Avec Soufi, mon amour, elle lorgne du côté de Paulo Coelho. On peut espérer qu’Elif Shafak est moins contaminée par la révélation d’un chemin personnel que son héroïne, Ella Rubinstein. Celle-ci ne semblait pas avoir le profil idéal pour tomber dans des pièges aussi visibles que les quarante règles à découvrir, en même temps qu’elle, à travers le roman. Ella a sacrifié une vie professionnelle prometteuse à sa famille – qui l’a comblée. Mais les enfants sont grands, le mari moins fidèle que le chien. Pour le dire vite, elle s’ennuie un peu et pense trouver un travail à sa mesure comme lectrice dans une maison d’édition. Pas de chance: le premier manuscrit sur lequel on lui demande un rapport va changer sa vie. Il met en scène la relation entre un derviche et un poète au XIIIe siècle. Il contient des phrases définitives comme: «Les mots qui sortent de nos bouches ne disparaissent pas, ils sont éternellement engrangés dans l’espace infini, et ils nous reviendront en temps voulu.» C’est extrait d’une des quarante règles. Pardon: des quarante Règles, puisque la majuscule s’impose.
A dire vrai, on aurait dû comprendre dès le début que le livre était mal embarqué. Peut-être Elif Shafak en a-t-elle eu le pressentiment, puisqu’elle le dédouble en un roman dans le roman et transfère la fascination d’Ella pour le manuscrit vers son auteur. Qui, tant mieux pour elle et tant pis pour nous, ressemble à ce qu’il écrit. Accident de parcours ou nouvelle orientation?