Laureline Dupont de Marianne a constaté à peu près les mêmes choses que moi : il y a une comptabilité presque parfaite entre les propositions de Bayrou et celles de Borloo. En fait, elle va même plus loin que moi : elle pense que Borloo a lu Bayrou. Les centristes sont généralement gens pragmatiques, et cela ne m'étonne guère qu'ils se rejoignent dans nombre de domaine. En ce qui concerne le transfert de la protection sociale sur la TVA, je rappelle même que Borloo avait fait la proposition en juin 2007 ce qui avait eu le don de provoquer l'ire de l'UMP et de Nicolas Sarkozy. On y arrive pourtant.
Je l'ai déjà dit ici, s'il n'y avait François Bayrou, je voterais sans doute pour Jean-Louis Borloo.
Non, ce qui me gêne avec Borloo, ce ne sont pas les idées. C'est la crédibilité. Il avait l'occasion, en 2007, de soutenir le programme de l'UDF et de Bayrou qui était peu ou prou ce qu'il défend à l'heure actuelle. Il avait même reçu une lettre de supplication de la plus grande partie des cadres du Parti Radical ainsi que des jeunes radicaux. Il n'en a rien fait. Je le redis, son rôle dans l'affaire Tapie et ses relations avec l'individu m'inspirent la plus grande méfiance. Je n'ai pas observé d'impact significatif de sa part dans le gouvernement Fillon depuis 2007. En revanche, j'ai bien pris note que c'est son recalement qui sa sonné pour lui l'heure de la charge contre son ami Nicolas.
Plus fâcheux : Jean-Louis Borloo, à l'inverse de François Bayrou, annonce par avance son ralliement non à une majorité d'idées, mais à une majorité politique, puisque d'ores et déjà, c'est l'UMP qui bénéficiera de son appel à report au second tour.
C'est triste. Borloo et Bayrou se barrent la route l'un à l'autre. Hélas, les centristes authentiques le savent, et Arthuis l'a finement observé : sans indépendance, pas de crédibilité. Je connais Bayrou. Il est sincère. Tout son livre est orienté vers la volonté de créer un arc politique central. C'est cette majorité d'idées qui l'intéresse et non sa personne comme sont toujours pressés de le déclarer les zélotes qui font profession de l'enfoncer. Si Borloo faisait le choix de l'indépendance (mais il en est incapable) je pense que Bayrou serait prêt à s'effacer pour laisser au meilleur centriste et à la démocratie sociale les chances de réaliser le score le meilleur.
En tout cas, je me réjouis de ce que les idées de Bayrou fassent leur chemin. Sur la dette, par exemple et la nécessaire réduction des déficits. Il fait le bon choix en décidant de soutenir la Règle d'or. 60% des Français en approuvent d'ailleurs le principe.
Aussi bien Borloo que Bayrou ont raison en admettant de longue date le principe de se ranger à une TVA (Borloo) ou une CSG (Bayrou) sociale pour financer notre protection. A gauche, on se couvre de ridicule en jurant que les riches paieront. C'est en dizaines voire en centaines de milliards que se chiffrent nos besoins de financement pour notre protection sociale. Taxer les 80 000 Français les plus riches ne rapporte pas même 1/2 milliard de dollars. On peut bien sûr (il le faut) réduire le train de vie de l'État, mais il va falloir trouver autre chose que le seul non-remplacement des départs à la retraite. Comme l'observe François Bayrou, dans son 2012 État d'urgence, dans l'Éducation Nationale ils n'ont pas même rapporte le demi-milliard.
La réalité est en fait la suivante : pour combler nos déficits, soit il faut sabrer très sérieusement nos dépenses, c'est à dire appliquer des recettes néo-libérales dans toute leur rigueur, soit taxer la richesse comme des brutes, comme le prône la gauche de la gauche. Dans les deux cas, on obtiendrait des résultats catastrophiques, soit dans le domaine social soit dans le domaine économique.
Quand aux solutions souverainiste et nationaliste, elles explosent le connomètre : se retirer de l'euro et laisser galoper l'inflation ou créer de la monnaie à tire-larigot c'est un billet aller sans retour vers la ruine de notre pays à commencer par les petits épargnants qui par sécurité ont pris des bons du trésor et autres obligations d'État. Il ne suffit pas de faire des dessins sur un joli morceau de papier pour régler une dépense : il faut que le morceau de papier soit assis sur une crédibilité (industrielle, économique, financière, budgétaire) mais ce léger détail ne semble pas avoir frappé plus que cela nos souverainistes.
Bref, Bayrou a inventé un concept politique intéressant, il y a un an : l'espoir crédible. Je pense que c'est le créneau naturel du centrisme et de la démocratie sociale, dont il est lui-même le réprésentant le plus crédible, n'en déplaise à Borloo et ses partisans. C'est dans cette niche (pas fiscale) qu'il faut s'engouffrer et tenter de l'élargir. Enfin, je ne crois pas qu'il faille compter sur l'UMP (comme le fait Borloo) ou le PS (comme le pensent certains militants du MoDem) pour mener cette politique. *
Il n'y a d'espoir qu'au centre de l'Échiquier politique et c'est ici que se joueront exclusivement les coups gagnants...