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Méli-Mémo suivi d’Arrêts facultatifs, de Daniel Biga (par Antoine Emaz)

Par Florence Trocmé

Biga Le livre est constitué pour deux tiers d’inédits (Méli-Mémo) et pour le reste, de la reprise d’Arrêts facultatifs, publié chez le même éditeur en 2001. Mais les deux ensembles sont d’une facture très proche : de courts poèmes en prose le plus souvent écrits à partir de la saisie d’un détail de la vie quotidienne, ou d’un souvenir. La saveur de ce livre est celle de la vie : Biga ne triche pas, il est toujours aussi attentif à ce qui dans l’au jour le jour fait événement, ou rappelle, renvoie à l’enfance, la jeunesse… Mais ce n’est pas un livre de souvenirs : la mémoire a simplement autant d’importance que le présent. Cette suite de poèmes courts vaut par sa diversité d’allures : les tons alternent, humour, mélancolie, révolte…. On peut très bien passer d’un constat désabusé (« Je m’interroge vaguement sur le pourquoi de durer – sinon la longue habitude qu’a mon cœur de toujours battre et d’encore nettoyer mon sang . » (p. 36) à l’évocation d’une scène érotique très crue (La table, p. 26), à un coup de sang contre la bêtise (Les dominants, p. 11). 
 
On retrouve la critique des puissants, de l’élite auto-proclamée et auto-reproduite : les trois poèmes intitulés Petit peuple dénoncent cet état de fait et ses conséquences néfastes pour la société, pour la planète. Biga revendique hautement son appartenance à la caste des humbles, des gens de peu : « Rien : voilà notre héritage. Du désordre, pauvre, contradictoire, subalterne, prolétarien. Rien. Sinon que de naissance et à jamais nous sommes autres. Nous sommes ceux qui ne savent pas. De la caste des fellahs, des moujiks, des serfs, des domestiques.  » (p. 28) On retrouve avec plaisir le côté anarchiste du poète : « Fonctionnement, vie, écriture : à l’écart je vais. » (p. 30) 
 
Mais ce serait trop réduire le livre que de la cantonner dans le registre de l’engagement, qui est tout autant chez Biga un dégagement, une revendication profonde de liberté. D’où les poèmes qui renvoient aux espaces d’Amirat ou de la Brière, hors social, lorsque le lien avec la nature est le plus direct. D’où les poèmes très libres aussi sur le thème amoureux, mêlant sensualité et sentiment. 
Mais ce qui domine peut-être ce livre, et ceci explique en partie la présence forte de la mémoire, c’est la conscience de la fin qui se rapproche : par exemple Taches de vieillesse (p. 34). Aucun pathétique, il s’agit plutôt d’une conscience pascalienne et critique de tous les faux-semblants : « Malgré nos assurances sur la vie, nos mutuelles 100%, nos multiples protections, notre haute technologie médicale et notre suffisance toujours plus démesurée, malgré tous les mensonges qui nous sont assénés collectivement et que chacun d’entre nous relaie avec quelque complaisance, nos têtes de condamnés à mort inconsciemment reflètent ce qu’au plus profond nous savons depuis toujours. Il n’y a que celui qui a apprivoisé sa mort inéluctable qui sourit naturellement… » (p. 19) 
Biga n’est pas un poète de cour, on le savait. Pour lui, la poésie n’est pas un jeu de l’esprit, on le savait aussi. Ce livre confirme donc, sous une forme simple et directe, qu’écrire c’est aller encore et toujours et lucide vers la vie. 
 
[Antoine Emaz] 
 
Daniel Biga, Méli-Mémo suivi d’Arrêts facultatifs, Editions Gros Textes, 80 pages, 8 € 


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