"Sortir de la crise" : François Hollande face à la presse

Publié le 25 août 2011 par Letombe

A l'issue de la rencontre des experts économiques et de l'équipe de campagne, le 24 août, François Hollande s'est exprimé devant la presse pour rendre compte de la teneur de cette séance de travail.


Conférence de presse "Face à la crise" 24 août... par blog_francoishollande Je souhaitais tenir cette réunion, dont j’avais fixé la date il y a plusieurs semaines, parce que je sais le contexte dans lequel l’élection présidentielle va se tenir dans quelques mois. Ce contexte, à bien des égards, est exceptionnel. Jamais, sûrement la gauche n’a préparé une telle échéance dans une situation qui cumule quatre phénomènes aussi préoccupants :
La crise financière d’abord. Celle qui a éclaté en août 2007, c’est-à-dire au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, et qui ne sera pas terminée à la fin 2011, c’est-à-dire à la fin du mandat du président sortant. Crise qui est à la fois longue, globale, structurelle, qui touche la zone euro et mais aussi les Etats-Unis d’Amérique. Crise qui épargne en revanche les pays émergents et qui crée donc une double instabilité; une instabilité financière et une instabilité économique.
Le deuxième phénomène, c’est une croissance ralentie. Les prévisions du gouvernement pour 2011 sont déjà contredites : il n’y aura pas 2% de croissance cette année, et l’année prochaine il va bien falloir réviser l’objectif que le gouvernement imaginait, une croissance de 2,5%.  Mais cela vaut aussi pour nous. Nous n’avons certes pas les moyens aujourd’hui, au moment où je vous parle, de rehausser le taux de croissance. Nous sommes dans l’opposition. Mais au mois de juin 2012, si la victoire est obtenue, nous aurons essentiellement les conséquences des choix qui ont été faits avant nous. Donc il va falloir appréhender une croissance ralentie en 2012, avec ce qu’elle exigera, c’est-à-dire un rééquilibrage encore plus conséquent des comptes publics compte tenu des pertes de recettes.
Le troisième phénomène, c’est la dette publique, qui a doublé en 5 ans et un déficit qui reste encore largement supérieur à 5,7% du PIB. Nous sommes dans une situation où, quelles que soient nos ambitions sur le plan social, nous sommes conscients qu’il faut redresser les finances publiques. A cet égard, je veux dissiper un malentendu : on n’efface pas les dettes publiques en inscrivant dans la constitution une règle d’or. Ce serait évidemment commode s’il suffisait d’inscrire dans un texte fondamental qu’il n’y a plus de déficit pour qu’il disparaisse. Mais c’est l’illusion des enfants qui pensent qu’il suffit de disposer d’un carnet de chèque pour être riche ! Il va falloir prendre des décisions, faire des choix, et avoir des perspectives.
Le quatrième phénomène est à l’œuvre depuis de longues années : c’est le creusement des inégalités, avec une disparité entre les très hauts revenus et tout le reste de la société. Au point que nous vivons une situation qui si nous n’étions pas dans cette période serait presque comique, de voir les plus grandes fortunes de France faire une manifestation, adresser des suppliques au président de la République, écrire des pétitions pour payer des impôts. Les plus riches de France veulent maintenant contribuer davantage ! Comment en est-on arrivés là ? Il a donc fallu qu’il y ait des cadeaux fiscaux à ce point choquants, y compris pour les bénéficiaires, pour qu’ils en arrivent maintenant à cette position de demander à payer davantage. Ils ont sûrement un principe de précaution à l’esprit en se disant que s’ils en font eux-mêmes la suggestion, peut être que la contribution sera moins lourde. Nous voyons bien qu’il y a eu une explosion des hautes rémunérations et une multiplication de cadeaux fiscaux qui ont conduit le gouvernement et le président sortant à revenir sur un certain nombre de choix qui avaient été sa marque durant la campagne de 2007.
Après avoir fait  le constat de ces 4 phénomènes qui se trouvent devant nous : crise financière, croissance ralentie, déficits menaçants et des inégalités criantes, j’en arrive aux solutions.
