la joie est admissible et recevable, qu'elle est tout près, qu'il faut la respirer, y croire, la laisser planer et s'en envelopper.   Italienne, Simonetta Greggio écrit en français. Elle est l'auteur de quatre romans parus chez Stock, La Douceur des hommes, Col de l'ange, Les mains nues, Dolce Vita et d'Etoiles, paru chez Flammarion et traduit dans une dizaine de langues.Editions Flammarion

L'odeur du figuier, Simonetta Greggio

Charles Lucien Moulin,
Baigneuse Aux Figues

Extrait   Tout cela je l'avais vu d'un coup d'oeil; et très vite d'ailleurs, dans un de ces vols prophétiques dont on est parfois acteurs et observateurs à la fois, j'avais embrassé l'histoire à venir d'un coup de coeur, d'un coup d'aile. Et j'avais acquiescé. Regard d'aigle pour tout ça. A croire que je n'ai fait que ça toute ma vie, que je ne sais faire que ça. Si j'avais eu le même goût pour la Bourse je serais une femme nantie, mais mon seul talent est de tout perdre à chaque partie. De laisser mon poker tourner du mauvais côté et de me lever de table de jeu car dehors il fait beau, et subitement j'en ai marre de la fumée, des verres de whisky à moitié vides. Dehors il fait toujours beau quand je m'en vais. Il fait tellement beau que ça ressemble aux jours où on prend la voiture et on roule pour rien, la fenêtre baissée, le bras sur la portière, la radio en sourdine. L'important, ce n'est pas où on va. L'important c'est d'aller. De toute façon, on va tous vers la même chose.  Tout de suite, aussi, il y avait eu cette connaissance de l'autre qui n'est qu'une reconnaissance de soi. Ces deux rides de chaque côté de la bouche, c'étaient les miennes. Ni l'un, ni l'autre nous ne les avions, il y a vingt ans. Ce pli au cou quand on tourne la tête. Le front que nous avions courbé, cette reddition à la vie quand elle  n'était, il y a vingt ans, que triomphe arrogant, insolence ignare. Tout de suite, donc, la tendresse aveugle, entêtée, pour ces années qui avaient griffé nos visages, nos corps. Tout cela nous faisait compagnons d'armes. Je lui souris, et c'était à moi, aux batailles qui m'avaient laissée, somme toute, intacte et joyeuse, que je souriais.  Je ne sais pas ce qui donne au coeur ce battement désordonné, si c'est une simple systole qui se détraque en prévision d'autres chamboulements. Je ne sais pas pourquoi tout d'un coup le sang semble chanter dans les veines, ni ce qui fait que les mains sont gelées et les joues brûlantes, ce qui donne envie de pleurer et de rire à la fois. Je ne sais plus qui a dit que le coup de foudre est une rencontre de deux urgences disponibles.  On n'avait pas grand-chose à se dire. J'ai suivi sa voiture jusque chez lui, je me suis abattue dans ses bras, dans sa bouche, dans son lit, et j'ai su, au réveil - si on peut appeler réveil le fait de rouvrir des yeux murés sur une jouissance qui est comme une souffrance - que j'étais brûlée.

Simonetta Greggio invitée de Pascale Clark, 
jeudi 7 avril 2011 pour la présentation de son recueil de nouvelles: 
L'Odeur du figuier, paru le 6 avril 2011 chez Flammarion.

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