Janice GRAHAM - La fille du tailleur : 8/10

Par Eden2010

Janice GRAHAM - La fille du tailleur : 8/10

Je ne suis pas certaine que le classement de ce roman dans les « romans historiques » soit justifié puisqu’il s’agit surtout d’une très belle histoire d’amour sur fond de XIXème siècle, mais sans les convenances de l’époque, l’histoire n’aurait pas été aussi profonde et n’aurait même pas existée. Et voilà que « la fille du tailleur » se trouve donc dans les romans historiques.

Qui est elle ?

Nous nous trouvons donc au milieu du XIXème siècle. Veda Grenfell, seize ans, la fille du tailleur, tombe gravement malade et perd l’ouïe.

A cette époque, sa surdité constitue un obstacle insurmontable, une véritable catastrophe pour Veda et sa famille, son avenir s’écroule. Sourde, elle ne pourra trouver de mari, et ce même avec une riche dot, et elle ne pourra certainement plus évoluer dans la société, elle ne pourra même pas faire ses débuts !

Pire, étant une femme elle ne peut espérer exercer le métier de tailleur alors même qu’elle a hérité le talent de son père.

Doit-elle dès lors accepter d’épouser le seul qui s’intéresse à elle ? Doit-elle se lier à un homme qu’elle n’aime pas, quitte à s’enfermer à tout jamais dans une cage dorée et silencieuse ?

Mais Veda a un fort caractère et son amour pour le métier de son père la pousse à insister, à se faire sa petite place dans l’entreprise paternelle, malgré son handicap. Elle trouve là un rayon de lumière. Si elle ne peut vivre une vie de jeune femme, elle peut tout de même s’épanouir dans son métier, même si elle ne pourra jamais officiellement succéder à son père.

La vie réserve néanmoins bien plus à la jeune femme !

Sa route croise celle de Harry, un jeune Lord dont elle tombe amoureuse et qui ne semble pas indifférent à son charme, son esprit et sa beauté.

Seulement, même sans son handicap elle ne pourrait espérer plus que devenir la maîtresse d’un Lord, car n’oublions pas qu’elle n’est que la fille d’un commerçant. Espérer plus est utopique.

Mais là, par-dessus tout, elle est sourde ! Une tare absolument inimaginable chez une femme qu’un Lord pourrait fréquenter.

Le lien entre Harry et Veda est fort, mais ne peut résister aux convenances et se brise sur les règles rigides de la société du XIXème siècle.

Un roman prenant que l’on dévore. L’histoire d’amour est belle sans jamais tomber dans la niaiserie, les difficultés de Veda, sa maladie, les coups du sort qu’elle subi, tout est décrit sans jamais devenir pesante. Et étonnamment, le roman est truffé de conversations, ce qui rend la lecture encore plus aisée.

Janice Graham, pourtant entendant, parvient parfaitement à transcrire la barrière que constitue la surdité : elle interdit toute interaction avec les autres. On ne peut leur parler, on ne peut les entendre, on ne peut les comprendre, on ne peut que les observer. La surdité dresse un mur entre les hommes, surtout à l’époque de Veda.

Au cours du livre, Veda devient maître dans l’art de déchiffrer les expressions du visage, l’attitude et la tenue, elle en fait une force. Cette évolution est lente et constante, au début elle est incapable d’affronter ne serait-ce que la famille, mais elle affine ses dons et en fait une force. Pourtant, elle se heurte encore et encore au mur du silence, car seuls quelques amis et proches parviennent à communiquer normalement avec elle et acceptent d’apprendre la patience nécessaire pour entrer en contact avec elle.

On s’imagine bien cette jeune fille qui se débat contre les règles de la société, puis contre son handicap. Finalement, ce sera son handicap qui lui permettra de transgresser quelques règles infranchissables pour une jeune fille « ordinaire ».

Ce qui j’ai particulièrement apprécié dans ce roman, c’est qu’à chaque fois qu’elle atteint un objectif, Veda se retrouve face à un autre mur. Elle doit constamment choisir son chemin, elle semble ne jamais pouvoir atteindre son but.

L’amour contrarié avec Harry traverse le roman sans que celui-ci ne deviennent trop teinté de rose. Un amour qui naît de la complicité de ces deux êtres, mais qui ne pourra s’épanouir.

Un livre qui se lit avec une déconcertante facilité. Avec Veda, nous abandonnons un peu le sens de l’ouïe pour découvrir les couleurs de sa vie.

J’ai lu ce roman comme s’il s’agissait d’une nouvelle, sans jamais m’ennuyer. Incroyable, ce que la vie de Veda peut être passionnante !

Bon, sur les cent dernières pages j’ai trouvé son voyage en France et ses déboires finaux un peu superflus, mais cela n’est pas bien gênant.

C’est un livre qui est plutôt féminin mais qui peut plaire à tous les adeptes des romans historiques ou de belles histoires d’amour.

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