D’abord, une part des solutions réside dans la zone Euro. La France a une responsabilité particulière. Parce que nous sommes un des pays fondateurs de la zone, un des pays les plus forts économique en Europe avec l’Allemagne, un pays qui peut avoir –avec d’autres- la solution pour mettre fin à cette instabilité.
Comment ? Une des voies –ce n’est pas la seule-, au-delà du gouvernement économique, au-delà du Fonds de stabilité financière qui doit être encore renforcé, la responsabilité de la BCE de racheter un certain nombre obligations d’Etats italiennes ou espagnoles. Le rôle et l’instrument que doit avoir à sa disposition une autorité en Europe, ce sont les Eurobonds, les euro-obligations. Les chefs de gouvernement pourraient reculer de quelques mois le recours à cette solution, mais ils y viendront. Et la responsabilité de Nicolas Sarkozy est grande : lors de la dernière rencontre avec Angela Merkel, nul ne l’obligeait à parler des Eurobonds  s’il y avait un désaccord. Son erreur a été d’en parler et d’avoir exprimé un doute sur l’utilité et l’efficacité des Eurobonds. Chacun savait les réserves de la Chancellière et de sa majorité de coalition au Bundestag sur la question, mais nous savions aussi qu’il y avait intérêt à insister sur la possibilité des Eurobonds. Lorsque Nicolas Sarkozy a émis ses doutes sur ces euro-obligations, il a cédé, gravement cédé, abdiquer même par rapport à la position française. La solution, c’est aussi au plan européen d’avoir économique digne de ce nom, et pas simplement un président du conseil européen qui vienne deux fois par an présider le Conseil. Il y a une course de vitesse engagée entre les marchés qui agissent au quotidien et le politique, et il faut que le politique puisse aussi agir au quotidien.
J’en arrive aux solutions françaises. La première des solutions pour affronter victorieusement les phénomènes dont j’ai parlé, c’est la croissance, qui doit être la première exigence du prochain président de la République. La croissance peut mettre du temps avant de retrouver son rythme, mais encore faut-il que les premières décisions permettent de retrouver un cheminement vers une croissance plus intense et plus rapide.
La première politique, c’est l’éducation, c’est la formation. Nous devons en faire une priorité et ainsi faire retour sur ce que doit être un budget de l’éducation, c’est-à-dire la sanctuarisation de ces moyens voire même un ajout. Mais aussi un changement dans l’organisation, dans la formation des enseignants, de leur place dans le système éducatif, ainsi que dans la répartition des moyens. Il y a la question de l’université elle-même, dont nous devons faire un point d’appui. Pas seulement pour des raisons sociales, mais pour des raisons économiques.
Nous avons constaté ce matin la dégradation des notes de la France. Je ne parle pas du AAA, mais peut-être d’une note encore plus importante : la note du système éducatif. Une dégradation de nos performances et l’aggravation des inégalités nous poussent à faire de l’éducation l’une des priorités du prochain quinquennat.
Deuxième levier de la croissance, la croissance verte : c’est-à-dire utiliser tout ce que la transition énergétique et écologique exige pour avoir de nouveaux secteurs de développements, de nouveaux produits à promouvoir et de nouveaux investissements à engager.
Troisième levier, c’est l’investissement : il n’y a pas de retour de la croissance sans investissement productif. Tout notre système fiscal doit être réorganisé par rapport à cette condition. Nous devons harmoniser les taux d’imposition des sociétés pour que les PME puissent être véritablement stimulées., que l’innovation soit encouragée, et nous devons faire en sorte que les cotisations sociales, le financement de la protection sociale et des collectivités locales puissent être favorables aux entreprises les plus exposées à la concurrence internationale.
Toujours dans l’idée d’une croissance plus forte, il faut que nous aménagions différemment nos territoires. La décentralisation ce ne sont pas simplement des pouvoirs pour les élus ; c’est une organisation qui va nous permettre d’être plus efficaces, plus dynamiques dans nos régions, nos villes et nos départements pour intervenir en matière d’emploi et d’activité économique.
La première des réponses, c’est la croissance. C’est même la réponse principale. Car de la croissance dépendra le retour aux équilibres budgétaires.
