Le premier roman de David Vann est divisé en deux parties que sépare un événement irréversible. La seconde est loin de correspondre aux espoirs placés dans la première. Celle-ci, déjà, n’avait pas été une villégiature agréable. Pas plus que Roy, Jim n’est préparé à affronter les difficultés qu’ils rencontrent. Il s’aperçoit très vite de tout ce qui leur manque. Il n’a pas pensé à tout. A-t-il d’ailleurs vraiment pensé? Il n’en donne l’impression que pour se rassurer lui-même. Et cela ne suffit pas à rassurer Roy. Quand il entend sangloter son père le soir, il se demande dans quelle galère il s’est embarqué et s’il ne ferait pas mieux de quitter l’endroit au plus vite.
En raison de la politique éditoriale suivie par la maison française qui publie la traduction de ce texte, il est tentant de s’attarder sur la présence de la nature dans Sukkwan Island. Sa place est importante, bien sûr. Presque complètement isolés du monde «civilisé», le père et le fils ont à réapprendre des gestes que les progrès techniques ont fait oublier. Et à redécouvrir, par conséquent, comment se comporter dans un milieu que l’homme n’a pas encore complètement domestiqué. Ce sur quoi semble reposer le projet.
Mais d’autres intentions jouent aussi leur rôle. Si bien que la relation entre le fils et le père, envisagée surtout par le premier des deux, prend le dessus sur le thème attendu. David Vann, qui dédie ce livre à son propre père, a placé ses personnages dans un espace où la complicité et la confrontation ont toute liberté pour s’exprimer. Parfois, Roy déteste son père au point de souhaiter le voir mourir. Il se sent contraint d’être plus fort que lui, de compenser ses faiblesses. D’où le drame qui surgit au milieu du roman, et qui fait naître une terrible angoisse.