Des officiers français et britanniques ont longuement préparé la bataille de Tripoli, dans le Djebel Nefoussa.
Après avoir armé et conseillé les rebelles, après avoir orienté les frappes aériennes au plus fort de la guerre, les forces spéciales françaises et britanniques se sont-elles lancées à la poursuite du colonel Kadhafi à Tripoli? C'est ce que sous-entend le quotidien britannique The Daily Telegraph en affirmant que des membres des SAS (Special Air Service), qui ont joué «un rôle clé dans la coordination de la bataille de Tripoli», ont désormais reçu pour instruction de se concentrer sur la traque du Guide libyen et de ses fils. Camouflées en habits civils et en tenues locales, ces forces seraient équipées des mêmes armes que les troupes d'opposition libyennes. Et, selon le ministre britannique de la Défense, Liam Fox, l'Otan contribue à cette recherche en fournissant «des renseignements et des équipements de reconnaissance», notamment des avions.
La présence de forces spéciales occidentales en Libye est à la fois un secret de Polichinelle et une évidence. Selon les informations recueillies par Le Figaro, des officiers français et britanniques ont longuement séjourné dans le Djebel Nefoussa - les montagnes de l'ouest -, peuplé de Berbères, qui a apparemment organisé l'offensive finale des insurgés à Tripoli. Ils s'occupaient de planification militaire, servaient d'instructeurs pour aider les rebelles à se servir des missiles Milan qui venaient de leur être livrés et participaient même aux conseils de guerre… Mais pas aux combats.
«Si Londres et Paris n'avaient pas envoyé leurs forces spéciales pour aider les rebelles et leur apprendre le métier, les insurgés ne seraient pas à Tripoli aujourd'hui et la guerre serait loin d'être terminée», commente un officier général français. La plupart des guerres, même celles qui sont limitées à une opération aérienne, sont menées avec l'appui de forces spéciales au sol. Ce fut notamment le cas au Kosovo, où des représentants de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) et du COS (Commandement des opérations spéciales) ont guidé les avions de l'Otan en leur désignant les cibles à abattre. En Libye, il a fallu en plus entraîner les opposants et coordonner la campagne militaire.
Voile opaque
L'action menée par les forces spéciales étant clandestine, il est tout aussi normal que les responsables politiques et militaires maintiennent un voile opaque sur le sujet. D'autant que la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui a autorisé l'intervention contre le régime de Kadhafi, fruit d'un compromis diplomatique, interdit l'envoi de forces terrestres d'occupation sur le terrain libyen. Le Royaume-Uni, la France, les États-Unis et plusieurs pays arabes ont admis avoir envoyé des conseillers militaires auprès du CNT, l'organe politique de l'opposition. Le gouvernement français a également reconnu avoir parachuté des armes aux rebelles du Djebel Nefoussa. «Il n'y a pas de forces spéciales françaises au sol», a pourtant réaffirmé Nicolas Sarkozy jeudi. Chacun sait qu'en zone de guerre, la différence entre un conseiller militaire et un membre des forces spéciales n'est qu'une affaire de sémantique…