C’est le second principe : la vertu, la responsabilité budgétaire. Nous avons un cap pour 2013 : arriver à 3% de déficit. Mais nous n’aurons pas terminé fin 2013, et c’est la raison pour laquelle nous ferons voter une loi de finances publiques pour qu’à la fin du prochain quinquennat nous soyons à l’équilibre, autour de l’équilibre. Cela dépendra aussi de la croissance, mais nous devons montrer cet engagement car le désendettement est une condition de notre propre réussite Pour y parvenir il faudra des réformes structurelles, dans l’organisation de l’Etat, dans l’évaluation des politiques publiques et de la réforme fiscale.
La réforme fiscale a trois enjeux : améliorer le rendement de l’impôt, y compris dans la lutte contre la fraude et l’efficacité des prélèvements avec un élargissement de l’assiette. La réforme fiscale doit être tournée vers l’efficacité du système productif, elle doit contribuer à l’égalité et à la lutte contre les injustices. A cet égard, il y aura une réforme structurelle des impôts directs et indirects, et enfin de la fiscalité verte.
Troisième principe que j’ai commencé à esquisser, c’est la justice : les Français considèrent aujourd’hui qu’aucun effort ne peut être consenti avec de telles inégalités, aucun sacrifice ne peut être accepté dès lors que les favorisés s’en sont largement exonérés. L’enjeu de l’égalité n’est pas de punir ceux qui auraient réussi –ce serait absurde, mais de préserver la cohésion sociale et la croissance. Les pays développés qui ont le mieux réussi ces dernières années en matière de croissance sont précisément ceux qui ont gardé un haut niveau de cohésion sociale. C’est signe aussi d’une négociation politique.
C’est pourquoi je peux en venir à ce qui va sans doute être annoncé ce soir, je n’en connais pas le détail : on nous parle d’un nouveau rabotage de niche fiscale, d’une remise en cause des exonérations de cotisations pour les heures supplémentaires, et même d’une contribution exceptionnelle des plus riches. Bref, on a l’impression qu’il ne restera rien du paquet fiscal voté au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy.
   Nous pourrions crier victoire, il y aurait de quoi : voir autant de redditions, de reniements, de renoncements au terme d’un quinquennat. Est-ce vraiment la peine que le président sortant se représente !? S’il nous promet une nouvelle politique, nous sommes pratiquement sûrs qu’il ne la tiendra pas. Et s’il nous promet le meilleur, il fera le pire : nous en avons déjà fait le constat. Il y a dans cette annonce qui va venir finalement davantage de bricolage que de cohérence. Davantage de renoncement, sans doute, que d’imagination. Mais ce que nous considérons comme le plus grave, c’est qu’il n’y a pas de cap, pas de stratégie. Il y a de l’improvisation parce que les circonstances l’exigent. On rabote telle ou telle niche sans véritablement remettre en cause l’ensemble du dispositif. On touche partiellement au système des heures supplémentaires sans rien revoir de ce qui devait être un système incitatif pour l’emploi. On maintient les exonérations de toute nature sans tenir compte de leur manque d’efficacité. On envisage une contribution exceptionnelle pour les plus hauts revenus –avec une conception d’ailleurs limitée des très hauts revenus : c’est à partir d’1 million d’euros que l’on pourrait avoir ce statut, ce qui limite le nombre. Ce n’est pas véritablement spoliateur.
Eh bien non. Il faudra faire tout le contraire. Plutôt que du bricolage, il faudra de la cohérence. Plutôt que de l’inconstance, de l’obstination. Plutôt  que de l’injustice, en définitive de l’équité. Nous aurons besoin de changer de politique pour réussir. Et ce qui sera sans doute annoncé ce soir, c’est finalement un expédient de plus par rapport à une politique qui a échoué. L’heure n’est plus à rapetisser ce qu’a pu faire Nicolas Sarkozy pour avoir plus d’efficacité dans mon propos, ni d’ouvrir une polémique à l’heure ou nous pensons à l’intérêt national. Mais il est l’heure de considérer que c’est si grave pour notre pays que l’on ne peut pas tenter de demi-mesure, de mesures improvisées et de mesures sans lendemain. François Hollande