Si les élus sont apparemment bridés par la loi sur le cumul des mandats, ils savent s’arranger pour la tourner et cumuler néanmoins les avantages.
Au mois de janvier 2008, peu avant les élections municipales françaises, la journaliste Elaine Sciolino écrivait dans le New York Times :
« Plus qu’aucun autre des principaux pays européens, la France autorise ses politiciens à détenir des mandats politiques multiples. Environ 85 pour cent des législateurs au Sénat et à l’Assemblée nationale détiennent un deuxième mandat électif, contre bien moins de 20 pour cent en Italie, en Grande-Bretagne et en Allemagne. »
En effet, rares sont les députés et les sénateurs à se contenter d’un seul mandat électif. De même, siéger au parlement européen ouvre de très alléchantes perspectives en matière de cumul.
612 mandats pour 343 élus
Pour s’en tenir au Sénat, sur 343 élus, 88 seulement n’exerçaient aucun mandat local en 2008. Parmi les 255 sénateurs restant, on recensait : 4 présidents de conseils régionaux et 32 conseillers régionaux, 31 présidents de conseils généraux et 113 conseillers généraux, 125 élus exerçant un mandat intercommunal, 115 maires, et 192 conseillers municipaux. Soit 612 mandats en tout, beaucoup de ces sénateurs en cumulant deux, et parfois trois, en plus de leur mandat sénatorial !
La loi du 25 février 1992 a limité le cumul des indemnités à une fois et demie le montant brut de l’indemnité parlementaire de base (5 514,68 €), ce qui porte, au 1er juin 2011, le maximum perçu en cas de cumul à 8 272,02 €. Un parlementaire ne peut donc percevoir plus de 2 757,34 € au titre de ses mandats locaux. Toutefois, pour le calcul du plafond des indemnités, l’indemnité de fonction et l’indemnité de résidence ne sont pas prises en compte. Il faut donc ajouter aux 8 272 euros brut par mois (qui correspondent à une fois et demie l’indemnité de base) les 1 585 euros correspondant à ces deux compléments. Les parlementaires ne peuvent donc pas dépasser en réalité 9 857 euros brut par mois…
Un écrêtement qui atteint des sommets
En effet, ce système, baptisé « écrêtement automatique », n’est ni aussi draconien, ni aussi transparent qu’il n’y paraît. D’une part, l’indemnité de base ne représente qu’une partie des émoluments parlementaires.
Le cumulard reste largement gagnant, puisqu’il conserve par ailleurs près de 15 000 euros nets d’indemnités diverses (de résidence, de fonction, de mandat, de collaborateurs…) qui s’ajoutent au plafond fixé par la loi et viennent compléter substantiellement les indemnités inhérentes aux mandats locaux. Sans oublier le cumul des avantages en nature et des fameuses « facilités » (courrier, téléphone, transport…).
Ainsi, si les élus sont apparemment bridés par la loi sur le cumul des mandats, ils savent s’arranger pour la tourner et cumuler néanmoins les avantages.
D’autre part, les sommes « écrêtées », qui proviennent bien sûr des fonds publics, ne retournent pas à ces mêmes fonds publics. Une fois que les 8 165,41 euros autorisés par la loi ont été empochés par le député cumulard, le surplus est reversé à d’autres élus de son choix, sous réserve qu’ils appartiennent à la même assemblée et à la même formation politique.
En pratique, c’est le plus souvent le parti ou mouvement auquel appartient le cumulard qui désigne l’heureux ou les heureux bénéficiaires. Ainsi s’est instauré, dans l’opacité et l’arbitraire, un système parallèle mais légal, sinon légitime, de financement des partis politiques avec l’argent des contribuables.
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