L’année 2011 n’avait pourtant pas mal commencé. Entre les facéties maritales d’Adam Sandler aux accents de vieille comédie hollywoodienne (pour la trame plutôt que pour les gags, très contemporains) dans Le Mytho – Just go with it et la buddy comédie des Farrelly Bon à Tirer, les explosions de joie et d’hilarité étaient prometteurs pour la comédie made in USA, cuvée 2011. Aux portes de l’été, à vue de nez, les mois qui allaient suivre s’annonçaient encore plus riches, encore plus fous, encore plus drôles. L’intuition fut pourtant mauvaise. C’est tout le contraire qui se passe depuis quelques semaines. La comédie américaine se prend les pieds dans le plat de film en film.
Cela a commencé avec Very Bad Trip 2, fin mai, à l’heure où selon les comptes hollywoodiens, l’été a déjà commencé. Non qu’il y ait eu de quoi tomber de haut avec cette suite du carton surprise de 2009, mais l’on s’est en revanche vite rendu compte que ces nouvelles aventures du désormais fameux trio Bradley Cooper / Zach Galifianakis / Ed Helms n’était jamais qu’un remake du premier opus simplement déplacé en Thaïlande quand le premier prenait pour cadre Las Vegas. Ce qui en soit n’avait rien de déshonorant puisqu’en fin de compte les rires étaient plutôt au rendez-vous, mais il y a forcément une lassitude à revoir le même film que la première fois.
Mais il s’agissait finalement d’une suite, et c’est dans la nouveauté que l’attente se matérialisait le plus, avec un triplé de comédies US prometteuses : Bad Teacher, Mes meilleures amies et Comment tuer son boss ?.J’étais quasiment sûr d’aimer Bad Teacher. Les chances me paraissaient infimes qu’en fin de compte, le film me déçoive. En premier lieu parce que le réalisateur Jake Kasdan, à défaut d’avoir réalisé de grandes comédies jusqu’ici, reste associé dans mon esprit à La méthode Zero, un film méconnu avec Bill Pullman et Ben Stiller que je n’ai pas revu depuis le ciné mais qui m’avait fait une belle impression à l’époque. Et que par ricochet, il me semblait peu probable que le film soit aussi mauvais, ou du moins décevant que le bouche-à-oreille le laissait entendre sur Internet. J’ai eu tort.
Malgré la promesse d’un film irrévérencieux avec cette prof superficielle courant après l’argent mais haïssant son job et ses élèves, Bad Teacher s’est révélé parfaitement prévisible et au mieux sympathique. Diaz a beau incarner la garce à la perfection (peut-être parce qu’elle m’agace naturellement), la trame est cousue de fil blanc, les personnages masculins – Justin Timberlake en prof riche et tellement gentil qu’il en est niais, Jason Segel en prof de gym faisant vainement la cour à Diaz – totalement délaissés alors qu’essentiels à l’intrigue. L’écriture est fainéante, se contentant de petits gags à peine élaborés en espérant qu’ils décrocheront des sourires.
Après cette déconfiture, il me semblait au contraire acquis que Mes meilleures amies (Bridesmaids en VO) allait me faire trembler de joie et de rires. Produit par Judd Apatow, écrit et interprété par Kristen « Saturday Night Live » Wiig, le film est sorti en salles en France auréolé du statut de carton de l’été au box-office américain, et traînant dans son sillage la réputation d’être la comédie de l’année. Patatras. Contre toute attente, je ne m’éclate pas. J’en entends d’ici dire « Il faut être une femme pour comprendre » ou « Il faut avoir une sensibilité féminine que tu ne dois pas avoir » avec un haussement d’épaule dédaigneux. Franchement ce dédouanement ne me convaincra pas le moins du monde, d’autant qu’à chaque fois que je pleure devant Sur la route de Madison de Clint Eastwood, je me dis que je dois avoir une part féminine indéniable.
Mais celle-ci n’a pas le moins du monde été éveillée par Mes meilleures amies, ou les tribulations affectives d’Annie, jeune femme célibataire qui voit son amie d’enfance se marier et, nommée demoiselle d’honneur, se voit attribuée la charge d’organiser une bonne partie des festivités. J’étais prêt à tomber sous le charme d’Annie, à me régaler de sa concurrence affective avec Helen, l’autre meilleure amie de la mariée, de leurs défis perpétuels pour s’imposer comme LA meilleure amie. J’étais prêt à trouver une délicieuse candeur dans ce portrait de femme hésitante et un peu paumée. A exploser de rire, tout simplement, devant une comédie féroce. Or il n’en a rien été. Je n’ai retenu qu’un film sympathique, avec un gag scatologique hilarant et un second rôle, Melissa McCarthy, qui dynamite le film et vole toutes les scènes dans lesquelles elle pointe le bout de son nez. Le reste est passé inaperçu à mes yeux. Une intrigue amoureuse absolument révoltante d’académisme et de niaiserie, un scénario cousu de fil blanc qui, hormis le scato et McCarthy, ne surprend jamais vraiment. Ou plutôt si, lorsqu’il arrive enfin à surprendre, il en profite trop, comme cette séquence de discours entre Wiig et Byrne, étirée pour notre plus grand plaisir, avant d’être usée jusqu’à l’usure, comme si le réalisateur sentait qu’il tenait enfin une idée poilante et ne voulait pas la quitter.
J’en suis sorti en étant capable de compter mes explosions de rire (sur les doigts d’une main), et pour ce genre de films, c’est un signe funeste. Alors forcément, lorsque je me suis rendu une semaine plus tard dans une salle pour voir Comment tuer son boss ?, alors qu’habituellement la perspective de voir une comédie américaine me motive au plus haut point, je ne pouvais m’empêcher d’être méfiant. De me dire que l’été 2011 était peut-être maudit pour mon amour du genre. Et la crainte s’est malheureusement vérifiée. Le long-métrage de Seth Gordon n’a été qu’un brouhaha comique partant dans tous les sens, sans cohérence, sans cohésion, sans étincelle. Mes meilleures amies avait au moins pour lui un grand moment d’hilarité et un second rôle faisant mouche à chaque réplique. Comment tuer son boss ? n’avait même pas ça. Juste une succession de saynètes sans grande consistance, sans grande saveur. Juste une petite aventure sympathique par moments, drôle à d’autres, fade et inoffensive dans l’ensemble, malgré la moumoute martiale de Colin Farrell et le rare comportement de garce de Jennifer Aniston.
Je ne peux même pas dire que je ne comprends pas comment toutes ces comédies prometteuses n’ont pas su allumer la flamme du rire chez moi cet été. Je le sais, film par film, je l’ai amèrement constaté. L’humour US n’était tout simplement pas assez à la hauteur cet été, quand le cinéma indépendant nous régalait avec Minuit à Paris et Beginners, ou que le cinéma britannique se montrait délicieux avec Submarine, The Trip ou Attack the block. Deux comédies de l’été américain ne nous arriveront que cet automne, The Change Up et 30 minutes or less. Et avant cela, Danny McBride déboulera avec James Franco dans Votre Majesté. Espérons que ceux-là me couperont le souffle et m’étaleront par terre. Contrairement aux quatre autres, ces derniers en attente ont tous été des bides au box-office américain… finalement un bon signe ?