En faisant du héros de sa série un voyageur temporel, Christin ne fait pas preuve d’une grande originalité. Une quinzaine de siècles séparent Valérian le visiteur venu de l’espace et Laureline, jeune paysanne du Moyen-âge. Après leur rencontre, ils deviennent une sorte de « patrouille du temps ». Au fil de leurs aventures, ils abordent des planètes mystérieuses où règnent guerre, rapport de force ou oppression et finissent toujours par faire y triompher la justice. En tout, Christin et Mézière ont créé plus de 80 planètes et une centaine de races extraterrestres.
La richesse de l’univers de Valérian et Laureline est telle qu’elle a eu une influence majeure sur le cinéma. En 1977, lorsque sort La guerre des étoiles, Mézière a l’impression de découvrir une adaptation de sa BD sur grand écran. Jamais pourtant le studio LucasArts ne reconnaîtra un quelconque lien de parenté. Mézière, magnanime et philosophe, sait que tout créateur se nourrit d’influences. Après tout, le fait que les designers de Star Wars aient « pillé » son œuvre constitue le plus beau des hommages. Et puis justice lui sera rendue en 1997 avec la sortie du Cinquième élément de Luc Besson auquel il a profondément collaboré (les taxis volants du film, c’est lui !).
La filiation Star Wars / Valérian est plus qu'évidente !
(extrait du 1er volume de l'intégrale parue chez Dargaud en 2007)
Avec Valérian et Laureline, Christin et Mézière font figure de pionniers de la SF en bande dessinée. Leur série n’a cessé d’évoquer les grands changements du monde contemporain à travers le prisme d’un imaginaire foisonnant. Ecologie, féminisme, totalitarisme, anti-militarisme, ils ont pu partager leurs convictions avec leurs lecteurs sans jamais tomber dans le prosélytisme. Avec plus de 2 500 000 exemplaires vendus cette série est forcément devenue un classique. D’ailleurs, depuis 1967, les prénoms des deux héros, totalement inventés par les auteurs, ont été donnés plus de 4000 fois ! C’est dire si toute une génération a été marquée par les aventures de ces deux agents spatio-temporels.
Plus grandes forces de cette série :
- La richesse infinie de l’univers présenté. Grâce à la téléportation, les deux héros visitent l’infinité du cosmos et rencontrent un foisonnement inépuisable de formes vivantes. En présentant la faune, la flore, la civilisation et les problèmes spécifiques de chaque étoile, les auteurs donnent une incroyable épaisseur à chacun de leur récit.
- Le fait que chaque album propose une histoire radicalement différente de la précédente : impossible de s’ennuyer et d’avoir une impression de déjà-vu tellement les thématiques, les environnements et les personnages secondaires changent d’un album à l’autre.
- Laureline bien sûr ! Depuis Barbarella, on n’avait pas vu un personnage féminin aussi magnétique en bande dessinée. Traitée comme l’égale du héros masculin, cette femme mutine, gironde, alliant la grâce et l’esprit, est un modèle de non-conformité. Et puis ses tenues parfois très affriolantes auront affolé les sens de plus d’un lecteur. C’est aussi sans doute le seul personnage de la BD franco belge pouvant se vanter d’être apparue quasiment nue dans un numéro de Playboy en 1987.
- Le fait que la série soit terminée. Bien sûr, on ne peut que féliciter les auteurs d’y avoir mis un terme avant de faire l’album de trop (il y en a tellement d’autres qui devraient en faire autant !), mais quand même, difficile d’imaginer que l’on ne découvrira plus jamais une nouvelle planète avec Valérian et Laureline.
- Les couleurs psychédéliques trop agressives des premiers albums. La coloriste Évelyne Tranlé, sœur de Mézière, est une pointure en la matière qui a notamment œuvrée sur des séries telles que Blueberry ou Philémon mais pour Valérian, je trouve la colorisation franchement indigeste.
- Le virage pris par la série avec le 11ème album, Les spectres d’Inverlochs. A partir de ce titre, les auteurs tentent de justifier les paradoxes spatio-temporels qui frappent leurs héros et se prennent un peu les pieds dans le tapis. Rien de bien grave mais l’on a parfois l’impression de naviguer à vue. Heureusement, le tout dernier album (le 21ème) apporte une réponse définitive aux questionnements métaphysiques qui ont embrumé l’esprit de plus d’un lecteur.
Carte d’identité de la série :
Auteurs : Jean-Claude Mézière et Pierre Christin
Date de création : 1967
Nombre d'albums : 21 (série terminée)
Éditeur : Dargaud