Aujourd'hui, je vous propose un mercredi asiatique tout spécialement dédié aux amateurs de jeux de rôles (voire à tous ceux qui ne sont pas imperméables à des thématiques de fantasy). Pour perpétuer la tradition de ce blog qui veut que je vous parle d'au moins une série japonaise en cours de diffusion par saison, voici donc pour marquer cette fin d'été, un drama qui ne laisse pas indifférent : Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro, c'est-à-dire Yuusha Yoshihiko and Maou's Castle.
La série est diffusée sur la chaîne Tv Tokyo, depuis le 8 juillet 2011, dans sa case horaire du vendredi soir après minuit. Elle devrait comporter 12 épisodes, faisant environ 25 minutes chacun. Comme elle l'annonce elle-même dès son générique, Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro ne dispose d'aucun budget. Mais elle a su intégrer cet aspect à son histoire, pour mieux défier tout sérieux, en se réappropriant dans le même temps les codes classiques des RPGs', et plus précisément, ici, de Dragon Quest. Ce n'est pas toujours fin, mais c'est souvent drôle et rythmé. Un petit plaisir assez jubilatoire.
Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro se déroule il y a longtemps, à une époque médiévale où la nature prédominait et où les esprits côtoyaient des monstres plus inquiétants. Une mystérieuse épidémie se répand, causant de nombreuses morts d'un village à l'autre. Le père du personnage principal, Yoshihiko, est parti il y a déjà plus de six mois en quête d'une plante légendaire devant apporter un remède contre cette terrible maladie. Mais, sans nouvelle de lui, le village se résigne à mener une nouvelle cérémonie pour désigner un autre héros afin de reprendre cette quête vitale.
C'est Yoshihiko que désigne l'épreuve d'extraction de l'épée plantée dans la roche. Le nouvel héros du village part sans délai, laissant derrière lui une soeur inquiète. Sur le chemin, il croise rapidement trois compagnons, pas forcément très bien disposés à son égard initialement, mais qui vont entreprendre le voyage à ses côtés : un guerrier, une jeune femme souhaitant venger son père (elle est persuadée que Yoshihiko est celui qui l'a tué) et un magicien aux pouvoirs douteux. Si Yoshihiko retrouve, lui, rapidement son père (et les herbes voulues), une divinité va soudain apparaitre au petit groupe prêt à se séparer. Le grand Hotoke leur confie une nouvelle mission d'une toute autre ampleur : défaire Maou, puissance ancienne et malveillante qui s'est réveillée et menace désormais le monde.
Le premier atout de Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro va être de consciencieusement rassembler tous les ingrédients scénaristiques classiques - et légitimement attendus - que l'on croise dans les jeux de rôles. L'histoire suit ainsi une trame qui nous est familière, reprenant des recettes connues. Le héros, parti initialement sur les traces de son père, se voit confier une quête principale révélée à la fin du premier épisode, qui met en jeu le sort du monde et désigne son adversaire, personnifiant la lutte du Bien contre le Mal. Au fil des épisodes, la progression de la petite troupe est entravée par des missions secondaires dont il hérite au gré des rencontres, s'égarant à la découverte d'obscurs objets magiques et se lançant dans les sauvetages les plus téméraires d'innocents en détresse.
Tout en reprenant la mythologie et le cadre de fantasy propres aux jeux de rôles, la série cultive une tonalité volontairement décalée. Elle adopte en effet une approche parodique totalement décomplexée, normalisant les ressorts narratifs et la logique d'ensemble qui président au fonctionnement de cet univers. Le souci de fidélité des scénaristes à leur concept de départ doit être souligné : il faut saluer avec quel soin le récit, mais aussi la mise en scène, apparaissent codifiés comme dans un jeu vidéo. Les règles à suivre, les étapes à franchir, les combats à mener, jusqu'au niveau variable des méchants à affronter, tout est là... Et c'est sur cette base travaillée que la série va pouvoir construire et développer sa dimension humoristique.
Car Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro est avant tout une comédie dynamique réussie. Bénéficiant d'une écriture acérée et très vive, son rythme soutenu et ses dialogues ne manquant jamais de réparties sont un terrain propice pour créer et nourrir les décalages les plus invraisemblables. Jouant sur de brusques changements de tonalités, le drama multiplie les ruptures dans le récit, précipitant des chutes qui aiment prendre à contre-pied les attentes logiques du téléspectateur. En fait, le drama s'amuse à suivre la feuille de route traditionnelle de son genre, accentuant même à l'excès certains stéréotypes, pour mieux ensuite dévier et finir par les détourner. Ainsi, par exemple, une des premières scènes donnent immédiatement le ton : l'épée plantée dans le rocher (un classique) désigne bien Yoshihiko comme "le nouvel élu" (normal)... mais ce n'est pas lui qui la retire : elle tombe par terre avant même qu'il ait posé la main dessus (!).
