Mais plus que ces considérations, c'est le changement d'éditeur qui m'a interpellé : les éditions de L'Atalante auraient-elles renoncées à suivre l'auteur en raison d'un fléchissement des ventes des précédents ouvrages parus ? N'auraient-elles pas cru dans le potentiel de cette nouvelle série dont, il est utile de le préciser, Seeker est le troisième opus ? Et autre interrogation, pourquoi justement commencer par un tome qui n'entame pas la série ? Parce que celui-ci a reçu le prix Nebula et que cela fera de lui un titre plus « vendeur » ? Parce que les autres sont moins bons, plus anecdotiques ? Seront-ils seulement traduits et édités en France ?
A vrai dire, je n'ai pas encore aujourd'hui la réponse à ces différentes questions mais je ne désespère pas de les obtenir. Je ne me suis tout simplement pas encore lancé dans ces investigations – une bonne déconnexion de temps en temps, ça ne fait pas de mal – mais je le ferai sous peu et reviendrai sans doute ici même compléter cette chronique au fur et à mesure que j'engrengerai les réponses. D'ailleurs, si vous en avez vous-même certaines (voire toutes, hein), n'hésitez pas à les partager dans le fil des commentaires.
Finalement, après m'être dit « non, tu peux attendre, tu le prendras au boulot », le « oui mais quand même ça n'a pas l'air si mal que ça » a fini par l'emporter parce qu'encore une fois, il s'agit d'un ouvrage qui donne la part belle à l'archéologie du futur et que je ne sais pas résister à ce type d'ouvrage, comme je le soulignais déjà dans la chronique concernant le Filet d'Indra de Juan Miguel Aguilera.
Résultat, c'est plutôt réussi même si l'approche du futur de Jack McDevitt est assez déroutante parce qu'elle n'est tout simplement pas commune. Ce qui ne l'empêche pas d'être défendable.
Dix mille ans dans notre futur, à peu de chose près. Les humains ont quitté le berceau de la Terre ont colonisé plusieurs planètes, en ont terraformées certaines. Dans leur essaimage, lls n'ont rencontré qu'une civilisation extraterrestre encore vivante avec laquelle, bon an mal an, ils ont réussi à pactiser.
Alex Benedict, antiquaire archéologue et son assistante Chase Kolpath vivent sur Rimway. Leur travail consiste à déterrer des objets de civilisations disparues, de dénicher des fouilles dont ils revendront ensuite le fruit de leurs trouvailles aux plus offrants, ce qui ne manque pas de faire grincer des dents les organisations archéologiques officielles. La plupart du temps, ce sont Alex et Chase qui se lancent dans la chasse aux trésors mais il arrive que des particuliers leur demandent aussi d'authentifier un objet et bien sûr, de leur en révéler la valeur. C'est dans ce dernier cas de figure qu'ils tombent un jour sur une tasse émanant du Seeker, un vaisseau d'une colonie légendaire ayant fui l'oppression terrienne du 26ème siècle dans le seul but de fonder un monde utopique dont personne, absolument personne ne devait connaître la localisation.
Une grande partie du roman s'articule autour d'une enquête relative à la tasse en elle-même, consistant à savoir dans quelles circonstances elle a été trouvée pour la première fois, puis à déterminer pourquoi ceux qui sont entrés en sa possession n'ont rien révélé d'une découverte dont l'écho aurait pourtant été retentissant. C'est une partie bien menée, intrigante à souhait au terme de laquelle on n'attend plus qu'une exploration spatiale à même de fournir son lot de révélations.
Et l'on n'est pas en reste puisque Chase s'envole en effet en territoire extraterrestre, communément appelés les Muets, capables de lire dans les pensées, afin d'obtenir les ultimes renseignements à même de les mettre, Alex et elle, sur la voie de la Colonie perdue. Rebondissements, suspense, action et révélations, selon une adroite association, sont effectivement au rendez-vous.
Tout ceci se lit avec un plaisir certain mais une chose est sûre cependant, Seeker risque peut-être d'en rebuter plus d'un. Car l'avenir suggéré par Jack McDevitt est bien loin de ceux dessinés par un Peter F. Hamilton ou un Stephen Baxter. On a beau être dix mille ans dans le futur, on ne peut pas dire que le « sens of wonder » soit la préoccupation essentielle de l'auteur. On a bien des vaisseaux spatiaux capables de franchir des distances faramineuses, des intelligences artificielles à même de les gérer, des hologrammes d'humains disparus ayant voulu laisser une flatteuse image d'eux-même, mais à part ça on ne peut pas dire que l'on soit noyé par des considérations scientifiques ni même par des inventions que tout lecteur aurait été en droit d'espérer.
Il semble que Jack McDevitt situe ses préoccupations ailleurs, dans une volonté de focaliser son attention sur une perspective archéologique ainsi que sur des humains dont les aspirations et les besoins n'ont pas beaucoup évolué. A savoir qu'ils vivent un quotidien que l'auteur nous fait parfois partager en évoquant des sorties au restaurant, en citant des titres de musique ou de livre qui ont eu un certain succès quelques années en arrière seulement, ou même en évoquant la fatigue, le besoin de se reposer, le stress lié au travail... Et comme je le disais un peu plus haut, c'est assez déroutant (au premier – et dernier – sac en plastique qui est apparu au détour d'une page, je me suis demandé si je lisais bien un bouquin de SF) mais c'est du coup assez original et pas dénué de charme non plus puisqu'on n'a pas l'habitude de voir ça dans des ouvrages qui nous parlent d'un futur lointain. Sans compter que l'histoire est plutôt haletante et réserve quelques belles surprises. Seul le personnage de Alex Benedict à qui est consacrée la série paraît un tantinet pâlot, le beau rôle allant à Chase, narratrice de cette histoire.
Voilà, en fonction des éléments que j'ai rapportés ici et de vos propres goûts en matière de Space Opera, il vous revient de faire à votre tour votre propre choix. Lira, lira pas ?
Seeker, Jack McDevitt, traduit de l'américain par Michèle Zachayus, Télémaque, 442 p.