Nabucco de Verdi, le 12 mars 2011 à l\'opéra de Rome.
Verdi en 1844 (deux ans après la création de Nabucco)
A la découverte de cette vidéo circulant sur le Net depuis le 12 mars dernier, j'ai d'abord été très envieux à l'égard du peuple italien rassemblé à Rome pour fêter l'unité italienne et la création de Nabucco, le célébrissime opéra de Verdi. C'est peu dire qu'on aurait aimé assister à cet événement culturel en direct, surtout lorsque le public après le fameux choeur des Hébreux, réclame un bis et obtient satisfaction. C'est un peu comme si au théâtre, un public ému jusqu'aux larmes, interrompait le monologue d'Hamlet, pour demander à Laurence Olivier, de le déclamer à nouveau. Juste pour le plaisir. Sauf que dans le cas précis, il s'agissait également d'envoyer un message politique au chef du gouvernement, Silvio Berlusconi, qui assistait à la représentation et auquel on reproche des coupes drastiques dans le budget de la culture. Ce soir-là, le chef d'orchestre Riccardo Muti se fit le porte-voix des Italiens visiblement inquiets pour l'avenir du pays. Imagine-t-on ce type de rassemblement en France, autour de Bizet, Gounod, Molière ou Hugo ? Tout simplement impensable, alors que l'on passe pour un pays "littéraire" ou "culturel"...
En revanche, quand on s'interroge plus profondément sur le sens de cette réaction du public et de ce qu'elle traduit vraiment, on est plus dubitatif... Je m'explique: si le désarroi des Italiens est aujourd'hui réel, n'y avait-il pas aussi pour eux, l'envie tout simplement de reproduire à l'identique (en forme d'hommage ou d'auto-célébration), de singer la réaction qui fut celle du public italien réuni à la Scala le 9 mars 1842, décidant de manière spontanée de bisser le choeur des Hébreux ? Autrement dit, est-on dans la répétition de l'histoire ou dans sa théatralisation ? Par ailleurs, si l'on discute encore des intentions politiques réelles ou supposées de Verdi, sur sa volonté de dénoncer à travers son oeuvre, l'occupation de l'Italie (il avait tout de même dédié la partition de Nabucco à l'archiduchesse Adélaïde d'Autriche...), en tout cas le public lui, y a vu à l'époque une allégorie de sa condition et un appel à se libérer du joug autrichien. Mais Berlusconi n'est pas Autrichien (à ma connaissance...) ! Et ceux-là même qui protestaient le 12 mars dernier contre sa politique culturelle (ou son absence...), ont probablement pour certains, voté pour lui à plusieurs reprises, avant de le regretter amèrement aujourd'hui... Enfin pour finir, je me demande si cette réaction du public, ce désir d'entonner ce chant patriotique à la gloire d'une Italie dont on redoute la disparition, ne dissimule pas un scepticisme de plus en plus fort et partagé des Italiens à l'égard de l'Union européenne...