Le temps des reprises

Par Borokoff

A propos de La fête du feu d’Asghar Farhadi 3.5 out of 5 stars

Hedieh Tehrani, Hamid Farokhnezhad

Rouhi, une jeune femme heureuse à l’idée de se marier prochainement, est embauchée pour faire le ménage chez un couple de Téhéran le jour du Chaharshanbe-soori, fête qui célèbre le dernier mercredi de l’année en Iran. Mais à sa grande stupéfaction, elle découvre un couple en pleine crise conjugale et une épouse à bout de nerfs qui soupçonne son mari d’adultère avec la voisine. Rouhi mène alors sa petite enquête…

Premier long métrage du réalisateur iranien, La fête du feu (2007) met déjà en place les éléments caractéristiques du cinéma d’Asghar Farhadi : soit un couple relativement aisé en crise, un mari dont on se demande s’il ment ou plutôt ne dissimule pas la vérité et une femme de ménage qui s’arrange avec la réalité et les découvertes qu’elle a faites.

Comme dans Une séparation, La fête du feu est construit comme une enquête minutieuse menée par une apprentie inspectrice en la personne de Rouhi (Taraneh Alidousti, qui jouait Elly dans A propos d’Elly), à la fois « commère », fouine et la petite souris qui se faufile chez la voisine pour mener ses propres investigations sans qu’on ne lui ait rien demandé.

Taraneh Alidousti

Partant d’une intrigue à priori anecdotique, Asghar Farhadi parvient, sur fond d’étude et d’observation des moeurs de la société iranienne, à rendre l’intrigue passionnante, le suspense haletant. Il faut dire qu’il peut compter (comme souvent) sur des acteurs extraordinaires en la personne d’Hamid Farokhnezad (le mari) et Hedieh Tehrani (l’épouse), souffreteuse et l’air épuisé mais qui évite le masque de la tragédienne.

Plantant sa caméra au milieu du décor, Asghar Farhadi immerge le spectateur en plein dans la tourmente de ce couple qui se déchire devant leur fils comme se déchiraient les deux couples dans Une séparation. Mais La fête du feu (2007) ne doit pas sa réussite qu’à sa mise en scène ni à ses acteurs, brillamment dirigés.

Car pour faire sortir ce fait divers et cette histoire supposée d’adultère de leur dimension banale ou déjà vue, Mani Haghighi et Asghar Farhadi ont construit leur scénario comme un quasi-thriller où l’on ne sait pas jusqu’au bout si le mari est coupable ou non d’adultère ou si ce n’est pas son épouse qui, prise de paranoïa aigüe, affabule jusqu’à s’en rendre malade.

Dans ses dialogues, dans la rigueur de sa construction, dans les subtils rebondissements de son intrigue, le scénario de La fête du feu est un modèle du genre. En Iran, les gens célèbrent le Chaharshanbe-soori par des feux qu’ils allument dans la rue, sautant par dessus en criant Zardie man az tou Sorkhie to az man (« Je te donne ma couleur jaune, tu me donnes ta couleur rouge -celle du feu- ») pour conjurer le mauvais sort et éloigner la mauvaise fortune.

Ce prétexte donne lieu à l’une des plus belles scènes du film : dans sa voiture, le mari accompagné de son fils et de la femme de ménage, se retrouve littéralement assiégé par les pétards et les feux d’artifices qui embrasent les rues de Téhéran.

Alors on pourra toujours déceler quelques maladresses dans ce premier film, quelques incompréhensions comme cette scène superflue avec le mari de la voisine qui dort dans sa voiture la nuit du Chaharshanbe-soori. On pourrait dire aussi que le film a déjà vieilli, qu’une femme de nos jours qui soupçonnerait son mari d’adultère ne chercherait pas à sentir le parfum d’une autre sur le corps de son mari mais irait simplement fouiller dans sa boîte mail. Mais après tout, le couple de La fête du feu est d’une autre génération, déjà dans la quarantaine…

Quant à nous, spectateurs, on est bien impatient de voir le prochain épisode…

www.youtube.com/watch?v=3IqDqqTt1_o

Film iranien d’Asghar Farhadi, avec Hedieh Tehrani, Taraneh Alidousti, Hamid Farokhnezhad (01h44, 2007)

Scénario : 4 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars

Acteurs : 4 out of 5 stars

Dialogues : 4 out of 5 stars