Fin de Kadhafi : premières leçons

Publié le 22 août 2011 par Egea

Ainsi que je l'annonçais dès jeudi, nous voici donc au terme de la campagne de Libye. Elle amène d'ores et déjà quelques explications et aperçus.

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1/ Cette fin était inéluctable, pour plusieurs raisons :

  • nous avons été un peu aveuglé par l'expérience irakienne et afghane, et avons cru, une fois encore, que nous entrions dans une de ces guerres longues et non maîtrisables. C'était oublier que les facteurs étaient différents.
  • en effet, il s'agissait de s'opposer à un pouvoir en place, avec donc une configuration plus classique (conventionnelle).
  • surtout, ce pouvoir s'est très vite claquemuré dans Tripoli qui est devenu le centre de gravité, à la fois physique et politique, du colonel.
  • Celui-ci n'a jamais utilisé la défensive pour contre-attaquer, ainsi que nous l’enseigne Clausewitz (voir ici et billets précédents).
  • Sa seule chance de succès, à partir du moment où il ne pourrait prendre l’initiative sur le terrain, consistait donc à échanger du temps oriental contre du temps occidental : et donc, à miner la cohésion des alliés (leur centre de gravité) par des palabres orientales qui lui auraient permis, en juin, d'organiser une séparation du pays. Il n'a pas su le faire, ce fut sa perte.
  • dans le même temps, les alliés ont combiné blocus naval, attrition aérienne, et troupes au sol locales et fermement décidées à se battre : certes, il a fallu les former et les organiser, les armer et les planifier, rôle des "conseillers" et autres forces spéciales qui, bien sûr, n'ont jamais, au grand jamais, été envoyées sur place : celui qui dira que des troupes françaises ou anglaises ont posé leur rangers en Cyrénaïque ou Tripolitaine ou djebel Nefoussa risquent, horreur, d’être en contradiction avec la 1973 : donc, ça n'a pas eu lieu. Seuls les médias occidentaux et les belles âmes qui s'y épanchent régulièrement y ont cru .
  • on assista donc à une manœuvre patiente mais régulière d'élargissement de l'étau puis de multiplication des théâtres pour converger, de points décisifs en points décisifs (Bréga, Misrata, djebel Nefoussa, ..) vers le CDG qui est logiquement tombé : du très classique, pour une guerre finalement pas si longue : cinq mois, ce n'est rien ! Que tous ceux qui ont sérieusement parlé d’enlisement aillent se cacher, a tête couverte de cendres, marqués de la honte et du ridicule.

2/ Quid des vainqueurs et des vaincus, hors le CNT et Kadhafi ?

  • vainqueurs : France (cela se sait-il ? voir ici) et UK, au premier chef, mais aussi Italie et Norvège. Également, Qatar et EAU.
  • plutôt bien, mais mitigé : États-Unis (merci Mme Clinton, dommage Bob Gates), OTAN (qui a finalement su transformer en succès, nolens volens, une affaire mal partie), et Ligue arabe.
  • perdants : Allemagne et Turquie; Union africaine, pays émergents (Chine, Russie, Brésil).
  • même plus perdant car pour perdre, il faut un peu jouer : l'UE. L'UE passe, impair, et perd !

3/ Et après ?

  • on n'est sûr que d'une chose : il y aura un grand désordre, un peu à l'image de ce qui se passe en Tunisie : car si Kadhafi était maléfique, il avait su malgré tout "équilibrer" le système libyen, et rien, mais rien du tout, ne garantit qu'on trouvera rapidement un nouvel équilibre.
  • au contraire, on peut être très inquiet : je ne crois pas beaucoup à la menace islamiste agitée ici ou là, ou à la contagion à AQMI. Mais je pense en revanche que beaucoup de forces centrifuges vont s'exercer et que la Libye va rester, longtemps, un problème.
  • en fait, la "solution" actuelle n'est que passagère, et ne marque que la fin d'un épisode : certes, les Occidentaux y étaient beaucoup mêlés. Mais il serait sage qu'ils s'abstiennent de trop intervenir dans l'après Kadhafi. Pour le coup, les exemples irakiens et afghans doivent rester à l'esprit.

O. Kempf