Si tout se finit invariablement comme attendu, la série s'assure cependant toujours que rien ne se passe comme prévu pour parvenir à ce résultat. Du sauvetage d'une demoiselle en détresse prête à être sacrifiée à une divinité locale au combat contre un terrible monstre impliquant la maîtrise d'une puissante épée fusionnant avec une âme humaine, tout se présente a priori sous les formes prévisibles dans une fiction sur un tel sujet... Sauf que la série manie admirablement l'art de la variation parodique, empruntant des chemins détournés avec un aplomb et un enthousiasme communicatif. De plus, le drama ne recule pas non plus devant un certain nombre de running gags qui finissent par devenir les rendez-vous incontournables de l'épisode (par exemple, le fait que Yoshihiko soit le seul à ne pas voir à l'oeil nu la divinité censée le guider dans sa quête - et qu'il y parvienne finalement grâce à... des lunettes 3D).
Côté casting, on croise dans ce drama beaucoup de têtes familières du petit écran japonais. Le groupe est assez homogène et sait parfaitement jouer sur la fibre parodique, ni complètement sérieux, ni totalement à côté de la plaque : ils incarnent des stéréotypes, et leur jeu se prête parfaitement à ces personnages. C'est Yamada Takayuki (Churasan, Byakuyako) qui incarne le héros Yoshihiko que l'on va accompagner dans cette quête initiatique. A ses côtés, on retrouve également Kinami Haruka (Sunao ni Narenakute, BOSS 2), Muro Tsuyoshi (Tofu Shimai), Takuma Shin (Komyo ga Tsuji), Okamoto Azusa (Moyashimon) ou encore Sato Jiro (Control ~ Hanzai Shinri Sousa).
Enfin, c'est sur la forme que je vais exceptionnellement conclure car elle est d'une grande importance, voire même déterminante pour installer l'ambiance de la série, accentuant la dimension parodique de l'ensemble. Si Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro n'a pas de budget, elle va réussir à transformer ce manque en véritable atout. En effet, elle revendique pleinement son absence de moyens pour mieux jouer sur un côté extrêmement cheap entretenant des décalages visuels permanents. La forme est ici un élément humoristique à part entière. Comment résister et ne pas exploser de rire devant la seule vision de ces improbables monstres en plastique, face à ces bruitages électroniques façon jeux vidéos qui accompagnent les combats, mais aussi devant certaines "élipses" volontaires (le héros s'éloignant de son village sur un "cheval" dont la présence n'est que suggérée). Tous les effets spéciaux excessivement low cost qui parsèment la série entretiennent un second degré rafraîchissant, portés par une bande-son où retentit toujours une musique prompte à verser dans un épique de circonstance tout aussi en décalage.
S'il serait possible de multiplier les exemples pour montrer à quel point, tout autant que l'écriture des dialogues, la forme joue un rôle déterminant dans la série, je crois que les screencaptures ci-dessous seront sans doute plus parlantes que la plus imagée de mes descriptions.
Au moins, dès le générique, les choses sont claires pour le téléspectateur.
Le cadre de fantasy : des esprits de la forêt... (souvenez-vous, Mononoke !)
Monstres (méchants).
Combat (avec bruitage et effets spéciaux).
Et puis quand le manque de budget se fait trop sentir, le drama use d'une autre tactique : il bascule brièvement en... dessin animé.
Monstre (très très méchant). Trop effrayant pour être montré en "live".
Combat sanglant (trop violent pour être montré en "live").
Bilan : Comédie souvent jubilatoire, toujours divertissante, parfois surprenante, Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro investit un univers de fantasy qui, derrière son apparence fidèle aux jeux de rôles traditionnels, va cultiver avec un enthousiasme communicatif les décalages les plus improbables. Dotée d'une écriture très vive, la série excelle dans une dimension parodique où les brusques changements de tons et les chutes les plus inattendues se multiplient, rythmant des épisodes qui se déroulent sans le moindre temps mort. Yuusha Yoshihiko to Maou no Shiro va ainsi rapidement toucher et conquérir le coeur du public ciblé : ne boudons pas notre plaisir !
NOTE : 7/10
La bande-annonce de la série :
Le générique :
(source : Ladytelephagy)