Paris. Le Sunside.
Lundi 22 août 2011. 21h.
La photographie de Chris Potter et Ari Hoenig est l'oeuvre du Pacifique Juan Carlos HERNANDEZ.
Chris Potter : saxophone ténor, flûte traversière, piano
Ari Hoenig : batterie
Pour commencer, un standard du bebop. Du Monk. Ari Hoenig est un bon batteur. Il fait des grimaces magnifiques. Il joue avec les poignets curieusement raides. Gros son de sax ténor dans la lignée de Sonny Rollins. Pas de pulsation de la contrebasse, pas de ponctuation du piano. C’est du brut de décoffrage. Et pourtant très savant. Je suis assis au premier rang avec,à ma droite, l’homme qui était assis à ma gauche lors du concert du quartet de Laurent Coq avec Jérôme Sabbagh dans le même club. Etonnant, non ? C’était « Monk’s Dream » de Thelonious Sphere Monk, évidemment.
Ari Hoenig commence avec les mains sur les tambours. Ca roule bien mais ça ne sonne pas africain. Heureusement car ce serait de la copie. Il revient aux baguettes. Ca vibre dans les tambours et dans les ventres. Chris Potter à la flûte traversière. Délicat, charmant alors que la batterie pousse derrière, délicate, puissante mais sans trop monter le son. Chris repart au ténor. Ca déroule bien. Ca monte en puissance, part en volutes de fusée. C’est impressionnant certes mais ce n’est pas émouvant. Ce gars là sait clairement tout faire avec un sax ténor mais l’abondance de biens peut nuire si elle noie le discours. Décidément, je préfère Rick Margitza qui, lui, me parle. « La plupart des saxophonistes bavardent. Sidney Bechet, lui, vous parle » (Jean Cocteau). C’était « Togo », un air traditionnel ouest africain d’après Ari Hoenig.
Une ballade. Ari Hoenig a pris les balais en mains. « Ask me now » (TS Monk). Superbe ballade bien lancée. Non seulement Ari Hoenig grimace très bien mais il tire aussi très bien la langue. Le saxophoniste débite ses phrases comme un rhéteur. J’entends le public conquis. Une dame derrière moi en grogne de joie. Retour des baguettes. Ca devient rock’n roll. Après tout Monk déclarait aimer toutes les musiques mais il ne jouait que la sienne. Retour au thème, à la ballade, aux balais pour le final.
Encore un thème de Monk. C’est l’homme de la soirée. Les tambours vibrent très fort. Là, ils sont partis très loin de Monk. Très loin de moi aussi d’ailleurs. Et ça dure, ça dure. Dur, dur… C’est démonstratif au possible, nombriliste, pénible. Tout l’opposé de Monk en fait. C’était « Evidence », la preuve qu’ils ne jouent pas du Monk.
Chris Potter s’assoit au piano pour jouer un morceau de sa composition « Okinawa », île au Sud du Japon où se trouve toujours la principale base de l’US Navy pour la zone Asie-Pacifique. C’est une ballade. Chris Potter distille les notes. C’est assez touchant car il n’est pas pianiste. Le batteur s’ajoute aux maillets, créant une belle vague. Potter joue du piano d’une main, du sax ténor de l’autre. Belle prouesse. Le batteur tapote le tambour de ses mains. C’est joli, charmant. Chris Potter se remet au sax ténor. La démonstration technique reprend. Approchez, Mesdames et Messieurs ! Y en aura pour tout le monde ! « Un virtuose ne sert pas la musique, il s’en sert » (Jean Cocteau). Nouvel exemple ce soir. Joli solo de batterie aux maillets, le sax fait des percussions avec son anche sur les clefs. Ca c’est original. Ensuite le démonstrateur en saxophone reprend son boniment. Ca peut le mener loin. Bernard Tapie a bien commencé comme démonstrateur d’aspirateurs. Le batteur se met lui aussi à faire beaucoup de bruit. Pour rien.
PAUSE
C’est mon deuxième concert de Chris Potter dix ans après le premier. Je ne change pas d’avis. Pour moi, c’est sans intérêt. C’est bon pour ceux qui aiment comme disait ma grand-mère. Mon voisin de droite, batteur amateur, a aimé, lui. Je lui laisse donc le droit de réponse.