Cette victoire n’est pas une surprise. Il était le dauphin du Président précédent, Robert Kotcharian qui, après deux mandats de cinq ans, ne pouvait en briguer un troisième. Ce dernier l’a d’ailleurs immédiatement félicité pour le résultat d’élections qu’il a estimées « libres et justes ».
Levon Ter-Petrossian, principal adversaire de Sarksian, aurait quant à lui récolté, selon les résultats fournis par la Commission électorale, un score de 21,5%. Premier Président de l’Arménie postsoviétique, Ter-Petrossian a dénoncé les résultats et qualifié les élections de «frauduleuses» en soulignant diverses irrégularités telles que les bourrages d’urnes, l’intimidation des opposants dans les jours précédents le scrutin ou encore les votes multiples.
20.000 manifestants s’étaient aujourd’hui rassemblés dans les rues d’Erevan et l’opposition a lancé un appel à la mobilisation pour jeudi en déclarant qu’elle se battrait « jusqu’au bout » et que, grâce à un « plan précis », elle gagnerait.
Toutefois, l’OSCE, qui avait dépêché 400 observateurs, a validé les résultats d’une élection qu’elle a jugée « dans l’ensemble » conforme aux normes internationales, s’attirant ainsi les foudres de l’opposition qui n’hésite pas à qualifier l’organisation internationale comme une « complice » des fraudes.
Peu après l’annonce des résultats, Vladimir Poutine et Nicolas Sarkozy auraient, selon les informations délivrées par le service de presse du gouvernement arménien, félicité le nouveau président.
A moins que, contre toute vraisemblance, l’opposition ne réussisse à influer un mouvement d’opposition comparable à celui des « révolutions de couleurs » qu’ont connu voici quelques années l’Ukraine et la Géorgie, il est probable que Serj Sarksian mène une politique en continuité avec celle prônée depuis dix ans par son prédécesseur.
Sur le plan international, le nouveau président devrait ainsi mener une politique basée sur des liens étroits avec Moscou et une hostilité à l’égard d’Ankara et de Bakou. Sarksian, risque de se montrer intransigeant dans les négociations relatives au statut du Haut-Karabagh. La problématique liée à ce territoire, auparavant intégré à la République Soviétique Socialiste d’Azerbaïdjan, peuplé majoritairement d’Arméniens et autoproclamé indépendant en 1991, est l’une des pierres angulaires de la politique étrangère d’Erevan. Les négociations quant à un traité de paix, en cours depuis quatorze ans, n’ont jamais pu aboutir tantôt en raison de l’absence d’une réelle volonté politique de la part des deux parties, tantôt en raison de la crispation populaire autour de cet enjeu qui semble aujourd’hui être obsidional de part et d’autre.
La poursuite d’une telle politique étrangère ne sera pas sans conséquence sur les enjeux domestiques. L’Arménie est aujourd’hui plus enclavée et isolée, diplomatiquement, mais aussi économiquement, que jamais sur le plan régional. Au sud, la frontière avec la Turquie est entièrement bloquée en raison du soutien d’Ankara à la défense de l’intégrité territoriale azerbaïdjanaise. A l’ouest, l’Azerbaïdjan, État avec lequel les seuls échanges sont militaires, à raison de quelques balles tirées parfois de part et d’autre, malgré l’accord de cessez-le-feu en vigueur depuis 1994. Au nord et à l’est, la Géorgie qui de plus en plus semble prendre le parti de Bakou en raison, d’une part, des intérêts économiques qui lient Tbilissi à Bakou, et, d’autre part, des liens étroits qu’Erevan entretient avec Moscou, ennemi désigné de l’actuel gouvernement géorgien. La seule bouffée d’air frais directe pour l’Arménie consiste en sa petite frontière avec l’Iran. Cet enclavement économique et diplomatique sur le plan régional pèse lourdement sur une population pauvre dont le principal soutien provient de la diaspora.
L’intégration de l’Arménie à un espace économique élargi sera donc l’un des enjeux majeurs du prochain mandat présidentiel, au risque que le mécontentement et la frustration ne s’accroisse au sein de la population.