sont donc ces pure players de la banque en ligne qui semblent vouloir secouer le modèle bancaire traditionnel ? Quel est leur potentiel de croissance ? Serait-ce finalement la banque de demain ?
La banque en ligne, un modèle bien spécifique
Ils s’appellent Boursorama Banque, ING Direct, Monabanq ou encore Fortunéo. Leur particularité est de proposer une offre bancaire complète, sans réseau d’agence physique, pour en assurer la promotion et la distribution. A l’origine, ils étaient principalement acteurs de niche, spécialisés dans le courtage low-cost en ligne (Boursorama et Fortunéo) ou dans l’épargne en ligne à fort rendement (ING Direct et Monabanq), mais ils se sont progressivement diversifiés.
En effet, devant leur succès et leur notoriété croissante, ces acteurs ont cherché à diversifier leur catalogue de produits (compte courant, crédit à la consommation, prêt immobilier, assurances…) afin de maximiser la rentabilité client et le taux de multi-détention. Ainsi, souvent assimilé à son livret d’épargne Orange lancé dès 2003, ING Direct a lancé ses premiers comptes courants en 2007. La même année, c’était au tour de Boursorama de lancer ses comptes courants pour sortir de son image de courtier en ligne et redéfinir son positionnement : apparaître comme une véritable banque, avec la spécificité d’être 100% en ligne.
Les objectifs majeurs de ces pure players restent toutefois les mêmes : concurrencer l’offre bancaire traditionnelle et conquérir de nouveaux clients. Pour ce faire, ces pure players vont se définir comme la « première deuxième banque », en profitant d’un contexte où la multi-bancarisation est devenue courante (environ un tiers des clients en France possèdent un compte dans plusieurs établissements) et en se positionnant comme une alternative presque gratuite, moderne et accessible sur des plages horaires étendues.
Cependant, à la tarification attractive mise en avant par les banques en ligne, répondent les conditions spécifiques demandées aux clients. Lors de l’ouverture d’un compte, Fortunéo exige au moins 1.500 euros de revenus mensuels ou 10.000 euros d’épargne à placer sur un livret d’épargne. ING Direct demandera sur le compte courant un premier versement équivalent aux revenus mensuels déclarés. Et les frais d’incident sont généralement très élevés. Autant de moyens pour ces banques en lignes, dont le produit phare reste l’épargne, de cibler les hauts revenus. De plus, le canal Internet s’adresse davantage à une population technophile, autonome, urbaine et aisée. Ainsi, se dessine la stratégie de la banque en ligne : attirer les catégories socio-professionnelles moyennes et supérieures, disposant de revenus financiers relativement conséquents, et de ce fait, présentant une rentabilité élevée et un faible coût du risque.
Notons toutefois que la plupart des pure players sont détenus par des banques de réseau : Crédit Mutuel (Monabanq), ING (ING Direct), Société Générale (Boursorama), Crédit Agricole (BforBank). Ces initiatives viennent répondre à l’anticipation d’une demande croissante de services en ligne ; plutôt que d’assister au développement d’acteurs indépendants, les banques traditionnelles ont préféré lancer leurs banques en ligne, au risque de cannibaliser leurs propres offres. Cela étant dit, il est bon de rappeler que Boursorama Banque possède une quinzaine d’agences suite au rachat du réseau de la Caixabank en 2006 et ING Direct, fort de son actuel « café banque » à Paris, va lancer d’autres points de contact sur le territoire. Plus qu’une remise en cause du modèle initial, l’ouverture d’agences par une banque en ligne est le signe d’une forte croissance. L’agence offre une vitrine à la marque et renforce l’aspect proximité et concret avec la clientèle.
Parts de marché et perspectives
En observant les chiffres, on s’aperçoit néanmoins que les banques en ligne détiennent relativement peu de comptes courants : 0,9% des 72 millions de comptes à vue enregistrés en France[1]. A noter que tout client n’est pas titulaire d’un compte courant : ING Direct, première banque en ligne via ses produits d’épargne (750.000 clients) n’enregistre que 40.000 comptes courant fin 2010. L’encours d’épargne cumulé des banques en ligne représente 1,6% de celui des 7 grands réseaux bancaires français à fin 2010 (sur la seule activé en banque de détail). Le ratio équivalent pour l’encours de crédit tombe à 0,2%[2].
Données à fin 2010 sauf Boursorama fin 2009
Pour gagner des parts de marché, outre les actions marketing choc, certains défis majeurs restent à relever. Par exemple :
- L’absence de contact humain en tête à tête pour les opérations complexes : plus de 80% des Français préfèrent souscrire en agence[3]. La capacité à proposer un parcours client simple et didactique pour une souscription 100% en ligne, ainsi qu’un accompagnement téléphonique suivi et de qualité, s’avèrent être des facteurs clefs pour passer de la simulation au montage intégral du dossier final. Un aspect qui n’est pas neutre en termes d’organisation, sachant que les horaires étendus supposent qu’un dossier (prêt immobilier, crédit à la consommation…) puisse être instruit indifféremment par différents conseillers, avec un niveau de connaissance client similaire.
- La dématérialisation des pièces justificatives : les opérations complexes exigent de nombreuses copies papier, à échanger par courrier, qui viennent freiner la réactivité et la souplesse mises en avant par les banques en ligne. Le processus peut même être allongé par rapport à un montage de dossier en agence en cas d’allers-retours. L’évolution programmée de la dématérialisation à la source des justificatifs (facture électronique, carte nationale d’identité électronique), associée aux dispositifs de coffres-forts électroniques, permettront à terme la disparition des photocopies.
Mais au-delà des chiffres, l’avenir des banques 100% en ligne ne sera pas indépendant de la stratégie de leurs actionnaires. La plupart étant détenue par des acteurs traditionnels de la banque, il est permis de se demander, si finalement nous n’assistons pas à la volonté des banques de posséder et présenter plusieurs marques, comme c’est souvent le cas dans la grande distribution.
Ainsi, Fortunéo et Monabanq permettent de capter une clientèle plus urbaine que celle du réseau Crédit Mutuel. Raisonnement analogue pour la BforBank, qui avec son positionnement « banque privée », dénote par rapport à la cible de référence du Crédit Agricole.
Les banques en ligne apparaissent finalement comme des marques alternatives, détenues et gérées par les grands groupes bancaires, qui peuvent ainsi diversifier leur image et attirer une nouvelle clientèle. De même, il n’est pas impossible de voir ces acteurs servir de laboratoire à des offres innovantes, avant une commercialisation grand public. Les enjeux dépassent de loin la seule performance économique.
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