Récemment, après une longue interview quand on le questionna sur son prochain projet, le directeur de cinéma octogénaire jean Luc Godard raconta son dernier scenario – une étrange histoire nommée « Adieu au langage », joué par un couple et plus principalement un chien - à un journaliste britannique envoyé et faisant le jeu de mot avec le journal que représentait ce dernier, de « gardien du cinéma ». Un tel cadeau provoqua sur son destinataire une stupeur difficilement descriptible qui doutait alors entre se sentir flatté comme jamais ou s’affliger de voir la légende vivante de la culture de ces dernières décennies réduite à la condition de colporteur.
Bien sûr c’était peut être la dernière constatation du peu d’intérêt que Godard, un des plus grands représentants historiques du cinéma d’auteur, porte à la renommée : « il fut un temps où nous pensions être les auteurs, mais nous ne l’étions pas. La vérité, c’est qu’on ne savait rien. Le cinéma est mort. C’est triste que personne n’essaie de l’explorer. Mais qu’y ferons nous. D’un autre côté avec les téléphones portables et autres, maintenant, tout le monde est auteur.”.
Ou peut être que, comme il le dit lui même, sustenté par une critique féroce, pénétrante et insistante au concept de copyright de la société capitaliste mise en évidence dans le film « Socialisme », son dernier, étrange, beau et difficile long métrage, le cadeau aurait à voir avec une certaine perte de la foi en la vérité du cinéma incapable bien souvent de changer l’ordre dans le quel se présente le début, la moitié et la fin des histoires qui s’y racontent. D’autre part peut être que de nos jours il n’est pas vraiment facile de continuer à dire que la photographie est réelle et le cinéma est vrai 24 fois par seconde.
En 1947 le philosophe marxiste français Henri Lefebvre publie « la critique de la vie quotidienne » un livre d’une extraordinaire influence qui face a l’aliénation humaine de la nature, la société, le travail et la vie quotidienne canalisée par le capitalisme défendait comme objectifs révolutionnaires auxquels on ne peut renoncer le besoin d’inspiration rimbaldienne de transformer, réinventer et recréer la vie de façon ludique et joyeuse dans ses plus petits et courants détails.
Rien n’a certainement plus contribué à la tache que les premiers films de Godard, dans certains desquels c’est avec la vie, Paris qui est sans cesse recréée et réinventée, ou sous la forme des rues ensoleillées de la ville dans à bout de souffle, les labyrinthes de la science fiction urbaine dans « Alphaville » les séducteurs de couleurs dans « une femme est une femme », ou les inoubliables voyages poétiques en métro, les silences et les danses au bistrot et la poursuite frénétique dans le Louvre avec l’objectif, réussi pour quelques secondes, de battre le record de la visite au musée, détenu jusqu’alors par untel Jimmy Johnson de San Francisco en neuf minutes et quarante cinq secondes, dans « Bande à part ».
Paul Oilzum