David Foenkinos, écrivain français est né en 1974 à Paris. Il étudie les lettres à la Sorbonne, tout en se formant au jazz, ce qui l'amène au métier de professeur de guitare. Son premier roman est publié en 2002 chez Gallimard. Il est aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs écrivains de la nouvelle génération. Son nouveau roman, Les Souvenirs, vient tout juste de paraître.
Le roman débute par un regret, alors qu’il assiste son grand-père durant ses derniers instants, Patrick le narrateur constate « je voulais lui dire que je l’aimais, mais je n’y suis pas parvenu ». Le personnage central du livre a du mal à communiquer et il n’est pas le seul, les autres personnages du roman se parlent peu ou avec difficultés, n’ayant rien à se dire ou n’osant pas s’exprimer, ses parents les premiers. Dans ce contexte on ne s’étonne pas que Patrick soit un solitaire et un sentimental sans petite amie, un timide qui se verrait bien écrivain. Dans l’immédiat et pour gagner sa vie, il tient l’accueil de nuit dans un hôtel, en profitant pour noter des idées pour son futur premier roman qui peine à s’écrire.
Après le décès du grand-père paternel, il y aura la mise en maison de retraite de la grand-mère, laquelle fera une fugue ; ses parents qui prennent leur retraite et sa mère qui semble donner des signes de folie, la rencontre avec sa future femme et le divorce de ses parents, puis l’inverse à savoir son divorce et le retour de sa mère au foyer conjugal. Comme on le voit on ne s’ennuie pas, résumé ainsi ça peut paraître abracadabrant, et ça l’est un peu car David Foenkinos ne manque pas d’humour, mais tout s’enchaîne harmonieusement avec beaucoup de talent.
Le roman est ponctué de remarques sur un peu tout, comme ces pages critiques sur les pavillons de banlieue « Je les trouve sinistres. J’aime les maisons de campagnes ou les appartements ; j’aime qu’on choisisse son camp. » Et les jolies formules déroutantes ne manquent pas, « je suis heureux quand je contemple une femme suisse ou un paysage mauve » ou encore « Finalement le dernier enfant que j’avais côtoyé, ça devait être moi.»
Au fur et à mesure qu’on s’insinue dans le livre, chaque personnage raconte un souvenir qui vient enrichir le récit et le nourrir d’instants de vie. Le récit n’est pas le seul à se nourrir des souvenirs, les humains y trouvent aussi matière à se construire, c’est ce que découvrira Patrick devenu un homme, enfin prêt à écrire son fameux roman.
L’écriture de David Foenkinos est délicate, faite de sérénité, et le tout sonne terriblement juste, la moindre remarque donne l’impression d’avoir été vécue. Le ton évolue entre passages émouvants et moments drôles, sans excès dans l’un comme dans l’autre. Le roman pourrait être autobiographique – on ne le sait pas – mais qu’il le soit ou non, cela n’a pas grande importance, ce qui est évident c’est que ce bouquin est un très bon livre et l’auteur un jeune homme plein de talent.
« Assis sur une chaise à côté de lui, j'avais l'impression que le temps ne passait pas. Les minutes prétentieuses se prenaient pour des heures. C'était lent à mourir. Mon téléphone a alors affiché un nouveau message. Je suis resté en suspens, plongé dans une fausse hésitation, car au fond de moi j'étais heureux de ce message, heureux d'être extirpé de la torpeur, ne serait-ce qu'une seconde, même pour la plus superficielle des raisons. Je ne sais plus vraiment quelle était la teneur du message, mais je me rappelle avoir répondu aussitôt. Ainsi, et pour toujours, ces quelques secondes insignifiantes parasitent la mémoire de cette scène si importante. Je m'en veux terriblement de ces dix mots envoyés à cette personne qui n'est rien pour moi. J'accompagnais mon grand-père vers la mort, et je cherchais partout des moyens de ne pas être là. Peu importe ce que je pourrai raconter de ma douleur, la vérité est la suivante : la routine m'avait asséché. Est-ce qu'on s'habitue aux souffrances ? Il y a de quoi souffrir réellement, et répondre à un message en même temps. »
David Foenkinos Les Souvenirs Gallimard