Nom : LAMOUR
Prénom : Louis
Promo : 2008-09
Louis quitte ses études à 23 ans (avec -quand même- un bac +4 en poche...), par amour pour le métier de boulanger. Après une année de formation sur Paris au CAP boulanger, il intègre le CFA BPF pour une mention complémentaire.
Ce boulanger passionné et passionnant a fait ses armes dans les plus grandes boulangeries parisiennes. Il est aujourd'hui responsable de production et nous raconte les aventures et mésaventures qui l'ont menées jusqu'en Chine, et plus précisément à Shanghai...
La boulangerie, après le BAC, ce n'est pas politiquement correct, aux yeux du plus grand nombre. Quelle a été la réaction de ton entourage quand tu leur as annoncé ton choix ?
Surtout après un Bac + 4…
La plupart des gens croyaient à une blague. Une fois qu’ils ont compris que j’étais sérieux, j’ai eu droit à deux types de réactions :
- La plupart des gens m’ont donné beaucoup d’encouragements et m’ont félicité pour le courage d'avoir choisi un métier, certes très beau, mais aussi très difficile.
- Et puis quelques amis, notamment ceux qui n’avaient pas eu la chance de faire des études n’ont pas compris ce choix de passion avant la raison… Pour eux, j’ai perdu mon temps en étudiant pour ensuite faire une carrière « manuelle ». Moi, j’ai l’impression que mes connaissances en gestion me serviront toujours en boulange...
Pains typique chinois : le Man To
France ou étranger. Quel a été ton parcours depuis la fin de ta formation en boulangerie au CFA BPF ?
Après le CFA je suis resté un peu employé au sein de la maison Eric Kayser où j’ai fait mon apprentissage. C’est une excellente maison où la qualité est omniprésente, tant au niveau des produits que des personnes que j’ai pu rencontrer.
J’ai ensuite décidé de me faire une expérience en tant que tourier à la Grande Épicerie du Bon Marché à Paris. Travailler pour une si grosse boite a été très frustrant car beaucoup d’employés y voient leur travail comme un simple job et sans aucune passion. Par contre j’y ai pas mal appris en terme d’organisation.
En mars 2010, j’ai eu un accident de moto assez sévère qui m’a cloué au lit pendant 9 mois. Ce fut une période très difficile pour moi.
Après cela en décembre dernier, j’ai voulu tenter le pari de l’installation et j’ai trouvé une petite affaire à vendre à Paris. Mais je me suis vite rendu compte que l’affaire n’était pas réellement ce que les vendeurs voulaient me faire croire et je suis sorti de l’achat (ce qui n’est pas simple. Avant de vouloir chercher une affaire, j’aurais dû commencer par trouver un bon avocat...).
A la suite de cet « échec », j’avais besoin de changement et cela nous amène à la question suivante.
Aujourd’hui tu es donc en Chine, parle-nous un peu de cette expérience assez atypique ?
Je suis tombé sur cette opportunité un peu par hasard, un ami d’un ami… Au début, je voulais juste venir un mois ou deux pour voir mais le boss a voulu m’embaucher. Moi, la Chine ne m’attirait pas particulièrement mais je me suis dit que c’est le pays le plus dynamique en ce moment donc je n’ai pas hésité longtemps...
La boite "Comptoir de France"est tenue par des Français mais le matériel est adapté à la fabrication de pâtisseries, et n’est donc pas optimal pour la panification (pas de four à sole, pas de chambre de fermentation contrôlée...).
Tout est très différent ici. Mon équipe n’est pas composée de vrais boulangers mais plutôt de gens qui ont été formés sur le tas. Et comme ils sont là depuis longtemps, on ne peut pas changer leurs habitudes d’un coup.
Pâtisserie chinoise...Humm
L’organisation de la production ressemble plus à de l’industrie ou à de la grande distribution qu’à de l’artisanat et c’est très frustrant. On travaille pas mal de mix et les farines locales sont très différentes. Les Chinois ont également un rapport différent du nôtre à l’hygiène. Pour eux nettoyer à l’eau est suffisant et tous les jours c’est la guerre.
N’ayant pas de formation boulangère, ils n’ont aucune notion de rigueur pour les temps de pointage, les températures de pâtes (ils n’ont pas de thermomètre et me regardent avec de gros yeux quand j’utilise le mien…).
Pareil, quand je m’occupe de mon levain, ils ne voient pas bien pourquoi je me complique la vie à travailler avec ce produit qui fait selon eux «perdre du temps». Mais pour l’instant je persévère à faire mes essais en attendant de lancer de nouveaux produits.
Tu rencontres un jeune qui hésite à devenir boulanger. Sois franc : cite les 2 avantages qui te paraissent majeurs et 2 inconvénients (y'a pas de raison, y'en a aussi !).
Les 2 avantages principaux sont pour moi :
1. Faire un métier qui est aussi une passion. Aimer ce que l’on fait.
2. Pouvoir trouver facilement du travail quasiment partout dans le monde.
Il ne faut pas cacher les inconvénients car il y en a aussi :
1. Le métier est dur, physiquement, au niveau des horaires et de la vie sociale. Les tâches sont parfois très répétitives…
2. Les évolutions en tant qu’employé sont limitées, il est à mon avis plus intéressant de s’installer.
Pain chinois au lait concentré...
Imagine : aujourd'hui, tout est à refaire. Signes-tu toujours pour la boulangerie ou changes-tu de métier ?
Je répondrai de façon détournée. J’adore la boulangerie et je suis fier de faire ce métier. J’aime mes horaires décalés et l’ambiance du fournil. Cependant, je ne compte par rester dans un fournil toute ma vie à « taper dedans ».
J’espère pouvoir un jour évoluer sur des responsabilités plus transverses de gestion, d’innovation, de management et pas seulement de production.
Pour moi être encore en production à 45 ans, même en tant que chef, me paraît trop contraignant physiquement et socialement.
Pour finir, quel est ton produit de boulangerie ou pâtisserie « chouchou » ?
Tant en boulange qu’en pâtisserie, j’aime les produits simples quand ils sont bien réalisés, avec amour. Une belle baguette de tradition, un bon pain de campagne corsé, un beau millefeuille ou une tarte aux fruits de saison (sans nappage ni crème pâtissière)… C’est pour l’amour de cette simplicité intemporelle que j’ai choisi ce métier.
Si je te dis CFA-BPF :
Je pense à une année enrichissante, tant au niveau professionnel que personnel. Ça a été très dur pour moi qui avais déjà travaillé en tant que cadre dans le privé de redevenir élève et de devoir me plier à la discipline nécessaire à l’apprentissage.
Heureusement, Pham Phat Tsang, mon professeur de boulangerie a su me faire garder ma motivation grâce à sa rigueur et sa sympathie.
Le mot de la fin :
J’encourage les jeunes à choisir un métier qu’ils aiment et pour lequel ils entretiennent une passion. Le patrimoine gastronomique français est un peu la dernière chose qui s’exporte bien. Choisir une carrière dans ces métiers est un choix judicieux si l’on veut voyager. Par contre il ne faut pas avoir peur de travailler.