Le transport aérien progresse sans rentabilité.
Cette succession de hauts et de bas, upturns and downturns comme le disent élégamment les Anglo-Saxons, a quelque chose de lassant. A peine le transport aérien commence-t-il ŕ sortir d’une crise que s’annonce le moment de se préparer ŕ subir les difficultés suivantes. S’y ajoute un phénomčne spécifique, celui de la croissance non rentable. C’est précisément dans cette phase incongrue que se trouvent actuellement la plupart des compagnies. Aussi est-on tenté de parler de paradoxe, męme si ce terme est faible…
Le trafic se porte Ťbienť, trčs bien męme sur certains réseaux, mais l’IATA confirme que ses membres termineront l’année 2011 avec un bénéfice de 4 milliards de dollars sur un chiffre d’affaires estimé, pour l’instant, ŕ 598 milliards. Une fois de plus, on est en droit de parler de résultat tout simplement désastreux qui n’est lié ŕ aucune explication sérieuse. Bien sűr, l’IATA accuse le prix du pétrole, en moyenne, sur 12 mois, de 110 dollars le baril, dont 50% sont protégés par des accords de Ťhedgingť. Le kérosčne intervient désormais pour 30% dans les coűts directs d’exploitation, venant de 8%, jadis.
Cela étant dit, au risque de se répéter, il convient de rappeler que le transport aérien, en cette matičre, subit plus qu’il ne réagit. Craignant sans doute que l’élasticité du marché n’approche de son seuil d’intolérance, les tarifs ne suivent pas le mouvement et les marges diminuent ou s’évaporent. D’oů le rapport désastreux entre recettes et dépenses. A ce propos, les études font défaut et les données statistiques sont rarement cohérentes. L’IATA estime, par exemple, que le trafic passagers progressera cette année de 4,4% seulement, et non pas de 5,6% comme elle l’annonçait en mars.
Cette tendance décevante ne se retrouve pourtant pas dans les statistiques les plus récentes. Ainsi, l’AEA, Association of European Airlines, constate que le nombre de passagers transportés par ses membres de janvier ŕ mai a augmenté de 9,4%. Mieux, considéré séparément, le trafic intra-européen a progressé de 12,3% au cours de la męme période. Quelques mauvais élčves mis ŕ part, le rapport entre l’offre et la demande s’est maintenue ŕ bon niveau, permettant de protéger le coefficient moyen d’occupation ŕ 74,1%, avec, ici et lŕ, des pointes ŕ prčs de 80%, notamment chez Air France.
Ni l’IATA, ni l’AEA, n’acceptent les compagnies low cost dans leurs rangs, une anomalie qui relčve d’une doctrine psychorigide qu’il faudra bien abandonner un jour ou l’autre. Cette situation pčse sur les statistiques et l’analyse qui en est faite : ainsi, les chiffres de l’AEA prendraient une signification nouvelle s’ils incluaient les 150 et quelques millions de passagers des low cost européennes, dont 125 millions pour les deux ténors que sont Ryanair et EasyJet. L’année derničre, les 36 membres de l’IATA ont transporté 377 millions de passagers.
C’est l’occasion de noter que Ryanair a enregistré pour la premičre fois plus de 8 millions de passagers en un mois (juillet). C’est aussi la premičre fois qu’une compagnie européenne dépasse ce cap symbolique, son trafic cumulé, d’aoűt 2010 ŕ juillet 2011 ayant été de 75,9 millions de passagers. Le taux de progression n’atteint Ťqueť 6%, sans que l’on sache pour autant si ce ralentissement correspond ŕ une tendance durable. La compagnie irlandaise est en effet tentée de contenir son expansion pour améliorer sa rentabilité, stratégie qu’applique EasyJet de maničre encore plus marquée.
On entrevoit ainsi une situation nouvelle : des compagnies traditionnelles financičrement ŕ la traîne et des low cost suscitant les satisfactions répétées de leurs actionnaires. Etonnant !
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: Daniel Faget)