De vrais enjeux
Les journaux l’ont rappelé, 2,3 millions d'enfants auront été accueillis cet été dans des structures collectives de loisirs, les accueils collectifs de mineurs. Ils y ont été encadrés par quelques dizaines de milliers d’animateurs, professionnels ou occasionnels. Première anomalie : pour le même ‘travail’, deux statuts, deux rémunérations, mais aussi deux réalités : d’un côté, des techniciens éprouvés par de solides formations, de l’autre, des volontaires quasi-bénévoles, engagés dans un esprit de service au nom de valeurs et d’un esprit citoyen. Tableau idyllique...
En réalité, le statut d’engagé éducatif s’est banalisé, permettant aux organisateurs de fragiliser l’emploi et de traiter de manière précaire aussi bien les techniciens que les volontaires, et commodément : au nom des valeurs qui les anime. Mais aussi pour faire face à la réduction drastique des subventions et aides à l’emploi : « prenez donc des services civiques ou des CEE ! ». Cette situation est celle du secteur associatif, qui fournit le loisir de proximité. On entend pourtant aussi les plaintes du secteur marchand. Il faut pourtant bien mesurer l’écart entre l’aide aux devoirs à la maison de quartier des séjours touristico-linguistiques vendus 2500 la semaine aux comités d’entreprises…
Une fois de plus, on va traiter un symptôme, mais pas la maladie. Le conflit généré par le statut des animateurs n’est pas celui de leurs conditions de travail. Il est celui du modèle ‘colos d’antan’, où le grand s’occupe des petits, et où l’on s‘enrichit beaucoup mutuellement, mais pas en euros sonnants et trébuchants. Banalisé, ringardisé, et discrédité sous couvert d’arguments sécuritaires, ce modèle est pourtant revendiqué par des vendeurs de loisirs qui en utilisent les codes et les dérogations pour assurer leur rémunération.
Rappel : créé en 2006, le contrat d’engagement éducatif peut être proposé par des collectivités, des associations mais aussi des entreprises privées si elles proposent un accueil collectif de mineur à caractère éducatif. Il est certainement indispensable de se poser la question de la réalité du caractère éducatif de certaines propositions… (mais comment faire avec une administration jeunesse & sports disloquée ?) et de limiter l’usage d’un statut dérogatoire au secteur non marchand.
Une démarche citoyenne à valoriser
Vous me traiterez de doux rêveur… Mais j’y crois ! Oui, pour moi, pour des gens qui m’entourent et travaillent à mes côtés, l’engagement éducatif existe : échanger ses vacances contre des rires et des jeux, des nuits courtes et des efforts imposés au nom du bonheur partagé peut être une démarche volontaire. Et cet engagement rime avec compétences.
Compétences à donner, et compétences à construire. Et c’est une première proposition à étudier : comment valoriser dans le parcours professionnel cette démarche généreuse ? Il y a quelques étés, en Loire-Atlantique, Nicolas Sarkozy parlait d’une conversion en ‘crédits’ à l’université. Bonne idée ! Pas relevée… Et pourtant. J’ai moi-même encadré durant toutes mes études de nombreux séjours. Cela pourrait renforcer l’intérêt du BAFA pour les jeunes. Il conviendrait simplement d’en valoriser l’investissement de manière plus appuyée.
Reconquérir la dimension éducative
On a jamais autant parlé d’Éducation populaire. Et pourtant, les colos d’aujourd’hui ressemblent plus à des vacances pour adultes miniatures, qui font trembler les monos au moment des questionnaires de satisfaction. J’ai lu des remarques de formateurs… Au nom de la sécurité, nous avons cédé : les formations BAFA et BAFD ont perdu leur dimension humaine pour devenir des stages commandos destinés en 8 jours à former des experts en réglementation et à mettre du plomb dans la tête de jeunes toujours plus irresponsables. Et ils réclament toujours plus de techniques, toujours plus de règles…