Mon premier souvenir du comédien me transporte dans une salle de l’UGC Ciné Cité Bercy alors que j’avais 17 ans. C’était la Fête du Cinéma 1999 et je venais de passer le bac quelques jours plus tôt. La salle était bondée de lycéens qui comme moi se détendaient en attendant les résultats devant une délicieuse série B américaine pas chère (les cartes illimitées n’existaient pas encore), The Faculty. Hartnett y campait le beau gosse mystérieux du film de Robert Rodriguez, plus charismatique que les autres. Je me souviens m’être régalé devant cette invasion extraterrestre dans un lycée américain, même si le soulagement de voir le bac derrière moi a certainement joué (ironiquement, le film était distribué par Bac Films, et à la vision du logo de la compagnie à l’écran, une partie de la salle avait hurlé « Naaaaaan, c’est finiiiiiiii ! »).
C’est dans cette mouvance de série B léchée et trippante que Josh Hartnett s’est montré le plus convaincant dans sa carrière jusqu’ici, dans le polar, dans la SF, dans le fantastique. The Faculty, donc, mais aussi Sin City (toujours de Rodriguez), Slevin, 30 jours de nuit. Et même Le dahlia noir de Brian de Palma, pas vraiment une série B, et pas vraiment un film réussi, mais du noir, du mystère et de la séduction dans lesquels Hartnett évoluait plutôt bien même s’il était trop jeune pour le rôle. C’est le Josh Hartnett de ces films là que j’apprécie le plus. Bien sûr il n’a pas fait que ces films-là. On l’a aussi vu dans des comédies oubliables (Potins mondains et amnésie partielle, 40 jours et 40 nuits, Hollywood Homicide), et Hollywood a évidemment voulu en faire un membre de la A-list en lui offrant des premiers rôles de blockbuster guerriers, Pearl Harbor et La chute du faucon noir, dans lesquels Hartnett est loin de s’être révélé à l’aise. Mais ce n’est pas parce qu’une belle gueule n’a pas les épaules pour les blockbusters que sa carrière est foutue, et depuis 2005 et Sin City, Hartnett semblait enclin à explorer le film noir et un cinéma de genre qui lui sied bien.
Le signal d’alarme a été déclenché lorsque j’ai carrément vu son nom apparaître au générique d’un film, qui devrait prochainement entrer en tournage, dont les autres rôles principaux sont tenus par… Christophe Lambert et Billy Zane. Et ce dernier y campe même le Diable himself. Josh Hartnett dans une série B avec Billy Zane en Diable. J’ai beau adorer Christophe Lambert, mais on sait bien que ses films américains sont des plaisirs coupables et rien d’autre, alors il y a quelque chose qui cloche dans la présence de Hartnett sur ce projet. Comme si quelque chose était mort. Une étincelle qui s’est éteinte. Je me souviens de Josh Hartnett et sa coupe 70’s dans Virgin Suicides de Coppola. Je me souviens de son élégance toute sombre de Sin City. Peut-être Bunraku, qui a l’air totalement fou et sort bientôt aux États-Unis, réveillera ce qui s’est éteint dans la carrière d’Hartnett. Peut-être le film avec Billy Zane l’enterrera-t-il définitivement. Bon sang, que t’est-il arrivé, Josh ?