La colonne armée de rebelles soutenus par l’Otan est entrée dimanche soir dans la capitale libyenne, Tripoli, et a pris aisément le contrôle de la majeure partie de la ville, accueillie en héros. Des célébrations ont déjà lieu dans certains quartiers de Tripoli, tandis que Mouammar Kadhafi s’est adressé aux Libyens à la télévision pour appeler à la résistance, alors que son régime est en train de s’écroûler.
Selon le chef du Conseil national transitoire (CNT), le gouvernement rebelle, cité par Al Jazeera, Seif al-Islam, le fils du colonel Kadhafi, a été capturé par les insurgés. Seif al-Islam, un personnage-clé du régime dirigé par son père et longtemps « cultivé » par les Occidentaux dans l’espoir de « moderniser » le régime, avait promis « des rivières de sang » dans une intervention télévisée au début de la rébellion en février dernier. Il fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Justice internationale.
Le fils aîné de Kadhafi, Mohammed, se serait pour sa part rendu aux rebelles, tout comme la garde personnelle du « Guide », selon la chaîne Al Jazeera. Plusieurs dignitaires du régime ont été tués.
Dans une intervention surprise à la télévision, sans image, Kadhafi a lancé un appel émotionnel aux « tribus » pour qu’elles viennent dans la capitale pour résister à ses côtés et éviter de devenir « esclaves des Français », une référence au rôle joué par la France dans l’action de l’Otan au côté du CNT. Ecoutez un extrait de cette intervention, avec traduction anglaise d’Al Jazeera
Le porte-parole du gouvernement libyen, Moussa Ibrahim, avait auparavant accusé l’Otan d’avoir commis des « crimes » pour permettre l’avancée des rebelles et d’être responsable de ce qui se passe à Tripoli. « L’Otan attaque le cœur d’une ville pacifique », a-t-il dit, promettant une lutte à mort.
Ces déclarations de Kadhafi comme de son porte-parole semblent toutefois totalement déconnectées de la réalilté sur le terrain qui est la prise de contrôle extrêmement rapide, et sans réelle résistance dimanche soir, de la ville. On ignore en fait si Mouammar Kadhafi est toujours à Tripoli où s’il appelle la télévision d’ailleurs.
De fait, dimanche soir, le régime de Kadhafi n’existe plus de fait : il a perdu sa capitale après avoir progressivement perdu le reste du pays.
L’Otan a, de fait, joué un rôle-clé dans la chute imminente du régime Kadhafi, à la fois avec les bombardements massifs depuis des mois, la zone d’interdiction aérienne qui a cloué au sol l’aviation gouvernementale, l’armement et l’entrainement fourni aux rebelles, et, selon le Washington Post, l’action du renseignement britannique et français dans la dernière phase de cette offensive.
Selon Al Jazeera, deux avions sud-africains se trouveraient dimanche sur l’aéroport de Tripoli, ouvrant peut-être la voie à un départ en exil de Kadhafi, même si ce serait contradictoire avec les déclarations exaltées de Kadhafi dimanche soir, jurant de résister.
Le soulèvement des insurgés de la capitale
Cette entrée de l’armée rebelle a été précédée par le soulèvement, samedi soir, d’insurgés présents dans la capitale, qui
ont pris le contrôle de plusieurs quartiers : Tajoraa, Suq al-Jumaa, Arada et al-Sabaa. Dès dimanche, le drapeau de la rébellion était visible sur certains bâtiments. Les insurgés ont
également capturé une prison et libéré des milliers de prisonniers.
Selon des officiels libyens, plusieurs centaines de personnes ont toutefois trouvé la mort dans les affrontements de Tripoli depuis samedi soir. Matthew Price, le correspondant de la BBC à Tripoli, indiquait dimanche soir que les responsables gouvernementaux libyens redoutaient un massacre à connotation tribale dans la capitale avec l’arrivée des rebelles.
Dans son avancée vers Tripoli, la colonne de rebelles a capturé une caserne importante de l’armée libyenne, celle de la brigade Khamis, l’une des mieux équipées et en principe commandée par un fils de Kadhafi. La chute de cette caserne, avec tout son équipement, a été célébrée par les rebelles par des danses de joie, raconte un journaliste d’Associated Press sur place.
Mouammar Kadhafi au téléphone
Fidèle à son habitude, Mouammar Kadhafi a pris la parole à la télévision, plusieurs fois par téléphone au cours du
weekend, sans qu’on sache où il se trouve, pour exhorter le peuple à la résistance et proclamer qu’il ne quittera pas Tripoli. Samedi soir, il avait félicité ses partisans pour avoir chassé
les insurgés, qualifiés de « rats », et avait accusé Nicolas Sarkozy de vouloir lui « voler » son pays.
Les manifestations hostiles au colonel Kadhafi ont éclaté dans les rues de la capitale après la rupture du jeûne du ramadan samedi soir et se sont poursuivies dimanche matin de manière plus sporadique.
Ce soulèvement, selon la chaîne arabe Al Jazeera (qui a créé un logo spécial « Bataille de Tripoli » ! ), aurait été « planifié depuis longtemps ».
Certains manifestants étaient armés, bien moins toutefois que les forces loyales à Kadhafi qui font usage d’armes
lourdes. La plupart des habitants de Tripoli sont toutefois restés cloitrés chez eux en entendant les tirs.
Des commandos pour rejoindre Tripoli par la mer
Selon des informations non confirmées, certains commandos les avaient rejoints par la mer : selon Al Jazeera, un
millier d’entre eux, fortement armés, auraient réussi à gagner Tripoli par la mer, en provenance de Misrata, avec le soutien logistique de l’Otan. C’est cet afflux de combattants par la mer
qui aurait joué un rôle-clé dans le soulèvement de samedi soir, ouvrant la voie à l’entrée de la colonne rebelle dimanche soir.
Ces derniers jours, l’Otan a effectué des lâchers de tracts sur Tripoli, appelant les soldats restés fidèles à Kadhafi à rejoindre la rébellion, et donnant des informations sur les derniers succès militaires des insurgés. Dimanche, les avions de l’Otan ont également bombardé le QG de Kadhafi, Bab Al-Aziziya, sans qu’on sache s’il s’y trouve réellement.
A Benghazi, des milliers de personnes sont réunies dimanche soir sur la grande place de la capitale de la rébellion pour célébrer les nouvelles en provenance de Tripoli.
La raffinerie Zawiyah aux mains des rebelles
Ces derniers jours, les forces rebelles ont enregistré d’importants succès, approchant de Tripoli, et infligeant une
défaite majeure au pouvoir de Kadhafi avec la capture de la raffinerie de Zawiyah, principale source d’approvisionnement de la capitale en essence, en gazole et en gaz. Les rebelles ont
également revendiqué la prise de la ville de Brega, qui a été âprement disputée.
La bataille de Zawiyah a été très disputée, en raison du caractère stratégique de la raffinerie. Le récit de cette bataille, et quelques images des destructions de la ville, par Al Jazeera. (Voir la vidéo en anglais)
Sur son site, l’agence Reuters montre l’avancée des rebelles sur cette carte.
Pierre Haski pour Rue89
Merci à : Section du Parti socialiste de l'île de ré