Dire que la mise en
œuvre du plan européen de soutien à la Grèce a été délicate serait un doux
euphémisme.
Au-delà des difficultés techniques liées à l’obligation de constater que la
Grèce ne pourra pas rembourser l’intégralité de sa dette dans ses modalités
d’origine, tout en faisant comme si elle en avait la capacité mais que ça
serait mieux si on trouvait un arrangement sans qu’il soit évidemment question
de défaut de paiement, l’Europe a surtout été, encore une fois, confrontée à
des divergences politiques fortes entre ses membres.
On ne va pas revenir sur ce qui a déjà été dit maints fois, et qu’on
pourrait résumer de la manière suivante : les pays les plus vertueux (du
Nord) rechignent à soutenir financièrement les paniers percés du Sud avec de
l’argent public ….Et seule la crainte d’un effet de propagation à d’autres pays
plus importants, avec les conséquences catastrophiques que cela aurait pour
l’euro, a permis de trouver un compromis tardif et probablement
insuffisant.
De ce point de vue, la crise révèle bien, que pour beaucoup, le concept de
solidarité qui, lorsque tout va bien, est si souvent et si facilement exhibé
comme une des qualités première de nos beaux, généreux, gentils et intelligents
pays européens ….part en vrille dès qu’on en a besoin !
Mathieu, rappelle fort justement que les situations de crise sont propices
à la mise en cause de boucs émissaires qui comme le baudet de la fable
deviennent responsables de tous nos maux !
Sans aller nécessairement jusqu’à dire que les Grecs et pourquoi pas, les
Portugais, les Irlandais et les Espagnols sont responsables de la crise,
beaucoup en Allemagne, aux Pays-Bas, en Autriche ou …en Finlande, considèrent
que l’Europe et l’Euro se porteraient beaucoup mieux sans ces boulets en forme
de cochons !
Malgré son accouchement difficile, le plan de soutien européen faute d’avoir
complètement rassuré sur la capacité de l’Europe à faire front commun devant
l’adversité, a quand même le mérite d’exister et d’avoir, provisoirement,
assuré la survie du maillon faible. Les optimistes le considèreront comme une
première étape avant d’aller beaucoup plus loin dans une gouvernance économique
et budgétaire commune et des emprunts communs (eurobonds).
Hélas, les optimistes ne risquent pas de le rester bien longtemps
!
La Finlande a récemment
négocié directement avec les Grecs pour obtenir en échange de leur part
dans le prêt européen, un collatéral, c'est-à-dire une somme en garantie qui
même si elle n’est pas encore précisément fixée pourrait s’élever à 1 milliard
d’euros, c'est-à-dire à l’équivalent de sa part dans le FESF (Fonds européen de
stabilité financière) !
En clair, le gouvernement Finlandais, sous la pression de son Parti
Nationaliste, et sous prétexte de ne prendre aucun risque avec les deniers
publics, réclame d’une main ce qu’il a donné prêté de
l’autre.
Les Grecs qui ne sont pas à une incohérence près, ont accepté, dans le cadre
d’une discussion bilatérale avec les Finlandais, le principe du collatéral au
risque de perturber gravement le plan de soutien européen.
Et ce qui devait arriver, arriva, les Pays-Bas (même s’ils sont revenus
ensuite sur cette idée), l’Autriche et la Slovaquie se sont aussi tôt dit,
pourquoi pas moi, et s’apprêtent à exiger également des garanties en
échange de leur prêts !
Même la Ministre du Travail allemande, également vice-présidente de la CDU,
a soutenu cette idée de conditionner à l'avenir l'octroi des fonds de sauvetage
européens à des garanties financières !
La ministre a même suggéré que ces collatéraux prennent la forme de
« réserves d'or ou de participations dans des entreprises industrielles
publiques »...en clair, vous remboursez ou on vous dépouille de votre
patrimoine !.
Elle est belle la solidarité !....le plan « commun » est à peine
traduit dans les 17 langues de la zone euro que chacun y va de ses petites
exigences personnelles au risque de tout faire capoter !
Il est pourtant clair que si tous les pays européens qui participent au plan
de sauvetage, et notamment la France et l’Allemagne, exigent un collatéral en
échange de leur aide, ce plan perd non seulement de sa substance (si tout le
monde demande 1 milliard de collatéral pour 1 milliard prêté, il va y avoir un
problème) mais l’Europe toute sa crédibilité !....
En essayant de grappiller, plus ou moins en douce, une garantie à son apport
au plan de soutien, le gouvernement Finlandais cède à la pression nationaliste
d’une grande partie de sa population pour laquelle l’Europe est de moins en
moins une belle idée !
Certes, la manière qu’ont les Flamands de considérer les Wallons avec
condescendance, le mépris de la Ligue du Nord vis-à-vis de l’Italie du Sud sans
parler des tensions entre les cousins Kosovars et Serbes ou Turcs et Grecs,
nous avaient déjà largement alertés sur les limites de la solidarité entre des
populations pourtant extrêmement proches, mais l’Europe s’est construite autour
de ce concept et sans solidarité elle perd tout son sens !
En ouvrant une brèche dans le fragile consensus qui a amené à organiser le
sauvetage de la Grèce, et en refusant toute tentative d’intégration budgétaire
voire même d’émission commune d’eurobonds, les Finlandais font plus que se
foutre de la gueule de leurs partenaires, ils affirment leur repli sur eux même
et leur refus de toute solidarité européenne … ils balancent un très mauvais
coup de froid sur l’idée même de l’Europe !